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ÉPREUVE 5 Toutes académies TEXTE Septembre 1989 Les Romains ne sont pas fous Les charters déverseront bientôt par milliers des...

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« ÉPREUVE 5 Toutes académies TEXTE Septembre 1989 Les Romains ne sont pas fous Les charters déverseront bientôt par milliers des touristes aux quatre coins du monde.

Que vont tirer, d'un tel brassage, ces consommateurs de la vaste auberge espagnole 1 qu'est devenu notre petit globe ? s Plusieurs s'en vont parce qu'ils ont de l'argent à dépenser, des diapositives à tirer, des compagnons à éblouir.

Ils rap­ porteront de leur déplacement organisé des souvenirs de pou­ let au curry, de danses yorubas 2 et de visites guidées plus ou moins frelatées.

Aux pauvres des autres continents, ils 10 auront laissé l'image d'un Occident de mauvais goût, déguisé, encombré de caméras, hanté d'exigences culinaires et noc­ turnes, ridicule dans ses vestiges de puissance.

De quoi rire en pensant à demain. Ne parlons pas des sectaires, rares au demeurant, qui vont 1s très loin confirmer des préjugés que pour rien au monde ils ne remettraient en cause.

Avant de visiter l'URSS, ils savaient, soit que c'est le paradis, soit qu'on y découvre la police à tout coin de rue.

Allant en Afrique, ils savent que les Noirs sont superstitieux.

Leurs observations et leurs ren20 contres vont simplement grossir, sans le modifier, un système de compréhension dont ils tirent leur sentiment de sécurité. Ils ne voyagent que pour consolider les abstractions qui leur tiennent lieu de vision du monde. D'autres, plus jeunes, imaginent que l'Inde ou le Maroc détiennent une vérité échappée d'Europe.

Comme Teilhard de Chardin à l'issue d'une randonnée en Asie, ils apprendront « combien, de soi, le déplacement dans l'espace n'ajoute rien à l'homme.

Revenu à son point de départ, à moins qu'il n'ait augmenté sa vie intérieure, chose qui n'apparaît pas du 30 dehors, il est comme tout le monde » (Lettres de voyage, Grasset 1956, p.

51).

Aucun grand secret n'éclate à Bénarès, ni à Katmandou.

Ceux qui s'y sont rendus pleins d'espoirs n'y gagnent qu'une désillusion.

Les voici contraints de poser la question essentielle là où elle se pose : ici et maintenant, 35 au cœur de leur liberté. 25 Mais ceux qui déjà se posaient la question chez eux profite­ ront de leur rencontre d'autrui, à condition de s'y ouvrir, de l'accueillir et de ne pas prétendre d'avance tout en connaî­ tre.

Ils risquent alors de se découvrir davantage eux-mêmes 40 en découvrant d'autres hommes qui, au cœur de conditions très différentes, se posent, sous d'autres formes, les questions analogues, sur la vie et sur la mort, sur l'amour et sur la soli­ tude, sur le malheur et sur le bonheur.

À travers les ambi­ guïtés et l'obscurité d'autrui, ils prendront conscience des 45 leurs.

Elles surgiront de conversations individuelles.

Mais elles s'étalent aussi dans les systèmes économico-politiques et jus­ que dans le plan des villes et le béton des immeubles.

Tokyo, Rome ou Alger ne crient pas le même message. 50 55 60 Ceux qui savent déchiffrer ce qu'ils voient, dans un premier temps, s'étonnent : « Ils sont fous ces Romains », procla­ mait un Gaulois célèbre.

Bientôt la nuance s'impose : s'ils ne sont pas fous, c'est nous qui le sommes.

Puis, on décou­ vre que la folie est peut-être ailieurs et que ce que nous tenions 'pour son expression demeure tout relatif.

Mais alors, où se trouvent la raison, la vérité, la liberté ? Salutaires questions qu'il est plus nécessaire de poser en permanence que d'ima­ giner trop vite éclairées.

Ce sont les meilleurs fruits d'un voyage.

Pour les cueillir, il faut se méfier au départ de tou­ tes ses connaissances et de tous ses préjugés moins un : la persuasion qu'on ne connaît rien de rien et que nul n'aura jamais fini d'accueillir en soi-même l'admirable et doulou­ reuse altérité des générations, des classes et groupes sociaux, des nations et des cultures.

Ce sont les traces du tout Autre. Jean Moussé, 1980 (1) auberge espagnole : lieu où l'on ne trouve que ce qu'on apporte. (2) danses yorubas : danses d'un peuple d'Afrique occidentale. Questions 1.

Résumé (f; points; Vous ferez de ce texte un résumé en 160 mots.

(Une marge de 10% en plus ou en moins est admise.) Vous indiquerez à la fin de la copie le nombre exact de mots utilisés. 2, Vocabulaire (2 points) Vous expliquerez dans le texte le sens de : - « les ambigui'tés et l'obscurité d'autrui>> (lignes 43, 44), - « }'admirable et douloureuse altérité>> (lignes 61, 62). 3.

