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ÉPREUVE 3 Écoles européennes Langue de base Cours commun Juin 1991 TEXTE 5 10 15 20 25 30 35 En...

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« ÉPREUVE 3 Écoles européennes Langue de base Cours commun Juin 1991 TEXTE 5 10 15 20 25 30 35 En dépit de la place prise par les intellectuels au premier plan de la scène contemporaine, nous ne sommes plus des hommes de pensée, des hommes dont la vie intérieure se nourrisse dans les textes.

Les chocs sensoriels nous mènent et nous dominent ; la vie moderne nous assaille par les sens, par les yeux, par les oreilles. L'automobiliste va trop vite pour lire des pancartes ; il obéit à des feux rouges, verts.

Le piéton, bousculé, hâtif, ne peut que saisir au passage l'aspect d'un étalage, l'injonction d'une affiche.

L'oisif qui, assis dans son fauteuil, croit se détendre, tourne le bouton qui fera éclater dans le silence de son intérieur la véhémence sonore de sa radio ou dans la pénombre les trépidants fantasmes de la télévision, à moins qu'il ne soit allé chercher dans une salle obscure les spasmes visuels et sonores du cinéma.

Un prurit auditif et optique obsède, submerge nos contemporains.

Il a entraîné le triomphe des images.

Elles font le siège de l'homme dont elles ont mission, dans la publicité, de frapper, puis de diriger l'attention.

Ailleurs, elles supplantent la lecture dans le rôle qui lui était dévolu pour nourrir la vie morale.

Mais au lieu de se présenter à la pensée comme une offre de réflexion, elles visent à la violenter, à s'y imprimer par une projection irrésistible, sans laisser à aucun contrôle rationnel le temps d'édifier un barrage ou de tendre seulement un filtre.

Lucien Febvre avait donné aux temps modernes, issus de la Renaissance, le nom de «Civilisation du Livre».

Cette appellation est dépassée et il semble nécessaire de la remplacer, à partir du xxe siècle, par celle, que j'ai proposée, de «Civilisation de l'Image». Ce goût, cette hantise de l'image, cet esclavage parfois ont préparé à l'art son triomphe actuel: car lui aussi parle aux yeux, et les yeux, désormais affamés d'une nourriture continuelle, ont découvert les prestiges du tableau.

Là où jadis l'élite des amateurs éduqués y trouvait seule sa délectation, la foule du public se précipite.

Les musées, les expositions multipliées appellent à l'admiration des chefs-d'œuvres ; de même que dans l'économie moderne le billet de banque a été inventé pour suppléer l'or trop rare, les reproductions en couleur, développées de l'illustration du livre ou de la revue au fac-similé encadré, se répandent et transportent sur tous 40 45 50 55 60 les murs, ceux de l'école ou de l'usine aussi bien que ceux de la demeure, la présence irremplaçable du peintre.

[...] Si le succès de la peinture auprès des masses comme des élites reflète la vogue obsédante des images, s'il semble flatter ce penchant et en être la conséquence, il en est en même temps la compensation et le correctif.

Le professeur Daniel Borstin de l'Université de Chicago a publié, il y a peu, un livre sur l'image et pour qualifier sa hantise il a avancé le terme de« cancer social ». Cette prolifération de l'image, envisagée comme un instrument d'information, précipite la tendance de l'homme moderne à la passivité : sans aller jusqu'à ces images que l'on a essayé de faire passer sur l'écran cinématographique trop rapidement pour qu'elles soient remarquées, mais assez toutefois pour qu'elles s'impriment dans notre inconscient avec un pouvoir de suggestion que rien n'entrave plus, on peut dire que cet assaut continuel du regard vise à créer une inertie du spectateur.

Hors d'état de réfléchir et de contrôler, il enregistre et subit une sorte d'hypnotisme larvé.

La réflexion est éliminée et le réflexe, avec son automatisme, tend à la supplanter ; il est simplement conditionné à un degré supérieur à celui que réalisait l'expérience fondamentale de Pavlov.

On pourrait dire que l'image, par l'emploi qui en est fait aujourd'hui, vise à étendre au psychisme les règles célèbres que Taylor avait édictées pour l'action, en la pliant aux lois de la machine.

Cette triple règle s'énonçait:« Identité, répétition, rapidité ».

On pourra vérifier que la publicité, la télévision ou le cinéma se plient à ces principes et les appliquent à l'emploi qu'ils font de l'image, quand ils entendent se servir d'elles pour imprimer aux esprits une orientation déterminée. René Huyghe, Les Puissances del' image. Questions 1.

Résumé (40 points) Vous résumerez ce texte en 180 mots (écart toléré: 10 %).

Vous indi­ querez dans votre copie le nombre de mots employés. 2.

