États-Unis 1990-1991 Le "syndrome du Vietnam" exorcisé Géant aux pieds d'argile, les États-Unis auront d'abord prouvé qu'ils étaient un géant....
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États-Unis 1990-1991
Le "syndrome du Vietnam" exorcisé
Géant aux pieds d'argile, les États-Unis auront d'abord prouvé qu'ils étaient un géant.
En mobilisant près
de 450 000 hommes et femmes pour combattre dans le Golfe, dans le conflit qui a suivi l'invasion du
Koweït par l'Irak (2 août 1990); en réussissant à réunir vingt-huit pays - dont l'Égypte, la Syrie et les
États du Conseil de coopération du Golfe - dans la plus grande coalition jamais réalisée; en démontrant la
supériorité de leur logistique et de leur haute technologie militaire - illustrée par les missiles anti-missiles
Patriot; en écrasant en quelques centaines d'heures de combats terrestres, en février 1991, une armée
supposée être la "quatrième" du monde, l'Amérique démontrait qu'elle était bien une grande puissance, la
seule superpuissance des années quatre-vingt-dix.
L'Amérique victorieuse exorcisait une fois pour toutes
le "syndrome du Vietnam".
Elle effaçait aussi dix ans d'humiliation subie au Moyen-Orient et marqués
successivement par l'exil de son plus fidèle allié, le chah d'Iran (1979); l'échec de l'opération militaire
aéroportée Desert One montée par l'ancien président Jimmy Carter pour libérer le personnel diplomatique
de son ambassade pris en otage à Téhéran (1980); et le fiasco libanais des années 1982-1983, soldé par
le départ précipité des marines de la "force multinationale", devenus la cible privilégiée d'attaques
terroristes.
Caspar Weinberger, le ministre de la Défense de Ronald Reagan, avait lancé un avertissement dès
novembre 1984, dans un discours au National Press Club: si les États-Unis doivent intervenir à l'étranger,
il faudra que leur intérêt vital et celui de leurs alliés soient directement menacés, que les objectifs
recherchés soient clairement définis, le soutien de l'opinion publique assuré, et les moyens mis en oeuvre
proportionnés aux fins recherchées.
En d'autres termes, concluait C.
Weinberger, l'intervention militaire
devra être massive, brutale et rapide.
Dix ans de fructueuses relations avec l'Irak
L'invasion du Koweït par l'Irak menaçait-elle directement l'"intérêt vital" des États-Unis? Il est difficile de
répondre puisque la définition de cet intérêt est sujette à variations.
Pendant la guerre Iran-Irak (19801988), l'Irak - bien qu'agresseur - était un allié objectif des États-Unis, soucieux de faire barrage aux
menées révolutionnaires de Téhéran.
Les tentatives du Congrès d'imposer des sanctions contre l'Irak au
moment du gazage de populations kurdes à Halabja, en 1988, se perdront dans les méandres de la
procédure législative, R.
Reagan et ses conseillers ne souhaitant pas remettre en cause leur alliance avec
Bagdad.
En mars 1990, lorsque Saddam Hussein prétendit vouloir "brûler la moitié d'Israël", Dennis Ross, l'un des
proches conseillers du secrétaire d'État James Baker, proposa d'imposer des sanctions économiques à
l'Irak.
Mais il se heurta à la réticence du Conseil national de sécurité et à l'opposition du département du
Commerce, fortement influencé par le lobby agricole pro-irakien.
Une semaine avant l'invasion, le 25
juillet, April Glaspie, l'ambassadeur des États-Unis à Bagdad, rencontra personnellement Saddam Hussein.
Ne disposant pas d'instruction ferme du département d'État, elle déclara que les États-Unis "n'ont pas
d'opinion à émettre sur des conflits interarabes comme le conflit frontalier opposant l'Irak au Koweït".
Pour sa défense, A.
Glas pie affirmera ensuite avoir dénoncé toute velléité irakienne d'imposer une
solution par la violence.
Le 31 juillet 1990, un haut fonctionnaire du département d'État, John Kelly,
affirmait encore devant l'une des sous-commissions de la Chambre des représentants: "Historiquement,
nous avons toujours évité de prendre position sur les questions frontalières."
Le fait est que Saddam Hussein ne fut pas mis en garde et que sa curieuse conception d'une Amérique
faible, "enjuivée" et manipulée par un soi-disant "complot anglo-israélien" fut encouragée par dix ans de
politique d'apaisement et le maintien de fructueuses relations commerciales avec les États-Unis.
Ainsi, en
1989-1990, une agence du gouvernement fédéral, la Commodity Credit Corporation, accorda 1,5 milliard
de dollars de garanties de crédit à l'Irak pour l'achat de produits agricoles américains.
