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ÉPREUVE 10 Groupement interacadémique II, session de remplacement Septembre 1989 TEXTE Jeunes gens le. temps est devant vous comme un...

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« ÉPREUVE 10 Groupement interacadémique II, session de remplacement Septembre 1989 TEXTE Jeunes gens le.

temps est devant vous comme un cheval échappé Qui OJ le saisit à la crinière entre ses genoux qui le dompte N'entend désormais que le bruit des fers de la bête qu'il monte Trop à ce combat nouveau pour songer au bout de l'équipée Jeunes gens le temps est devant vous comme un appétit précoce Et l'on ne sait plus que choisir tant on se promet du festin Et la nappe est si parfaitement blanche qu'on a peur du vin Et de l'atroce champ de bataille après le repas des noces Celui qui croit pouvoir mesurer le temps avec les saisons Est un vieillard déjà qui ne sait regarder qu'en arrière On se perd à ces changements comme la roue et la poussière Le feuillage à chaque printemps revient nous cacher l'horizon Que le temps devant vous jeunes gens est immense et qu'il est court À quoi sert-il vraiment de dire une telle banalité Ah prenez-le donc comme il vient comme un refrain jamais chanté Comme un ciel que rien ne gêne une femme qui dit Pour · toujours Enfance Un beau soir vous avez poussé la porte du jardin De deuil voici que vous suivez le paraphe noir des arondes (ZJ Vous sentez dans vos bras tout à coup la dimension du monde Et votre propre force et que tout est possible soudain. Louis ARAGON, extrait de la « Beauté du Diable», Le Roman inachevé, 1956 qui : comprendre « celui qui...

» (2) arondes : ancien nom de l'hirondelle. (1) Vous ferez de ce texte un commentaire composé excluant l'étude jux­ talinéaire.

Vous pourriez montrer, par exemple, comment le rythme, la composition, les images, les sonorités rendent compte d'un retour cyclique du temps et renouvellent le thème traditionnel de la jeunesse. ■ Colette (Épreuve 8) parlait de son enfance.

Aragon ici chante l'adoles­ cence.

Texte optimiste aussi, mais moins naturel que celui de Colette.

On sait la volonté de prosélytisme d'Aragon, fervent communiste, et qui juste après guerre veut entraîner une jeunesse constructive. ■ Ne pas se laisser inquiéter par l'absence complète de ponctuation, trace du surréalisme originel d'Aragon.

Il faut lire très attentivement, et l'on retrouve soi-même assez facilement la place des virgules et points. Introduction En 1956, Aragon a depuis quelques décennies dépassé sa période surréa­ liste.

Sous l'influence de sa femme, la romancière russe Elsa Triolet, il est devenu un écrivain engagé.

Il a été résistant et se révèle comme le chantre du communisme.

En 1956, date de la parution du Roman inachevé, le poète s'attache à une facture plus traditionnelle qu'à ses débuts. Ainsi, dans un extrait de La Beauté du Diable.

Certes, ce sont encore des vers libres ici, plus longs que l'alexandrin, non ponctués.

Mais la composi­ tion est de quatrains.

Les intentions et les images qui les rendent se tradi­ tionnalisent aussi - si l'on ose écrire ainsi -.

Il n'en est plus à la« dictée de l'inconscient» surréaliste pour exprimer cette originale présentation du temps à une jeunesse qu'il veut galvaniser. Aussi étudiera-t-on d'abord cette expression du temps : il passe, certes, mais loin d'en dégager une inquiétude existentielle, Aragon insiste sur le CONNAISSANCES LITTÉRAIRES • Louis Aragon (1897-1982), passionné toute sa vie, et depuis sa plus petite enfance, de littérature, fonde en 1919 avec A.

Breton et Ph.

Sou­ pault la revue littéraire Littérature et se consacre désormais à toutes les formes d'écriture: essayiste, romancier, poète, historien (du mou­ vement communiste, auquel il adhère dès 1927 et jusqu'à sa mort).

Après avoir été dadaiste et surréaliste, il rencontre et épouse !'écrivain russe Elsa Triolet (1896-1970) à laquelle il dédiera une grande partie de son œuvre, soit de résistant : Le Crève-cœur (1941), soit de grand poète populaire: La Diane française (1946), soit d'amour: Cantique à Elsa (1942) ; Les Yeux d'Elsa (1942) ; Elsa (1959) ; Le Fou d'Elsa (1963). Citons aussi certains de ses romans comme Aurélien (1945) ou Les Beaux Quartiers (1936). retour assuré des cycles, donc sur une notion de " Pour toujours ».

Puis le commentaire pourrait se porter sur le tableau de la jeunesse présenté par Aragon dans ces cinq quatrains, son analyse et son désir d'une ardeur et d'une vitalité qui caractérisent cet âge. Première partie : le temps On a l'habitude dans les textes lyriques de voir traiter le thème de la fuite du temps, allié à l'irrémédiable conduite vers la mort de la condition humaine. « Le temps s'en va, le temps s'en va, ma dame ;/Las! le temps, non, mais nous nous en allons,/Et tôt serons étendus sous la lame» Ronsard dans ce mélancolique sonnet fait bien remarquer que ce n'est pas le temps mais nous-mêmes qui fuyons vers la fin; le temps est quand même presque tou­ jours pris comme symbole de cette fuite, de cet écoulement, comme çelui de l'eau de la Seine sous Le Pont Mirabeau (Apollinaire). Or la manière d'utiliser le symbole du temps est tout à fait différente dans ce texte d'Aragon.

