Devoir de Philosophie

�· ÉPREUVE 24 Amiens, Lille, Rouen Juin 1990 SUJET « Les livres sont pour moi plutôt des amis que des...

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« �· ÉPREUVE 24 Amiens, Lille, Rouen Juin 1990 SUJET « Les livres sont pour moi plutôt des amis que des serviteurs ou des maîtres ». En prenant appui sur votre exper1ence de lecteur, vous direz les réflexions que vous inspirent ces propos de l'écrivain contemporain Claude Roy. Si nous lisons ce libellé d'Essai littéraire en en faisant le graphique, ce qui est une méthode solide à appliquer de préférence pour ce type de devoir, nous en détachons évidemment en premier: les livres.

Devoir général qui porte donc sur les livres, ce qui représente un sujet très fréquent.

Il ne faut pas partir à l'aveuglette, mais continuer une lecture soignée.

Trois éléments se détachent : - un élément positif: amis, puisque c'est ce que sont plutôt les livres pour Claude Roy; - deux éléments assez négatifs: serviteurs ; maîtres. Ces deux derniers coordonnés par ou peuvent être réunis en une même partie. Il sera intéressant d'éliminer d'abord ce qui est négatif: première partie ; puis de traiter ce qui est positif: deuxième partie sans oublier que amis n'est pas un élément positif suffisant et que le livre est encore autre chose: il fait réfléchir, penser; un livre s'écrit à deux : l'auteur et le lecteur. Introduction ■ Dans notre monde de l'image, de l'audiovisuel, des médias, c'est un lieu commun d'affirmer qu'on ne lit plus guère, particulièrement en France et surtout les jeunes.

Déjà Kafka se laissait aller à ce paradoxe:« nous serions tout aussi heureux si nous n'avions pas de livres» ... ■ Pourtant il existe encore beaucoup d'enfants et de jeunes gens qui aiment lire et qui s'attachent à certains livres au point de ne pouvoir s'en arracher ou de les relire avec délectation maintes fois. De tels lecteurs voient-ils dans la lecture un moyen, donc font-ils de leur livre« un serviteur» ? Ou sont-ils assujettis à ce qu'ils lisent au point de transformer le livre en un « maître » indiscuté ? Ne vaut-il pas mieux comme Claude Roy considérer le livre comme un ami, sans oublier que la véritable amitié n'est pas complaisante et qu'elle est échange ? ■ ■ Première partie le livre est un" serviteur» ou un "maitre» 1.

«Serviteur» est le livre utilitaire, celui qui permet d'apprendre, d'enre­ gistrer les connaissances.

Ne soyons pas méprisants; un bon livre, bien fait, d'histoire, géographie, mathématiques, sciences, littérature...

vaut par­ fois plus que l'enseignement actif.

On a pendant quelques années - voire décennies - remplacé l'enseignement livresque par l'étude du milieu, les leçons de choses, l'enseignement direct.

Il est bon certes de voir en action une usine de chocolat, une papeterie, la Bourse...

Mais une partie de ce que l'on visite ainsi, même avec d'excellentes notes puis des comptes ren­ dus postérieurs, va échapper rapidement à la mémoire - le livre est indis­ pensable.

Il permet de se reporter à des connaissances précisées par écrit et en détail, de revenir en arrière, de comparer, de s'appesantir.

Ce n'est pas pour rire que les Romains avaient énoncé le proverbe : « verba valent, scripta manent" : « les paroles s'envolent, les écrits demeurent».

Le livre est alors un bon serviteur, car il demeure. Il n'est pas forcément un serviteur aimé.

Bien des élèves ont pour leur grammaire ou telle autre œuvre austère des sentiments mitigés.

On le voit à l'apparence extérieure du volume.

Ou bien il est comme neuf, et voilà un serviteur dont on ne s'est guère servi, ou il est mal soigné, abîmé, tenu sans respect et à plus forte raison sans affection. Mais un livre-serviteur n'est pas seulement un livre d'apprentissage de savoir - auquel il faut ajouter, à part les manuels scolaires : les guides, les revues, les nomenclatures...

- .

Quand le lecteur demande au livre un moment d'oubli ou de repos, le livre est alors tout aussi mal conçu dans son utilisation que la télévision, ouverte dès le matin en fond sonore. N'importe quel bouquin fait l'affaire pourvu qu'il soit facile de lecture et d'his­ toriette.

Pas de lettres trop serrées, pas de papier trop fin - certains exè­ crent la collection Pléiade et son papier Bible.

On aimera que le livre ait beaucoup d'images, si possible colorées.

Un bon nombre d'enfants attirés d'abord par les livres d'images et le très court texte accompagnateur ne s'intéressent plus au livre, même avec une jolie histoire, quand sa présen­ tation devient plus sérieuse. Ce livre-serviteur répond à des exigences de paresse, de vide d'esprit. La personne qui au retour du travail échappe aux soucis domestiques, fami­ liaux ou à l'effort intellectuel en plongeant dans un petit roman, rose ou policier, ne choisira pas son serviteur.

N'importe lequel fera l'affaire, pourvu que l'histoire soit suffisamment attendue, traditionnelle, pour laisser filer l'esprit dans un courant d'habitudes, d'idées toutes faites.

Ce sont ces livres dits de gare ou de plage qu'on jettera une fois parcourus, car la plupart du temps ils sont survolés et non lus vraiment. ■ ■ ■ 2.

