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ÉPREUVE 7 Aix-Marseille, Montpellier, Nice-Corse, Toulouse Juin 1991 TEXTE L'auteur estime que l'existence d'une chaîne culturelle à la télévision ne...

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« ÉPREUVE 7 Aix-Marseille, Montpellier, Nice-Corse, Toulouse Juin 1991 TEXTE L'auteur estime que l'existence d'une chaîne culturelle à la télévision ne favorisera pas l'accès à la culture du public non cultivé.

Il poursuit : Quant à la population culturelle qui, depuis quarante ans, réclame des projets culturels, bénit Océaniques m - émission dont tout le monde parle, sans jamais beaucoup la regarder, selon le principe bien connu qu'on respecte ce qui fait sérieux et...

culturel - il 5 n'est pas certain du tout qu'elle rejoindra la télévision culturelle. D'abord, parce que le public, en dépit de ses propos, se méfie aussi des programmes culturels, même s'il les réclame, ensuite, parce qu'il a appris lui aussi à se distraire et à s'amuser comme tous les téléspectateurs.

Enfin, et peut-être surtout, parce qu'il y a beau10 coup de chances qu'il ne crédite pas la télévision, fût-elle cultu­ relle, de pouvoir traiter « sérieusement» de culture.

Autrement dit, faire une chaîne culturelle est plus difficile que de faire une chaîne sportive ou de cinéma car ce qui est « désigné» comme culturel est plus indéfini et conflictuel que ce qui concerne le sport 15 ou le cinéma.

La culture, chacun en a une définition liée à son éducation et à son expérience, ce qui rend plus problématique la rencontre entre l'attente du public et l'offre des programmes. Quels sont les risques ? Principalement deux, qui sont d'ailleurs à l'opposé exact du but recherché.

Renforcer les barrières socia20 les, donc les inégalités en confortant le public« à conquérir» dans l'idée qu'il ne s'agit réellement pas de programmes« pour lui». Maintenir ainsi les distinctions et les inégalités au lieu de les modifier, et surtout renforcer le sentiment de ghetto qui n'a pas besoin d'une télévision culturelle pour exister. 25 C'est donc la segmentation sociale et culturelle qui se trouve légitimée ; les exclus étant confortés dans leur sentiment de n'être pas du club, les élus persuadés d'être réellement du bon côté.C'est ce qu'on appelle une contre-performance. Le second risque est que, sous couvert de protéger et de promouvoir 30 la culture, donc de se dégager du discours marketing czJ par ailleurs 35 40 45 50 55 60 65 dominant, on en arrive exactement au même résultat, c'est-à-dire à une opération de marketing réussie qui vise à isoler un public « haut de gamme» en tem1es de revenus et d'attentes pour lui fournir ce qu'il désire.

Dans le document de présentation de La Sept, on peut lire : « La culture se déchaîne sur La Sept, une culture passion, tout en vitalité, en diversité, en échange.

La Sept lâche la bride à l'imagination audiovisuelle, elle franchit d'un bond de satellites les frontières des pays et celles des idées.

Un pari ambitieux, celui de l'intelligence et de la différence.

Celui aussi de la libre circulation des créations et des financements dans la perspective de la grande Europe de 1993».

Le document s'intitule « Une grille en liberté» et comprend les rubriques suivantes : Fictions (qualité Europe), Achats cinéma (version originale), Documentaires (la mémoire vive), Spectacles (l'émotion partagée), Jeunesse (apprendre et comprendre).

Qu'y a-t-il là-dedans de particulièrement progressiste et démocratique comme ne cessent de l'affirmer les protagonistes de la télévision culturelle ? Qu'y a-t-il d'autre, au-delà des mots, que la constitution et le renforcement au contraire d'un public privilégié, qui, grâce à son haut niveau culturel et souvent de revenus, pourra accéder plus rapidement que le « grand public» aux programmes « hauts de gamme» ? Jamais une opération de segmentation sociale et culturelle, dans la pure tradition de marketing, n'aura été pensée en faisant, pour se légitimer, autant appel à ce qui lui est le plus noble, les valeurs culturelles et démocratiques. Sur le plan pratique, une telle attitude a un impact immédiat : décharger les professionnels de la télévision généraliste de l'obligation d'une« production culturelle» qui leur paraît de plus en plus anachronique au fur et à mesure de la victoire d'une logique d'entreprise.

L'existence d'une chaîne culturelle spécia­ lisée lui sert même de justification.

Inutile de s'encombrer de programmes culturels alors qu'il existe, à côté, une télévision publique qui revendique le titre de culture.

Que l'on y renvoie le public intéressé par la culture, et que l'on se sente enfin libre de faire ce que l'on veut! La télévision culturelle devient le moyen de décharger les professionnels d'un souci de production à caractère culturel au sein de la télévision généraliste. Dominique Wolton, Éloge du grand public, Éditions Flammarion, 1990, pp.

174-176. (I) Océaniques : émission culturelle que la télévision programme à une heure tardive. (2) discours marketing : ensemble de procédés tournés vers la conquête de marchés, donc de profits matériels. domaine des connaissances et des pratiques artistiques, littéraires intellec­ tuelles, etc. L'expression désigne donc toute réalisation (télévisuelle en particulier) ran­ gée dans la catégorie du «culturel» et qui participe d'une définition forcément plus vague et donc plus contestable que d'autres activités au contour beaucoup mieux défini comme le sport ou le cinéma. 2.

«Le sentiment de ghetto» Ghetto est un mot d'origine italienne (1516) désignant d'abord le quartier de Venise où les juifs se trouvaient établis (ghetto, de ghettare, «jeter», quartier des fonderies) c'est ensuite le nom donné par extension à tout quartier où les juifs étaient tenus de résider (ex.

: le ghetto de Varsovie), puis à tout lieu où une communauté vit séparée du reste de la population (les ghettos noirs aux Etats-Unis).

Employé au sens abstrait, il signifie «situation de ségrégation». «Le sentiment de ghetto» désigne donc ici l'impression ressentie par les spectateurs de milieu modeste d'être exclus de la culture authentique, de n'avoir droit qu'à des émissions de mauvaise qualité 3.

DISCUSSION (10 points) Rappel du sujet : Partagez-vous le point de vue de l'auteur sur les incon­ vénients d'une chaîne qui serait spécialement consacrée à la culture? PRÉLIMINAIRES Il s'agit d'un sujet assez « technique» et l'on souhaite que vous vous soyez intéressé aux débats qui ont accompagné ou suivi l'implantation de la «7». Mais par ailleurs les questions qui concernent les pratiques culturelles des Français sont peut-être un peu plus connues. On pardonnera à un professeur qui, comme la plupart de ses collègues, ne peut ni ne veut être un consommateur acharné de télévision, de ne pas multiplier les exemples et de vous laisser le soin de compléter éventuellement le devoir par vos souvenirs personnels... Introduction Le domaine culturel est devenu un terrain où s'affrontent vigoureusement des tendances diverses; cet affrontement est particulièrement récurrent et spec­ taculaire quand il concerne, de plus, un média extrêmement présent situé au carrefour d' enjeux économiques et politiques de première importance. Nous connaissons de mieux en mieux, au gré des grèves qui affectent la «télé», à travers les déclarations fracassantes des responsables ou des analyses de la presse, les soubresauts qui agitent ce qu'il est convenu d'appeler le P.A.F, paysage audio-visuel français.

Parmi les questions qui reviennent avec le plus d'insistance figure l'émergence de chaînes nouvelles.... »

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