Le temps devient un entraîneur.

Il est guide, aide, maî­ tre mais surtout il ouvre les voies, comme le ferait un bon génie. Sa première caractéristique est montrée par l'anaphore « le temps est devant vous».

«Devant» c'est le futur, l'espoir - rien n'étant encore atteint - , le besoin et le désir de construire, de faire quelque chose.

Le temps est donc vitesse, ardeur un peu folle à vaincre; l'élément: « qui le dompte» - c'est-à-dire « celui qui le dompte» - , en contre-rejet, lance le vers sui­ vant avec un élan que plus rien n'arrête : « ...

qui le dompte N'entend désormais que le bruit des fers de fa bête qu'il monte» L'accumulation des explosives: dentales (d, t), labiales (b) et surtout gut­ turales (qu, qu) imite le bruit du galop « échappé ». C'est le temps qui entraîne ce mouvement, qui le motive et y aide. Le temps demande donc d'aller de l'avant, de risquer, de prendre des déci­ sions rapides, de saisir l'occasion vite, sans atermoiement.

Il empêche une réflexion repliée sur elle-même qui « croit pouvoir fie] mesurer» et s'y perd. Le temps ne permet pas l'arrêt et rejette le passé, celui que l'on « regarde [.

..] en arrière». Il faut donc en jouir, le goûter, mais plus encore avant que pendant ou après. Avant, tout est beau, comme une « nappe[.

..

] parfaitement blanche», car rien n'a souillé les espoirs misés sur le temps.

Quand tout est passé, l'image restante peut être un" atroce champ de bataille » où tout ce qui a servi git sur « fa nappe» souillée « du vin» des orgies.

Le temps doit être vu en dévo­ rateur, image classique certes, celle de Saturne, le dieu antique du temps qui dévorait ses enfants à la naissance.

Mais cette présentation chez Ara­ gon n'est pas péjorative.

Il faut prendre le temps « comme il vient», donc en jouir sans s'apesantir sur ce qu'il deviendra, penser que le temps est tout entier pour chacun d'entre nous, « comme un refrain jamais chanté». Ainsi, bien que l'éphémérité soit une caractéristique du temps, complément de son mouvement rapide et entraînant, s'il « est court», il est aussi «immense».

Il est l'inconnu, la vision d'horizon, c'est ce que traduit cet adjectif prolongé par les sonorités nasales; peut-être l'est-il tant parce qu'il revient sans cesse, comme l'indique l'image de « fa roue» et le rappel de ses « changements», donc du cycle des saisons. Il devient donc pour Aragon essentiellement présent et futur; futur surtout. Le passé est gommé, le temps ne s'y arrête pas et ne veut pas le voir.

Il s'emporte toujours vers l'avant, sans entraves:« comme un ciel que rien ne gêne», et Aragon, parmi les adverbes de temps, ne veut retenir que celui qui réclame l'assurance de l'éternité: «toujours». Est-ce reste de surréalisme, dont une des réclamations était que l'on se laisse aller à la dictée des images, d'associations en associations? En tout cas Aragon présente le temps en une succesion imagée: la course en avant, c'est le« cheval» au galop.

Peut-être reprend-il la parabole du cheval de !'Apocalypse, mais avec une intention inverse, car ici il présente le cheval - temps dompté par les jeunes gens; - puis c'est l'image du« festin» en un double tableau: la table préparée avant, toute soignée; celle qui sup­ porte les reliefs du repas et les dégâts de la fête, mais à laquelle il ne faut pas s'attarder, ...

après. Autre image représentative du temps, l'amour.

Pour ce grand amoureux que fut Aragon, qui chanta toute sa vie sa femme Elsa dans mille poèmes, l'amour comme le temps est frappé de dualité: il est« immense» et«court», court comme la vie.

Mais« immense» l'emporte avec ses nuances: uni­ que, absolu, éternel:« refrain jamais chanté » à d'autres, donc unique;« ciel que rien ne gêne » donc absolu dans sa pureté; disant « Pour toujours» par la bouche de la femme aimée, donc éternel, surtout qu'il revient sans cesse en sa « roue» cyclique. Seconde partie : la jeunesse Cependant cette peinture du temps n'est pas vraiment faite pour elle-même, elle est faite pour les« Jeunes gens», auxquels le poète s'adresse dès le premier vers.

En leur présentant toutes ces qualités du temps, il les adjure en réalité de les saisir et de les faire leurs.

L'apostrophe répétée au pre­ mier et deuxième quatrain est un appel.

S'il leur montre ce mouvement ardent du« cheval échappé» c'est pour qu'ils puissent le« saisir» au vol. L'image est celle de ces cavaliers sauvages et vibrants qui se lancent dans les steppes« à la crinière» de chevaux sauvages ou difficiles et qu'ils se font une joie.... »

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