Discussion (10 points) L'auteur déclare que, par les voyages et la rencontre d'autrui, les hom� mes « risquent de se découvrir eux-mêmes en découvrant d'autres hom­ mes.

» Partagez-vous cette opinion ? 1.

LE RÉSUMÉ (8 points) Prenez soin de lire plusieurs fois le texte, lentement, pour bien en dégager l'essentiel. D'abord il faut bien voir sur quel problème d'ensemble porte le passage : le voyage. Ensuite regroupons les diverses nuances : - le tourisme actuel, ses excès : premier et deuxième paragraphes ; - les diverses catégories de voyageurs : a) les" sectaires », c'est-à-dire ceux qui partent avec des idées toutes fai­ tes et ne cherchent qu'à en trouver confirmation au lieu de regarder hon­ nêtement (paragraphe 3) ; b) les utopiques persuadés que tel pays ne peut que leur apporter les solu­ tions de vie (paragraphe 4) ; c) les sages, lucides, réfléchis.

En« frottant et limant leur cervelle à celle d'autrui », comme le recommande Montaigne, ils développent leur propre jugement (paragraphe 5) ; d) morale à dégager et conseils à suivre : être lucides et ne pas perdre de vue le précepte de Montaigne : « Que sais-je ? » : donc la connaissance d'autrui me sera toujours profitable. Se méfier du titre qui est symbole.

Il ne s'agit bien sûr pas le moins du monde d'une bande dessinée ou d'une petite histoire d'Astérix ! Résumé Le tourisme actuel ? Une sorte de ronde futile, vaine...

Les motivations des voyageurs sont devenues superficielles, leur acquis de pacotille, leur tenue celle de parvenus vulgaires, méprisants.

Ils sont risibles...

quand ils ne sont pas odieux, puisque bourrés de préventions que, sûrs d'avance de leurs affirmations, ils cherchent non à nuancer, mais à confirmer. Certains, au contraire, quêtent un absolu, oubliant qu'on ne se per­ fectionne pas dans des déplacements aux résultats décevants, mais par soi-même, si on sait se poser les questions pertinentes. Or les esprits éclairés sauront aussi les poser aux hommes rencon­ trés, donc élargir ainsi vues et réflexions par la découverte des coutumes, conceptions, réalisations différentes, et les échanges sur les grands pro­ blèmes métaphysiques et moraux. Alors, après les premières surprises ou incompréhensions, s'impose la réalité d'une relativité générale.

Elfe engendre, sur les absolus utopiques ou systématiques, un doute bénéfique, du moins après rejet de tout a priori. Car il faut savoir goûter l'Autre. (Résumé en 162 mots.) 2.

LES QUESTIONS DE VOCABULAIRE (2 points) Dans la mesure de ses connaissances - à ce propos, les élèves qui ont .

fait du latin sont certainement aidés - , il faut partir de l'étymologie s'il s'agit d'un terme un peu difficile ou savant. Mais bien replacer le terme ou l'expression dans le contexte, en relisant le texte entier et pas seulement le passage où il figure. 1.

cc les ambiguïtés et l'obscurité d'autrui» ► " ambiguïté " : ce terme vient du latin ambiguus: « douteux», venant lui-même de ambo : « tous deux»; l'ambiguïté est le défaut de ce qui pré­ sente un double sens, donc ce qui laisse l'esprit incertain sur le vrai sens d'une expression, d'un caractère, d'un comportement... L'expression entière rappelle combien chaque être comporte de complexité, d'équivoques qui paraissent même parfois des contradictions; combien cha­ cun est difficile à comprendre, à cerner, quand il s'agit de soi-même déjà, et à plus forte raison quand il s'agit de voir clair dans le comportement et le caractère d'autrui, qui est plus que double souvent. 2.

cc l'admirable et douloureuse altérité» ► " altérité " : ce terme, assez savant, peu utilisé dans le langage cou­ rant, vient du latin alter: « autre» (quand il s'agit de deux personnes, cho­ ses ou groupes) ; l'altérité, c'est l'état, la qualité de ce qui est autre, distinct. Le terme ici est complété par deux adjectifs contradictoires.

Il est certain que les humains trouvent chez les autres hommes des éléments qui les diversifient, qui les font chacun différent de l'Autre, mais sur une base sem­ blable, celle de /'humaine condition.

Aussi cette altérité est-elle " doulou­ reuse ", car il est triste quand on est homme de se rendre compte que l'homme côtoyé est autre que soi; mais elle est également " admirable ": tant de similitudes ! et en même temps chacun est un être particulier qui possède ses originalités, est indépendant de l'autre, tout en lui étant voisin. VOCABULAIRE TECHNIQUE • relativité : terme de philosophie.

La doctrine de la relativité ou 'rela­ tivisme (Protagoras en est le représentant dans l'antiquité grecque) se subdivise en deux branches.

Le relativisme subjectif (de Kant par exem­ ple) consiste à dire que nous ne pouvons.... »

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