Vocabulaire (10 points) Expliquez le sens, dans le texte, des expressions suivantes: - « les trépidants fantasmes de la télévision » (l.

11-12) ; - « hypnotisme larvé» (l.

53). 3.

Discussion (50 points) Quels commentaires vous inspire le qualificatif de « cancer social» qu'utilise Daniel Borstin pour décrire l'utilisation qui est faite aujourd'hui de l'image ? représentation imaginaire par laquelle notre «moi » profond cherche à échappe à l'emprise de la réalité.

«Trépidant » veut dire animé d'un tremblement, et s'applique souvent à un rythme de danse ou...de vie.

Par cette tournure imagée, l'auteur évoque les images télévisuelles sous un double aspect : elles sont animées d'un mouvement incessant et souvent désordonné ; restant d'autre part hors du champ de notre volonté, elles ont rapport avec notre psychisme et favorisent, à l'instar de nos fantasmes personnels, l'évasion hors de notre réel quotidien. 2.

«hypnotisme larvé» Le mot «larvé » vient du latin «larvatus :masqué » , en passant par le vocabu­ laire médical.

Il veut dire «dissimulé», » non apparent » en parlant d'un processus qui hésite à se déclarer, comme par exemple une révolte, une contestation.

Ses sonorités, sa ressemblance avec le mot «larve » ont renforcé sa connotation péjorative. Quant à l'hypnotisme, dont la racine est le mot grec signifiant «sommeil » , il s'applique à un sommeil artifiel provoqué par suggestion. Par cette métaphore, l'auteur entend dénoncer l'état d'engourdissement intellectuel dans lequel le téléspectateur est habituellement plongé ; pour lui, la télévision exerce sur nous, sans qu'on ose le déclarer ouvertement, une action comparable à l'hypnose. 3.

DISCUSSION (10 points) Rappel du sujet: Quels commentaires vous inspire le qualificatif de «cancer social» qu'utilise Daniel Bors tin pour décrire l'utilisation qui est faite aujourd'hui de J'image? Introduction Périodiquement, les intellectuels partent en guerre contre l'image et ses emplois les plus tyranniques, les plus obsédants.

Ils ne cessent de nous mettre en garde contre la passivité qu'elle engendre, contre tout ce qu'elle a de fruste, de brutal, de contraire à la reflexion, en un mot de radicalement différent de ce qui a fait l'essence même de notre civilisation. Cette dénonciation prend parfois des formes très violentes, comme par exemple sous la plume du professeur D.

Borstin, cité dans un texte de René Huyghe, qui n'hésite pas, à propos de cette invasion de l'image, à parler de «cancer social » . Cela nous conduit à nous demander si cette prolifération est aussi effective et générale que le pense D.

Borstin, si l'image mérite globalement une telle condamnation. Première partie : l'image envahissante... Il serait tentant, dans un premier temps, de donner entièrement raison à l'universitaire californien. Il faut avouer que cette invasion de l'espace par l'image, et par une image presque exclusivement à visée marchande, est de plus en plus criante.

Elle se place sous le signe de l'excès, de l'anarchie et sévit partout : dans les pages de nos revues comme sur les murs de nos villes, jusque dans les moindres recoins où le regard cherche à se reposer ; dans ces «clips» stéréotypés qui s'introduisent par effraction dans toutes sortes d'émissions. Que de fois avons-nous pu être agacés par ces clichés de la vie de famille, de la femme, de la réalité, des intérieurs ; par ces affiches racoleuses qui réveillent des sensations primaires! Ici, en plein quartier populaire en proie aux chômage et aux lancinants problèmes quotidiens, une jeune femme en dessous noirs lance un regard lourd de sous-entendus lascifs au dessus du code télématique d'un téléphone rose.

Là nous est suggérée la tendresse d'un curé pour une religieuse sous prétexte de nous intéresser à des produits textiles ; les ligues de bonnes mœurs s'émeuvent, le public ricane...

; et toujours et encore des produits de consommation à boire, à fumer, à croquer, sucer, déguster et des voitures surtout, de toutes formes et de toutes couleurs. Soumis à ce bombardement multiforme, nous nous sentons parfois les victimes d'une sorte de manipulation permanente.

C'est la partie animale, c'est la partie reflexe en nous que l'on veut solliciter et il y a là quelque chose d'humiliant qui nous conduit parfois à nous révolter. Mais avouons-le, nous cédons bien souvent à la séduction des images, par le biais notamment de la télévision ou de la bande dessinée et là se posent d'autres problèmes : le temps consacré à la lecture recule, la reflexion peut s'atrophier et des lacunes graves apparaissent dans le maniement de l'écrit, dans la culture. Dans le double sens qu'on peut donner à l'expression de D.

Borstin prolifération anarchique et.... »

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