ÉTUDE D'UN EXTRAIT DE ROMAN DE FLAUBERT : Ce texte est extrait du chapitre XIV de Salammbô, roman Flaubert. L'auteur...
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ÉTUDE D'UN
EXTRAIT DE ROMAN
DE FLAUBERT
: Ce texte est extrait du chapitre XIV de Salammbô, roman
Flaubert.
L'auteur décrit la fin tragique d'une armée
..o0 de
de mercenaires révoltés parce qu'ils n'ont pas été payés
: par leur employeur, la ville de Carthage.
Carthage était
: une ville importante située à proximité de l'actuelle ville
: de Tunis.
À la tête d'un empire puissant, elle fut l'un
• des plus dangereux ennemis de l'Empire romain durant
: les guerres puniques (111 e et 11 e siècle avant notre ère).
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Sur l'étendue de la plaine, des lions et des cadavres étaient
couchés, et les morts se confondaient avec des vêtements et
des armures.
À presque tous le visage ou bien un bras man
quait; quelques-uns paraissaient intacts encore; d'autres
étaient desséchés complètement et des crânes poudreux
emplissaient des casques; des pieds qui n'avaient plus de
chair sortaient tout droit des cnémides 1 , des squelettes gar
daient leurs manteaux; des ossements, nettoyés par le soleil,
faisaient des taches luisantes au milieu du sable.
Les lions reposaient la poitrine contre le sol et les deux
pattes allongées, tout en clignant leurs paupières sous l'éclat
du jour, exagéré par la réverbération des roches blanches.
D'autres, assis sur leur croupe, regardaient fixement devant
eux; ou bien, à demi perdus dans leurs grosses crinières, ils
1.
Cnémides: nom féminin; désigne les jambières (des sortes de .
protège-tibias en cuir ou en bronze) que portaient les soldats dans
!'Antiquité.
1s
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dormaient roulés en boule, et tous avaient l'air repus, las,.
ennuyés.
Ils étaient immobiles comme la montagne et comme
les morts.
La nuit descendait; de larges bandes rouges rayaient
le ciel à l'occident.
·
Dans un de ces amas qui bosselaient irrégulièrement la
plaine, quelque chose de plus vague qu'un spectre se leva.
Alors un des lions se mit à marcher, découpant avec sa forme
monstrueuse une ombre noire sur le fond du ciel
pourpre; quand il fut tout près de l'homme, il le renversa
d'un seul coup de patte.
·
Puis étalé dessus à plat ventre, du boui: de ses crocs, lentement, il étirait les entrailles.
Ensuite il ouvrit sa gueule toute grande, et durant quelques
minutes il poussa un long rugissement, que les échos de la
montagne répétèrent, et qui se perdit enfin dans la solitude.
Tout à coup, de petits graviers roulèrent d'en haut.
On entendit un frôlement de pas rapides, et du côté de la
herse, du côté de la gorge, des museaux pointus, des oreilles
droites parurent; des prunelles fauves brillaient.
C'étaient les chacals arrivant pour manger les restes.
Le
Carthaginois, qui regardait penché du haut du précipice, s'en
retourna.
Gustave Flaubert, Salammb{J, 1862.
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QUESTIONS D'OBSERVATION
(TOUTES SÉRIES)
---ET CORRIGÉS
QD
Comment l'auteur décrit-il les lions dans le
deuxième paragraphe? Justifiez la comparaison: «Ils
étaient immobiles comme la montagne et comme les
morts.»
Dans le deuxième paragraphe, Flaubert décrit les lions
comme de véritables sphinx égyptiens.
Ce rapprochement se justifie pour diverses raisons.
L'auteur insiste
sur l'immobilité des animaux, comme en témoigne la
phrase suivante : « Ils étaient immobiles comme la mon-
tagne et comme les morts.» La comparaison insiste sur
la double réalité du lion : il appartient à l'ordre naturel
et il dévore donc les hommes sans se soucier de morale.
En outre, le lion représente aussi une force dangereuse
et mortelle: les mercenaires ont défié un ordre, matérialisé par l'immobilité de la montagne, représentation
du destin - comme le sphinx.
L'auteur donc cherche à
donner un aspect impressionnant à cette évocation
figée.
QB
Analysez le système de l'énonciation.
L'absence de notations de lieu contribue à accentuer
le caractère fantastique du passage et donne l'impression d'assister à un cauchemar.
