Espagne 1982-1983 L'après-guerre civile 28 octobre 1982: au terme de longues évolutions parallèles, l'Espagne et sa gauche se rejoignent. Le...
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Espagne 1982-1983
L'après-guerre civile
28 octobre 1982: au terme de longues évolutions parallèles, l'Espagne et sa gauche se rejoignent.
Le
leader du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), Felipe Gonzalez, remporte les élections législatives à la
majorité absolue et devient, sept ans après la mort de Franco, le premier chef de gouvernement socialiste
de l'après-guerre civile.
Pour spectaculaire que soit cette victoire, il ne faut cependant pas y voir une
mutation profonde de l'Espagne: elle est tout au plus l'aboutissement logique d'une double maturation
d'une double adaptation aux réalités politiques et économiques contemporaines du pays.
Le PSOE qui a conquis le pouvoir à Madrid, avec 202 des 350 sièges des Cortes, n'a plus grand-chose à
voir avec celui de son fondateur Pablo Iglesias, ni avec celui du Front populaire de 1936.
Ce ne sont pas
seulement les signes extérieurs du socialisme qui ont disparu (drapeau, hymnes, poing levé) mais,
beaucoup plus profondément, l'idéologie qui s'est transformée.
Le Parti socialiste de Felipe Gonzalez est un parti pragmatique ayant fait le choix du pouvoir alors même
qu'il était encore dans la clandestinité (congrès de Suresnes, en 1974).
Il a renouvelé cette option à
l'avènement de la démocratie, renonçant à la "rupture" avec l'ancien régime, rejetant le marxisme et
l'union avec les communistes, acceptant la monarchie et les pactes avec le gouvernement centriste.
Son leader est à son image.
Sans légende noire ni dorée, Felipe Gonzalez est l'enfant sage de
l'opposition, symbole de la réussite et d'un socialisme aux couleurs espagnoles, méfiant envers les
expériences des autres et conscient de ses limites.
Ces limites sont celles de la société espagnole, assoiffée de modernisme, désireuse d'être reconnue
comme une grande nation européenne, mais toujours marquée par quarante ans d'un régime dictatorial,
paternaliste et théocratique.
Sept années de régime "centriste" n'avaient modifié que la façade de cet
édifice.
L'établissement d'une démocratie formelle exemplaire, reconnaissant notamment aux régions une
autonomie proche du fédéralisme, n'a pas empêché le pays de demeurer soumis à ce que l'on appelle ici
les "pouvoirs de fait" (armée, Église, patronat).
L'année 1982, à cet égard, a été révélatrice.
Le procès des putschistes du 23 février 1981, d'abord, a montré au grand jour l'extrême faiblesse du
pouvoir politique face aux ambitions fascisantes d'une partie de l'armée.
Le fait que le procès se déroule
devant une audience militaire, que les victimes - c'est-à-dire l'État et ses représentants - n'y aient disposé
que d'un rang d'observateurs, que la presse y ait été muselée et sanctionnée, que les accusés se
retrouvent relégués dans de somptueuses villas des bords de la Méditerranée, toute cette sinistre parodie
a révélé le décalage entre une démocratie de droit et une démocratie réelle.
La démocratie d'abord
L'agonie de l'UCD, elle, a fini de jeter le discrédit sur les centristes.
Hésitant à rejoindre la "grande droite"
que le parti conservateur Alliance populaire lui présentait comme la "majorité naturelle" de l'Espagne, le
Premier ministre Leopoldo Calvo Sotelo a assisté, impuissant, au démembrement de son parti, ruiné par
les scandales et les querelles internes étalées sur la place publique.
Au printemps, Calvo Sotelo avait
sauvé de justesse son gouvernement d'une motion de censure, grâce au PSOE qui avait fait sortir
quelques députés de la salle au moment du vote.
Peine perdue.
En août, le Premier ministre dissout les
Cortes et annonce des législatives pour le 28 octobre.
Le PSOE est déjà donné gagnant.
Et pour toutes ces raisons, il apparaît très vite comme porteur d'un message de démocratie plus que d'un
mot d'ordre de gauche.
Felipe Gonzalez, du reste, est très clair sur ce point.
Il reconnaît que l'heure n'est
pas venue de faire du socialisme, mais simplement d'extirper les racines de la dictature et d'achever la
construction de la démocratie.
De là son projet le plus audacieux sans doute: la réforme de
l'administration, monstre pléthorique et corrompu.
Le nouveau gouvernement s'y est attaqué
immédiatement, en publiant la loi sur les incompatibilités qui a déjà contraint députés et sénateurs à
choisir entre leur fonction parlementaire et leur profession.
Cette "moralisation" est évidemment très
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populaire, mais elle demeure encore symbolique.
Les véritables difficultés commenceront lorsque les
socialistes s'attaqueront à la réforme de la police et de l'armée, dont les résistances seront autrement
fortes que celles des députés.
En votant pour les socialistes, les Espagnols ont aussi voulu changer de têtes.
Démasqués, les anciens
franquistes reconvertis dans le centrisme démocratique ont été écartés.
Ils ne sont pas les seuls: la
défaite électorale du Parti communiste s'explique aussi par ce désir de faire table rase du passé.
Santiago
Carrillo, dont le groupe parlementaire est passé de 23 à 4 députés, ne s'y est pas trompé.
Ce n'est pas
seulement ses méthodes et ses contradictions qu'on a sanctionnées.
C'est....
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