ÉPREUVE17 Amérique du Nord Juin 1991 Selon Soljenitsyne, «une littérature [. . .] qui n'ose communiquer à la société ses...
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ÉPREUVE17
Amérique du Nord
Juin 1991
Selon Soljenitsyne, «une littérature [.
.
.] qui n'ose communiquer à la
société ses propres souffrances et ses propres aspirations, qui n'est
pas capable d'apercevoir à temps les dangers sociaux et moraux qui
la concernent, ne mérite même pas le nom de littérature.»
(Droits de l' écrivain, Le Seuil, 1969)
Pensez-vous, comme Soljenitsyne, qu'une œuvre littéraire doive assu
mer une telle responsabilité dans la société de notre temps ?
Vous fonderez votre réflexion sur des exemples précis tirés de vos
lectures.
COMPRÉHENSION DU SUJET
Il faudrait que Soljenitsyne en tant qu'auteur ne soit pas tout à fait un
inconnu pour vous ; nous devons en effet nous intéresser au contenu de
sa pensée.
Cependant, pour la comprendre, il est nécessaire d'avoir quel
que idée de sa lutte dans le système communiste d'URSS, du rôle qu'il n'a
cessé de jouer au sein de la littérature dissidente dont il a été l'un des plus
éminents représentants, aux séjours qu'il a faits en camps d'internement
(Goulag), et à sa volonté constante de restaurer la Russie en stigmatisant
toutes les dérives historiques dont elle a été la victime.
Cette œuvre de
dénonciation et de conseil, il l'a poursuivie envers l'Occident, et tout cela
explique qu'il puisse avoir une conception particulière de la littérature.
Il ne serait pas inutile non plus que vous ayez quelques notions sur la
littérature engagée (terme créé par Sartre en 1953), que vous ayez déjà
réfléchi à ses contraintes, aux inconvénients qu'elle peut comporter.
Mais
attention aux contaminations dangereuses.
Chaque sujet est spécifique,
pose le débat en des termes propres qui doivent sous-tendre le dévelop
pement.
On vous invite enfin à une réflexion ouverte ; le côté catégorique de
l'affirmation nous amènera de toute façon à la nuancer.
DÉVELOPPEMENT RÉDIGÉ
Introduction
L'idée que se fait chaque écrivain de son rôle et, au-delà, de la fonction
dévolue à la littérature, dépend en grande partie des conditions politiques
et sociales qu'il a eu à vivre.
À ce propos, la littérature dans les pays
communistes a toujours occupé une place à part avec la dichotomie obli
gée entre une littérature «officielle» et une littérature dissidente, la fa-
meuse «samizdat», dont on peut dire, avec le recul du temps, qu'elle a
peut-être contribué à préparer les esprits à certains changements récents
qui auraient pu sembler inconcevables il y a quelques décennies.
Rien d'étonnant donc à ce que l'un des plus éminents représentants de
cette littérature militante, Soljenitsyne, affirme catégoriquement : «une lit
térature {.
...] qui n'ose communiquer à la société ses propres souffrances
et ses propres aspirations, qui n'est pas capable d'apercevoir à temps les
dangers sociaux et moraux qui la concernent, ne mérite même pas le nom
de littérature.
»
Faut-il faire de cette fonction de vigilance et de dévoilement un critère
absolu de valeur pour les productions littéraires, et ne peut-on concevoir
aussi des œuvres à la visée bien différente, qui éviteraient précisément les
défauts traditionnels d'une littérature dite «engagée» ?
Développement
On pourrait être assez tenté de souscrire à la conception que se fait
Soljenitsyne de la littérature : activité militante à l'écoute des problèmes de
société, dénonçant les abus, mettant en garde contre les dangers nombreux
qui menacent les libertés, la paix sociale, la démocratie.
Cette position n'est pas nouvelle : incarnée d'une certaine manière par Victor
Hugo avec Les Misérables ou Châtiments, elle a pris la forme d'une véritable
théorie pendant et après la Deuxième Guerre mondiale sous la plume de
Sartre et Camus, et elle a été mise en application par des militants, le plus
souvent communistes précisément.
Le succès d'œuvres dites «engagées» tant en poésie avec Éluard et Aragon,
qu'au théâtre avec les pièces d'Armand Gatti ou de Jean Genêt, le succès
aussi d'auteurs latino-américains comme Pablo Neruda, ou d'Europe de l'Est
comme Vaclav Havel, ou encore allemands comme Heinrich Bëll ou Günter
Grass, est là pour prouver qu'une telle inspiration peut très bien se concilier
avec des exigences proprement artistiques.
On s'avise cependant assez vite que le rôle de la littérature ne pourrait se
définir d'une façon aussi catégorique et ce pour plusieurs raisons.
Il est tout de même difficile de concilier cette mission sociale, voire politique
avec les qualités qu'on attend d'une œuvre littéraire.
Gide disait déjà «qu'on fait de la mauvaise littérature avec de bons senti
ments» .
L'échec de pièces de théâtre, de romans dits «à thèse» n'est plus à
démontrer.
Le fait même qu'on ne puisse en citer témoigne de l'oubli dans
lequel ces œuvres sont tombées.
Obnubilé par le souci d'être utile socialement, l'artiste risquerait fort de créer
des....
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