Les notations de temps tendent à dramatiser l'événement.
Au début du passage, nous comprenons que le
soleil brille très ardemment.
Puis la nuit descend (1.
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et donne le signal au lion («Alors», 1.
23).
L'animal agit
avec une résolution calme et prend tout son temps
(« quand il fut tout près», 1.
25; «Puis)), 1.
27; « lentement», 1.
28; «Ensuite» et« durant quelques minutes»,
1.
29; «enfin», 1.
31 ).
Au dernier moment, les chacals
apparaissent(« Tout à coup», 1.
33).
L'auteur a choisi d'écrire à la troisième personne du
singulier.
Il crée une opposition entre ce qui se décompose, déterminé par des articles indéfinis, et ce qui se
détache, se particularise, déterminé par un article défini.
Flaubert ne manifeste pas sa présence.
La scène est vue
par un observateur impassible qui pourrait bien être le
Carthaginois penché sur le bord du précipice.
Ce personnage part pour rendre compte à ses supérieurs de la
destruction totale de l'armée des mercenaires.
Fidèle à
ce qu'il appelle le « dogme de l'impassibilité», Flaubert
ne formule aucune remarque et n'exprime aucun sentiment.
Mais l'emploi du pronom personnel indéfini« on»
(ligne 3) introduit une ambiguïté : qui représente-t-il? le
Carthaginois seul? le Carthaginois avec le narrateur? ou
le narrateur seul?
·
Oue:sTioNs o'ANALVSE
(s~u::s TECHNOLOGIQUES)
.
ET CORRIGÉS
.
QD
Étudiez les jeux de contraste et dites quels effets
ils produisent.
Identifiez, alors, la composante principale
du texte (voir la définition de cette expression p.
69).
Dans ce texte, nous pouvons identifier des contrastes
entre les jeux d'ombre et de lumière.
Flaubert insiste sur
la luminosité ardente du soleil africain dont il suit le parcours sur la ligne d'horizon (ligne 9: « taches luisantes » ; ligne 13 : « roches blanches »; ligne 19 : « larges
bandes rouges»; lignes 25 et 26: « une ombre noire sur
le fond du ciel pourpre»).
Mais, à la fin du passage, seules
brillent les « prunelles fauves» (ligne 36) des chacals.
L'auteur recherche un effet esthétique: il veut aboutir à
un tableau.
Mais il veut aussi jouer sur la tension dramatique.
Le
texte commence sous une lumière éclatante, puis évolue vers le crépuscule (deux notations sur le rouge de
l'horizon) et finit à la nuit (suggérée par les yeux des chacals; animaux qui ne sortent que la nuit).
Ce tableau constitue une scène qui s'anime peu à peu.
Tout d'abord s'impose l'immobilité (dans les deux premiers paragraphes, soit presque la moitié du texte).
Puis
soudain, tranchant sur ce qui précède, une scène brutale concentre l'attention sur le « seul coup de patte» du
lion (ligne 26).
Ensuite l'animal s'attarde à «lentement»
(ligne 28) étirer les entrailles du mort.
Et à peine le rugissement du lion s'est-il tu que s'amorce le troisième
moment du drame, avec l'arrivée des chacals.
La composante principale du texte est manifestement
une description, mais à l'intérieur de cette description se
situe une action qui constitue une sorte de petit drame.
QEI
Après avoir précisé le genre littéraire auquel appartient ce texte, vous en mettrez en évidence les caractéristiques particulières en fonction de l'intention de l'auteur.
Nous sommes en présence d'un extrait de roman.
Mais,
il convient de ne pas céder à la tentation de qualifier ce
texte de réaliste, comme pourrait le suggérer une connaissance superficielle de Flaubert.
Ce passage semble extrait
d'un roman historique- ainsi qu'en témoigne la référence
au Carthaginois, nom désormais anachronique.
Mais tout
le contenu du texte joue sur le sentiment de l'horrible et
acquiert une dimension fantastique.
Flaubert cherche à frapper fortement l'imagination de
son lecteur par l'exotisme de la scène, la façon très picturale dont sont évoqués les éléments du décor.
:
"
""
.."
!
Cette scène fait écho à une autre scène, comme c'est
souvent le cas dans les romans de Flaubert.
Au début
du livre, les mercenaires s'éloignent de Carthage.
Ils
rencontrent des lions (crucifiés par des populations qui
pensent ainsi effrayer les lions vivants).
Ces merce-
: na....
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