États-Unis 1982-1983 Crise et croisade En 1982, la majorité des Américains s'est appauvrie. La "reaganomie" a redistribué les richesses vers...
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États-Unis 1982-1983
Crise et croisade
En 1982, la majorité des Américains s'est appauvrie.
La "reaganomie" a redistribué les richesses vers le
haut, et à force de voir leur niveau de vie baisser, la plupart des gens ont commencé à comprendre que
bon nombre d'emplois avaient définitivement disparu et qu'ils risquaient fort de ne jamais voir se
concrétiser le "rêve américain"...
Une nation désillusionnée a pris conscience du revers de la médaille présentée avec complaisance par la
"nouvelle droite".
En décembre 1982, plus de 12 millions d'Américains étaient sans emploi.
Le taux de
chômage officiel, 10,8%, a atteint son niveau record depuis quarante ans.
Les prévisions les plus
optimistes du gouvernement laissaient présager un taux de chômage de 9% pour l'année 1984.
Et
pourtant, s'il le souhaitait, Reagan pouvait très bien rester à la tête du pays pendant encore six ans...
Sur le plan intérieur, la politique économique dite de l'offre s'est avérée un échec, et elle a été largement
remise en cause.
La reprise tant attendue ne s'est toujours pas produite: le patronat s'est félicité des
allégements fiscaux, mais les investissements industriels ont diminué! En milieu d'année, le
gouvernement chiffrait à 150-200 milliards de dollars les déficits budgétaires à venir, résultat des
considérables réductions d'impôts et d'une progression spectaculaire des dépenses militaires.
Arguant du
recul effectif de l'inflation, Ronald Reagan s'est obstiné à affirmer le succès de sa politique.
Mais sous la
pression des républicains du courant majoritaire et des grands industriels, il a dû consentir un
accroissement des impôts de 98 milliards de dollars, toutefois insuffisants pour apaiser l'hostilité d'une
bonne partie du patronat au maintien d'importants déficits budgétaires.
A la fin de l'année, un nouvel
appel en faveur de l'équilibre du budget de l'État, lancé par d'anciens membres du gouvernement et
appuyé par 500 dirigeants de grandes entreprises, exigeait de nouvelles réductions des dépenses
militaires et sociales.
12 millions de chômeurs
Pendant ce temps, les investisseurs institutionnels ont déclenché sur le marché boursier une vague
massive d'achats, qui s'est traduite par une remontée en flèche de l'indice des valeurs boursières
américaines (le fameux "Dow Jones"), passé de 777 en août à 1070 à la fin de l'année - chiffre record à
l'époque - et à plus de 1200 au cours du premier semestre de 1983.
Wall Street a été saisie par une
spéculation fébrile, alors que partout ailleurs la stagnation persistait: pour l'ensemble de l'année, la
production globale de biens et services a décliné de 1,7%, les bénéfices des entreprises, impôts déduits,
ont baissé de 21,2% et le nombre des faillites a été de 50% supérieur aux chiffres de 1981, atteignant
des niveaux jamais égalés depuis 1933.
Le salaire réel moyen, en dollars de 1977, est tombé à 167 dollars par semaine, contre 169 en 1981 et
184 dollars en 1967 ; et 2,4 millions de travailleurs sont venus grossir les rangs des chômeurs.
Sur les 12
millions de sans-emploi enregistrés dans les statistiques officielles, seuls 4,8 millions percevaient des
allocations.
Par ailleurs, 11 millions de chômeurs récents et leurs familles ont perdu le bénéfice de leur
assurance-maladie.
Le taux de chômage officiel pour la population noire - 20,8% - était deux fois plus
élevé que pour les Blancs, atteignant même 45% chez les Noirs âgés de moins de vingt ans.
L'État du
Michigan comptait 15,9% de sans-emploi, et le Texas lui-même, avec un taux de 8,4% n'a pas échappé à
ce phénomène général.
Les usines, qui produisaient en moyenne en 1979 à 84% de leur capacité, n'ont tourné en 1982 qu'à 48%
pour la métallurgie, et à 58% dans le secteur automobile.