Pour les fabricants
d'ordinateurs américains et les sociétés d'ingénierie, l'Irak constituait, jusqu'au jour de l'invasion du
Koweït, l'un des meilleurs marchés du Moyen-Orient.
En juillet, lorsque Saddam Hussein déplaça 100 000
soldats vers la frontière du Koweït, personne ne crut à la guerre.
Le Koweït, après tout, semblait sur le
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point de céder à toutes les exigences de S.
Hussein.
Le pétrole, enjeu stratégique
En envahissant son voisin et ancien allié, l'Irak s'emparait d'un coup du cinquième de la production de
l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et menaçait directement le plus fidèle allié des
États-Unis dans la région du Golfe: l'Arabie saoudite, le dépositaire du quart des réserves mondiales
prouvées de pétrole.
Dès 1943, les Américains ont reconnu l'importance stratégique des pays du Golfe.
Au lendemain de la conférence de Yalta, en février 1945, Franklin Roosevelt avait tenu à nouer des liens
personnels avec le roi d'Arabie, Ibn Séoud.
Cinq ans plus tard, Harry Truman s'engagea formellement à
protéger l'Arabie contre toute menace extérieure.
George Bush ne fera que réaffirmer cette volonté
lorsqu'il déclarera, le 16 août 1990: "Nos emplois, notre mode de vie, notre liberté et la liberté des pays
amis seraient tous affectés si le contrôle des plus grandes réserves pétrolières du monde tombait aux
mains de Saddam Hussein." James Baker, le ministre des Affaires étrangères, ira plus loin encore en
dénonçant le 4 septembre devant la Chambre des représentants: "un dictateur qui, agissant seul, pourrait
étrangler l'ordre économique mondial, en décidant arbitrairement de nous faire tous entrer dans une
récession ou même dans les ténèbres d'une dépression".
Bien sûr ni l'opinion publique américaine, ni les
pays membres de l'ONU ne pouvaient envisager une guerre dont le seul but aurait été la garantie des
approvisionnements pétroliers de l'Occident.
Les dirigeants américains et leurs alliés évoquèrent donc des
objectifs plus nobles: 1.
expulser l'envahisseur pour restaurer la souveraineté d'un État membre de l'ONU;
2.
dissuader l'Irak de toute autre agression contre ses voisins; 3.
empêcher la prolifération des armes
chimiques, bactériologiques et nucléaires; 4.
recréer un "équilibre" des puissances régionales du Golfe; 5.
mettre en place le "nouvel ordre international" de l'après "guerre froide".
Ce dernier objectif, grandiose,
correspondait à la tradition idéaliste inaugurée par le président Thomas Woodrow Wilson au lendemain de
la Première Guerre mondiale.
Mais, à la mi-juillet 1991, il restait fâcheusement indéfini.
Seul le succès
d'une conférence internationale réunissant Arabes et Occidentaux, Palestiniens et Israéliens, Soviétiques,
Européens et Américains apparaissait pouvoir préciser les contours du nouvel ordre, sinon mondial, du
moins moyen-oriental.
Une victoire d'abord diplomatique
L'écrasant succès de l'opération militaire Tempête du désert, la précision des "armes intelligentes", les
exploits du général Norman Schwarzkopf, commandant en chef de la coalition, tant célébrés par les
médias ont occulté cette vérité simple: la victoire du gendarme américain et de ses alliés a d'abord été la
victoire de la diplomatie américaine.
Pour la première fois depuis la guerre de Corée (1950-1953), un
président des États-Unis a réussi à mobiliser l'ONU et à obtenir, après de difficiles négociations, le soutien
actif de l'URSS, la coopération (ou, à défaut, l'abstention) de la Chine et le vote positif d'au moins dix des
douze membres du Conseil de sécurité.
Seuls dans cette enceinte, Cuba et le Yémen ont résisté aux
sirènes de la diplomatie américaine.
Le résultat fut exemplaire: le Conseil de sécurité de l'ONU appela d'abord l'Irak à retirer ses forces du
Koweït "immédiatement et inconditionnellement" (résolution 660 du 2 août 1990), pour prôner ensuite le
boycottage commercial, financier et militaire de l'Irak (rés.
661 du 6 août); permettre l'usage de la force
pour faire respecter l'embargo (rés.
664 du 25 août); et autoriser enfin "les États membres qui coopèrent
avec le gouvernement du Koweït [...] à user de tous les moyens pour faire respecter et appliquer la
résolution 660" (rés.
678 du 29 novembre).
En votant pour cette dernière résolution, l'URSS admettait
pour la première fois dans son histoire qu'un de ses alliés, armé par ses soins, avait violé....
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