États-Unis 1986-1987 Sombre année pour Ronald Reagan L'année 1986 avait bien commencé pour le président Reagan. Sa popularité était extraordinairement...
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États-Unis 1986-1987
Sombre année pour Ronald Reagan
L'année 1986 avait bien commencé pour le président Reagan.
Sa popularité était extraordinairement
élevée après cinq ans de pouvoir.
Même ses erreurs semblaient ne jamais lui coller à la peau: on le
surnommait le président-téflon.
Il avait su dignement consoler une nation atterrée par l'explosion de la
navette Challenger (28 janvier 1986).
Et chacun s'extasiait sur la bonne santé de l'économie américaine.
Si la situation semblait moins brillante sur le plan de la politique étrangère, le président Reagan, au
moins, n'avait pas provoqué de catastrophe.
Certes, aucune des difficultés, dans les points chauds du
monde, n'était réglée, mais Ronald Reagan, en dépit de discours musclés sur "l'empire du mal" soviétique
ou sur la menace terroriste, restait pour l'essentiel d'une prudence rare lorsqu'il s'agissait de passer à
l'action, à l'exception du raid sur la Libye en avril 1986.
Il semblait même qu'on s'acheminait vers un
accord de désarmement entre les États-Unis et l'Union soviétique.
A la fin de l'année, la situation a changé du tout au tout.
En un mois, de début novembre à début
décembre 1986, Ronald Reagan a perdu vingt et un points dans les sondages d'opinion sur sa popularité.
Pire, c'est sa crédibilité même qui est atteinte avec le scandale iranien qui vient d'éclater.
Mais depuis
plusieurs mois déjà, la magie reaganienne semblait s'évanouir: graves échecs de la politique étrangère (à
propos des sanctions contre l'Afrique du Sud, désaccord accru entre Gorbatchev et Reagan lors de leur
rencontre à Reykjavik, en octobre), revers des républicains aux élections législatives de novembre, net
ralentissement de l'économie avec un taux de croissance annuel du PNB de 2,5% en 1986.
L'année 1986 a été marquée par la prise de conscience, aux États-Unis et dans le monde, que l'économie
américaine, malgré une puissance intrinsèque, a pour la première fois amorcé un déclin indéniable.
Sans
aucun doute, la disparité de croissance, constatée depuis plusieurs années, entre les États-Unis et leurs
principaux partenaires économiques a joué: les États-Unis se sont aperçus à leurs dépens, comme les
socialistes français avant eux, qu'il ne fait pas bon relancer en solitaire une économie, même si l'on est la
puissance la plus forte.
De même, le renforcement exagéré du dollar entre 1980 (4 francs) et 1985
(10,61 francs) a eu des effets délétères.
L'économie américaine était plus forte en 1980, lorsque le dollar
était sous-évalué.
Dégradation de la balance commerciale
C'est à la surévaluation du dollar que les Américains attribuent tous leurs malheurs et notamment la
dégradation croissante de leur balance commerciale.
Dès lors, ils vont agir pour le faire chuter,
provoquant notamment, par l'accord du Plazza à New York (22 septembre 1985), une action concertée à
la baisse des banques centrales contraire à tous leurs principes de régulation par le marché.
Cette
politique réussit, trop bien: les partenaires des États-Unis s'inquiètent alors des mouvements désordonnés
du dollar (monnaie de référence dans laquelle sont libellés 50% des échanges internationaux) qui leur
coûtent cher sans aucunement régler les problèmes américains (le déficit commercial américain atteint un
record de 170 milliards de dollars).
Les Américains font mine de s'incliner à plusieurs reprises pour freiner
la chute parfois brutale du dollar (-10% en janvier 1987), au sommet de Tokyo en mai 1986, en octobre
1986, par un accord bilatéral avec le Japon et en février 1987 à Paris, lors de la réunion du groupe des
Six (États-Unis, RFA, Japon, Royaume-Uni, France et Canada).
Peine perdue: avec des paliers, le dollar
continue sa glissade, en fait voulue par les États-Unis, mais dont on se demande si, à jouer avec le feu,
ceux-ci pourront la faire cesser lorsqu'ils le souhaiteront.
Les marchés monétaires sont gravement
désorganisés, au grand dam de l'économie mondiale.
De plus, la faiblesse du dollar accroît les risques
d'inflation et surtout rend moins attractif pour les capitaux internationaux, qui financent largement le
déficit budgétaire américain, l'investissement aux États-Unis.