Certes, des sociétés japonaises ont installé
quelques nouvelles usines d'automobiles et de composants électroniques, et General Motors a accepté de
créer une filiale commune de production avec la firme nippone Toyota.
Mais en 25 ans, l'emploi dans la
sidérurgie a chuté de 57%, de 41% dans le textile, et de 30% dans l'automobile.
Pour la première fois en 1982, le secteur des services de l'économie américaine a employé plus de
personnes que les secteurs productifs.
Nombreux ont été les ouvriers syndiqués d'un certain âge à quitter
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définitivement le monde du travail plutôt que d'accepter un emploi non syndiqué dans le commerce ou les
services, où ils auraient gagné moins de la moitié de leur rémunération horaire habituelle, 12 à 15 dollars.
Plusieurs syndicats ont dû faire des concessions, cédant du terrain sur les revendications salariales ou les
conditions de travail en échange de la garantie d'emploi.
A la suite des coupes sombres effectuées par Reagan dans les programmes sociaux, plus de deux millions
d'Américains sont passés à leur tour au-dessous du seuil de pauvreté établi par le gouvernement.
Un
citoyen sur sept était considéré comme pauvre, ce qui ne s'était pas vu depuis 1967.
Beaucoup d'entre
eux sont tombés à travers les mailles plus que lâches du "filet de sécurité" gouvernemental: un million de
personnes ont perdu leur droit aux bons d'alimentation, et 661 000 enfants ont été rayés de Medicaid
(programme d'aide médicale destiné aux indigents, financé conjointement par chaque État et le
gouvernement fédéral).
Et Reagan a proposé de réduire encore de 26 milliards de dollars les dépenses
sociales en 1983...
Les femmes sont désormais plus nombreuses à travailler à l'extérieur, mais elles gagnent en moyenne
60% de moins que les hommes.
Elles ont donc commencé à exiger l'application du principe "à travail
égal, salaire égal".
Et quand il est apparu clairement que la paupérisation aux États-Unis frappait de plus
en plus les femmes - et notamment les mères célibataires -, la lutte contre la "féminisation de la
pauvreté" est devenue un cheval de bataille pour les féministes.
Symbole de cette dégradation: en souvenir de l'aide américaine qu'ils ont reçue au lendemain de la
guerre, des Allemands de l'Ouest ont envoyé à Detroit en 1982 des colis CARE (Cooperative for American
Relief Everywhere, association de bienfaisance)! Mais ce sont les "sans-abri" qui ont apporté la preuve la
plus manifeste de l'avènement de temps difficiles ; et des cités de tentes ont surgi çà et là, pour abriter
deux millions d'entre eux.
Les restrictions budgétaires fédérales n'ont fait qu'aggraver les problèmes engendrés par la crise.
Les
grandes agglomérations ont perdu 13% de leurs subventions fédérales, ce qui les a conduit à rogner sur
les services communaux et à augmenter les impôts locaux.
Il est même devenu plus difficile de cerner
l'ampleur de la crise, car le US Bureau of Labor Statistics (Bureau américain des statistiques du travail) a
vu son budget amputé de 15%, et l'on a dû ainsi renoncer à recueillir certaines données de première
importance.
La nouvelle politique impériale
Sur le plan international, la politique économique des États-Unis a contribué à aggraver la crise chez leurs
alliés, créant de ce fait de nouvelles tensions, surtout avec les pays de la CEE.
Car malgré un déficit de la
balance commerciale américaine de 42,8 milliards de dollars en 1982, les investisseurs étrangers, attirés
par les taux d'intérêts élevés, se sont rués sur les actions et l'immobilier américains, jugés "plus sûrs".
En
fin d'année, le dollar était surévalué de 20% à 30%.
En matière de politique étrangère, Ronald Reagan a renoué avec une vieille pratique américaine: l'action
unilatérale.
Les efforts déployés par Washington pour bloquer la construction du gazoduc euro-sibérien
ont failli remettre en cause 11 milliards de dollars de ventes européennes à destination de l'Union
soviétique.
Mais devant la protestation unanime des dirigeants européens, le raidissement de la France et
l'opposition du Congrès, Reagan a dû faire marche arrière.
Autre exemple de la nouvelle politique impériale: le rejet hautain....
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