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ÉPREUVE15 Écoles européennes Français langue de base Cours commun Juin 1991 TEXTE 5 Io 15 20 25 30 35 Attentes,...

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« ÉPREUVE15 Écoles européennes Français langue de base Cours commun Juin 1991 TEXTE 5 Io 15 20 25 30 35 Attentes, ô délices, attentes dès le matin et tout le long de la journée, attentes des heures du soir, délices de tout le temps savoir qu'il arriverait ce soir à neuf heures, et c'était déjà du bonheur. Aussitôt réveillée, elle courait ouvrir les volets et voir au ciel s'il ferait beau ce soir.

Oui, il ferait beau, et il y aurait une nuit chaude avec beaucoup d'étoiles qu'ils regarderaient ensemble, et il y aurait du rossignol qu'ils écouteraient ensemble, elle tout près de lui, comme la première nuit, et ensuite ils iraient, iraient se promener dans la forêt, se promener en se donnant le bras.

Alors, elle se promenait dans sa chambre, un bras arrondi, pour savourer déjà.

Ou bien, elle tournait le bouton de la radio, et si c'était une marche guerrière déversée de bon matin, elle défilait avec le régiment, la main à la tempe, en raide salut militaire, parce qu'il serait là ce soir, si grand, si svelte, ô son regard. Parfois, elle refermait les volets, tirait les rideaux, fermait à clef la porte de sa chambre, mettait des boules de cire dans ses oreilles pour n'être pas dérangée par les bruits du dehors, bruits que cette belle pédante appelait des réducteurs antagonistes.

Dans l'obscurité et le silence, couchée, elle fermait les yeux pour se raconter, souriante, ce qui s'était passé hier soir, tout ce qu'ils avaient dit et tout ce qu'ils avaient fait, se le raconter, blottie et ramassée, avec des détails et des commentaires, s'offrir une fête de racontage à fond, comme elle disait, et puis se raconter aussi ce qui se passerait ce soir, et il lui arrivait alors de toucher ses seins. Parfois, avant de se lever, elle chantait tout bas, tout bas pour n'être pas entendue par la domestique, chantait contre l'oreiller l'air de la Pentecôte de Bach, remplaçait le nom de Jésus par le nom de l'aimé, ce qui la gênait, mais c'était si agréable.

Ou encore elle parlait à son père mort, lui disait son bonheur, lui demandait de bénir son amour. Ou encore elle écrivait le nom de l'aimé sur l'air, avec son index, l'écrivait dix fois, vingt fois.

Et si, n'ayant pas encore pris son petit déjeuner, elle avait soudain un borborygme de faim, elle se fâchait contre le borborygme.

Assez! criait-elle au borborygme.

C'est vilain ! Tais-toi, je suis amoureuse ! Bien sûr, elle se savait idiote, mais c'était exquis d'être idiote, toute seule, en liberté. Albert Cohen, Belle du Seigneur. Vous ferez de ce texte un commentaire composé.

Vous pourrez étudier par exemple les choix d'écriture (notamment en matière de rythme et de syntaxe) qui permettent au romancier de nous faire partager la passion de son personnage. 1 ntroduction 01.

Tant qu'il y aura des hommes...

: peinture de l'amour, de ses joies, de ses désordres; thème majeur de notre littérature depuis Tristan et Iseut jusqu'au dernier des romans à succès. 02.

En 1968, le grand succès d'Albert Cohen avEic Belle du Seigneur, centrée sur l'idylle romanesque Ariane-Sciai, unis par un amour fou ; ton nouveau, grande richesse stylistique ; jeune être féminin qui ose vivre et assumer pleinement sa passion ; le narrateur omniprésent, omniscient, nous montre le personnage féminin attendant le retour de l'amant, en proie à la fièvre des «attentes» . 03.

Deux centres d'intérêt vont guider notre étude : d'abord, l'amour comme effervescence heureuse qui confine au délire et se traduit par toutes sortes de gestes et un comportement particulier; ensuite, une certaine manière de simultanément revivre le passé et savourer le futur. 1.

L'amour : un état d'effervescence heureuse, un délicieux délire 1.1.

État de surexcitation particulière qui provoque des gestes fous: «elle se promenait", «elle défilait» ; une façon intense de mimer certains souvenirs, de les revivre comiquement.

D'autre part, elle parle toute seule: «assez, criait­ elle au borgborygme", «c'est vilain, tais-toi,, ; elle va jusqu'à chanter toute seule, à parler à son père mort; bref, c'est un délicieux délire. 1.2.

L'amour, c'est ausi la disparition de tous les tabous, c'est la saveur de la liberté retrouvée : «elle se savait idiote, mais c'était exquis d'être idiote,, : folie consciente, défoulement sans contrainte, renforcés par la jeunesse du personnage, sa spontanéïté (cf., en harmonie, la spontanéïté du langage). 1.3.

Nécessité de la solitude, de l'isolement : «pas dérangée par les bruits du dehors; elle mettait des boules de cire» ; la façon plaisante dont elle appelle les bruits ; sa réaction amusante contre le détail familier du borborygme. Besoin d'isolement, jouissance solitaire.

Un peu plus loin, elle avouera: «En somme,.... »

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