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Espagne 1981-1982 La démocratie stérilisée L'état de grâce dans lequel évoluait depuis cinq ans la démocratisation de l'Espagne s'est brutalement...

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« Espagne 1981-1982 La démocratie stérilisée L'état de grâce dans lequel évoluait depuis cinq ans la démocratisation de l'Espagne s'est brutalement rompu le 23 février 1981.

La tentative de coup d'État des militaires d'extrême droite et des secteurs civils qui les soutiennent a brutalement rappelé les Espagnols à la réalité: la démocratie n'est pas le fruit d'une rupture avec l'ancien régime, mais d'une transition.

Le franquisme n'a pas été excommunié et il a donc toujours droit de cité. En fait, avec ou sans putsch, l'Espagne, à l'aube de 1981, portait déjà tous les germes de ce coup de frein.

Car la démocratisation - pour réelle qu'elle fut - reposait sur une équivoque, celle de l'Union du centre démocratique (UCD), monstrueuse coalition qui commençait à révéler son ambiguïté fondamentale. En janvier 1981, à la surprise générale, Adolfo Suarez, l'homme de la "transition", démissionnait de la présidence de l'UCD et de celle du gouvernement.

On parla de crise parlementaire.

Mais ce n'était pas vraiment le cas: Suarez tombait, en fait, victime de ce que les Espagnols nomment les "pouvoirs de fait", l'Église, l'armée, le patronat.

Ces forces, qui avaient péniblement accepté la légalisation du parti communiste, la régionalisation et la loi fiscale, ne voulaient pas entendre parler des projets de loi sur le divorce et sur la réforme du financement de l'enseignement religieux (propriété en partie de l'Opus Dei). Or, ces pouvoirs de fait avaient trouvé au sein de l'UCD un appui suffisant pour renverser le gouvernement d'Adolfo Suarez.

Autrement dit, le parti qui avait conduit la transition se révélait, au fond, majoritairement hostile au changement. Le putsch survint à ce moment.

Contrairement à ce qui se produit dans la plupart des pays du monde, où l'armée intervient pour sauver l'establishment menacé par un changement de cap, les officiers espagnols montèrent leur scénario le jour même où les Cortes (Parlement espagnol) s'apprêtaient à voter l'investiture du nouveau Premier ministre, Leopoldo Calvo Sotelo, l'homme de la banque, le symbole du virage à droite que le pouvoir était en train d'opérer.

Probablement les militaires ont-ils estimé que l'Espagne était mûre pour leur opération, qu'il leur suffirait d'enfoncer un clou déjà planté. Officiellement, le putsch a échoué.

Les responsables ont été arrêtés.

Outre le lieutenant-colonel Tejero, deux officiers supérieurs ont été présentés comme ses instigateurs: l'ancien chef de la maison militaire du roi, devenu chef d'état-major en second de l'armée de terre, le général Armada, et un militaire prestigieux, chef de la région militaire de Valence, le général Milans del Bosch.

On rendit hommage au roi qui avait "sauvé l'Espagne", et la démocratie fut déclarée gagnante... Mais quelle démocratie? La question vaut d'être posée.

Car plus d'un an après le putsch le gouvernement et l'armée, pour des motifs apparemment opposés, exerçaient toujours sur les Espagnols les mêmes pressions et le même chantage: celui de l'imminence d'un nouveau "golpe".

C'est ainsi que le gouvernement de Calvo Sotelo et de l'UCD - décimée par le départ de toute son aile gauche - a pu "normaliser" toute la vie politique du pays: les aspirations autonomistes trop turbulentes se sont vues "harmonisées" par une loi qui ramène au même niveau les autonomies historiques (Pays basque, Catalogne, Galice) et les autonomies d'opérette inventées dans toutes les autres régions pour noyer le poisson. Virage à droite Le débat sur l'avortement a été repoussé avec l'accord du PC, qui en était pourtant le promoteur.

La presse libre a accepté de s'autocensurer pour ne pas "provoquer" l'armée.

L'entrée dans l'OTAN a été votée, en novembre, sans véritable débat de fond: même les socialistes - qui ont voté contre - ont bien voulu admettre qu'il s'agissait en fait d'un cadeau destiné à calmer les appétits de l'armée.

Les syndicats, silencieux, ont accepté pratiquement sans protestation que le patronat boycotte durant des mois l'accord national sur l'emploi, issu pourtant de longues négociations.

La dépression économique et l'absence de tout projet de solution de la part du gouvernement auraient cependant justifié un minimum de réactions syndicales.

En 1981, le taux de croissance n'a pas dépassé 1,5%, l'inflation a atteint 16%, la balance des paiements a accusé un déficit de 5,2 milliards de dollars, et le nombre des chômeurs a dépassé les 2 file:///F/dissertations_pdf/0/451132.txt[15/09/2020 14:08:49] millions, pour une.... »

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