Mais un livre maître de son lecteur vaut-il mieux ? A première vue, il sous­ entend un grand intérêt pour sa lecture et voilà qui devrait satisfaire les pessimistes modernes, cassandres répétant que la lecture meurt.

Cepen­ dant...

Cependant...

Ce lieu commun répétant qu'il faut lire pour obtenir la vie intellectuelle est à vérifier.

« Si c'est à lire, je l'ai lu » répète un des mondains de Proust.

Ce n'est d'ailleurs pas le livre qui est son maître mais le snobisme alors...

On a tout lu de ce qui est mode de l'intelligentsia ou du tout Paris, non par amour pour la lecture, mais pour montrer qu'on est à la pointe de la pensée à la mode.

Il existe plus de gens qu'on ne croit à fonctionner ainsi ! Mais surtout laisser les livres devenir maîtres, c'est perdre face à eux l'esprit critique et la distance nécessaires à tout bon lecteur.

Romans et · contes regorgent d'exemples de ces lecteurs dont l'admiration sans condi­ tion pour la matière lue leur fournit un savoir sans discernement.

Le cas extrême est celui du personnage d'Andersen qui apprend le dictionnaire à l'endroit et à l'envers.

Gargantua en fait à peu près autant sous la férule des maîtres« sorbonicoles » avant d'être confié au bon précepteur Pono­ cratès, qui le trouva« tout rêveux et tout rassoté » (=à l'esprit ratatiné) après de telles lectures. C'est que, constate Proust, la lecture, comme les autres méthodes intel­ lectuelles, est au seuil de la vie spirituelle, « elle ne la constitue pas ». Sartre, dans La Nausée, parle d'.un autodidacte qui lit toute la bibliothèque de Bouville par ordre alphabétique.

Sa culture est une somme de connais­ sances et son savoir une mémorisation.

Certes il n'y a aucun déshonneur à connaître la hauteur de la Tour Eiffel, le débit de la Seine ou la longueur de la Loire, mais même une érudition approfondie n'est pas tout et le livre­ maître risque bien de transformer son lecteur soumis en pédant.

De l'éco­ lier limousin de Rabelais au Vadius de Molière ou M.

Harnais de Flaubert, que de demi-savants dont les connaissances tiennent lieu de jugement réel car ils s'éblouissent et éblouissent autrui de leur savoir dont ils n'ont retiré qu'un profit extérieur, mécanique ! ■ ■ ■ Le plus joli exemple est peut-être Pangloss, le « philosophe » du Can­ dide de Voltaire.

Pangloss a lu passionnément les œuvres de Leibnitz et des Optimistes.

Il les cite à tous propos, veut appliquer leur théorie à tous les détails de l'existence et l'expérience, pourtant cruellement acquise au VOCABULAIRE •snobisme: le fait d'être snob ; attitude de snob. •snob: mot anglais dont l'origine est probablement sine nobilitate, for­ mule latine qui signifie : « sans noblesse».

Le terme s'applique à ceux qui jugent de tout sans connaître rien et surtout à ceux dont le travers est d'exagérer les engouements de la mode et de croire se montrer supé­ rieurs en feignant des sentiments qu'ils n'éprouvent pas.

D'après une autre étymologie, snob serait de l'argot des étudiants de Cambridge désignant toute personne extérieure à l'Université et proprement « homme de basse condition » ou « garçon cordonnier ». • autodidacte : du grec autos : « soi-même » et didaskeïn : « instruire », est un homme qui s'est instruit lui-même sans maître. cours de ses aventures, n'est rien pour lui à côté de ces maîtres-livres qu'il connaît par cœur.

C'est là que le lecteur est esclave total de sa lecture et c'est un état bien inconfortable, dangereux pour l'esprit et pour la conduite de la vie. ■ Aussi dangereux sont les livres romanesques dont se nourrissent cer­ tains.

Comme Don Quichotte ou Les Précieuses ridicules, ils ne sont plus capables de différencier la vie imaginaire qui peuple leurs volumes, de la vie réelle où ils doivent se retrouver.

Ainsi prennent-ils les moulins à vent pour de dangereux chevaliers à combattre ou réclament-ils que l'existence se déroule comme dans leurs romans, tissée d'avance avec péripéties pro­ grammées et fin heureuse.

Quelle déception quand tout ne se passe pas comme prévu et que les bergères n'épousent pas les princes! C'est le cas de Rousseau nourri de romans précieux en sa petite enfance et qui y gagnera tant de difficultés d'adaptation à la société de son !emps.

Aussi supprime-t-il toute lecture - sauf Robinson Crusoë - à son Emile jusqu'à 15 ans au moins.

C'est que le livre, maître d'esprits sans lucidité ni sens critique, est devenu un véritable ennemi. Deuxième partie : le livre, ,; un ami » et plus encore un « éveilleur» 1.

« Un livre a toujours été pour moi un ami, un consolateur éloquent et calme dont je ne voulais pas épuiser vite les ressources et que je gardais pour les grandes occasions».

Retenons d'abord de cette phrase de G.Sand : le livre, un ami.

Il est encore bien des personnes, bien des jeunes gens et même des enfants qui aiment les livres d'un amour solide, jé dirais même sérieux.

C'est mieux qu'un amour passionné, celui du lecteur qui ne peut s'arracher à son volume, soit qu'il veuille en connaître.... »

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