Les États-Unis ont une autre explication à leurs malheurs économiques: ils accusent le Japon et la RFA de
n'avoir pas pris leur part dans la relance de l'économie mondiale qu'ils estiment avoir assurée seuls
depuis 1983.
C'est oublier que les capitaux étrangers (en grande partie empruntés) ont déjà fourni à
l'économie américaine plus de la moitié de ses ressources financières en 1986, comme le rappelait Paul
Volcker (président de la Réserve fédérale) devant le Sénat le 18 février 1987, et qu'ils ont ainsi contribué
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à l'expansion américaine.
C'est surtout croire qu'une relance japonaise et allemande, certes possible,
suffirait à résoudre les problèmes américains.
Mais ceux-ci sont avant tout d'ordre interne ; or le gouvernement Reagan refuse de l'admettre et de
corriger sa politique.
Car le président a pratiqué le contraire de ce qu'il avait prêché.
Loin de désétatiser,
de rétablir l'équilibre budgétaire et de rendre l'économie plus compétitive, l'État fédéral est intervenu plus
que jamais en temps de paix, mais de façon si brouillonne que la structure même de l'économie en a été
affaiblie.
Depuis l'arrivée de Ronald Reagan au pouvoir, le budget fédéral a été constamment et
fortement déséquilibré, au point que, devenus débiteurs en 1985 (pour la première fois depuis 1914), les
États-Unis sont dorénavant le pays le plus endetté du monde (environ 240 milliards de dollars à la fin de
1986).
Pourtant le keynésianisme reaganien, militaire et antisocial, n'a aucunement servi l'économie.
L'industrie
est dans un état de délabrement accentué.
Cela est vrai de l'industrie traditionnelle (acier, automobile),
mais aussi de l'industrie "moderne": dans tous les secteurs (pétrole, machines-outils, produits
pharmaceutiques, ordinateurs), les États-Unis ont perdu des parts de marché sur leur propre territoire
face à la concurrence internationale et malgré un protectionnisme accru.
Seules les industries liées au
Pentagone sont florissantes, même si l'industrie aéronautique s'inquiète de la concurrence européenne
(Airbus...).
Mais les dépenses militaires sont beaucoup moins productives économiquement que les
contrats civils.
L'agriculture n'est pas en meilleure posture.
Malgré l'aide massive de l'État, supérieure à ce que la
Communauté européenne accorde à ses propres agriculteurs, des dizaines de milliers d'exploitations sont
ruinées.
Et les États-Unis ont perdu une bonne partie du marché mondial au profit d'exportateurs plus
agressifs.
Partout, des fragilités apparaissent.
Dans le secteur bancaire, par exemple, cent quarante-deux
banques ont dû déposer leur bilan en 1986, plus que depuis la grande crise de 1929.
Ce qui a fait longtemps illusion, c'est le secteur des services, qui contribuait en 1986 pour plus des deux
tiers à la création de richesse telle qu'elle est mesurée par le PNB.
Entre 1950 et 1985, la part des
services dans les emplois est passée de 37% à 60% alors que celle des emplois liés à la production
industrielle est tombée de 46% à 26%.
A un développement économique équilibré où secteur des
services et secteur industriel se renforçaient l'un l'autre a succédé une croissance artificielle où les
services se développent de façon parasitaire alors que l'industrie s'affaiblit et perd sa compétitivité sur le
plan international.
Contrairement à l'idée reçue, la plupart des emplois créés aux États-Unis depuis 1981 (de plus en plus
dans les services, commerce compris: 52% en 1984, 81% en 1986), sont des emplois précaires, de bas
niveau, à temps partiel et mal rémunérés: d'après une étude du Joint Economic Committee du Congrès
(1986), les trois cinquièmes des emplois créés depuis 1981 sont rémunérés à moins de 7 000 dollars par
an (environ 4 000 francs par mois, base 1986), au-dessous du niveau officiel de la pauvreté.
De plus,
l'investissement industriel, en pourcentage du PNB, est plus bas en 1986 qu'en 1981 et il n'est pas aussi
productif qu'il devrait l'être.
On a construit des bureaux et acheté de la bureautique mais l'appareil de
production a été peu modernisé (machines-outils, robots): il y a 14 000 robots dans les usines
américaines, contre 67 300 au Japon.
Les hommes d'affaires américains ont pu reconstituer leur marge
de profit parce qu'ils étaient moins taxés et mieux protégés contre la concurrence étrangère.
Mais ils ont
dédaigné la ré-industrialisation, au profit de la spéculation (3 300 firmes ont été rachetées en 1986, pour
une valeur de....
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