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Eugène Ionesco ou la Dérision du pathétique Eugène Ionesco est né en Roumanie, mais la culture française l'imprègne. Après un...

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« Eugène Ionesco ou la Dérision du pathétique Eugène Ionesco est né en Roumanie, mais la culture française l'imprègne.

Après un premier séjour en France dans son enfance, il enseigne le français au lycée de Bucarest et revient à Paris pour s'y fixer définitivement. Son ascension dans la littérature est rapide, depuis l'accueil mitigé de la Cantatrice chauve en 1950 jusqu'à la consécration de la Comédie-Française (1966, la Soif et la faim) et de l'Académie française (1970). Tenu d'abord pour un «mystificateur» ou un «fu­ miste» par les critiques, il a su éclairer l'apparente incohérence de son théâtre initial, composé de pièces assez courtes, construites autour de l'absurdité des êtres et de leur langage, par le tragique qui caractérise les grands drames de la maturité. Contraste et parodie C'est se débarrasser hâtivement d'lonesco que de le qualifier de«magicien de l'absurde».

Maître de la parodie, de la dislocation des mots et des situations, il contrarie la raison et fait apparaître un univers qui ne peut être appréhendé que par l'intuition : « Le théâtre est pour moi la projection sur une scène du monde du dedans : c'est dans mes rêves, dans mes angoisses, dans mes désirs obscurs, dans mes contradictions intérieures que, pour ma part, je me réserve le droit de prendre cette matière théâtrale» (1962, Notes et contre-notes). Il tire parti de l'absurde et de l'insolite des situations quotidiennes dans une sorte de parodie permanente d'un théâtre qui visait, avant lui, à reproduire la réalité.

Il tourne souvent en dérision le genre dramatique : « Plus de drame ni de tragédie ; le tragique se fait comique, le comique est tragique.

" Il fait rire avec des non-sens d'une logique évidente : « Il y a une chose que je ne comprends pas, dit M.

Smith dans la Cantatrice chauve.

Pourquoi à la rubrique de l'état civil, dans le journal, donne-t-on toujours l'âge des personnes décédées et jamais celui des nouveau-nés? » Les métamorphoses de Béranger La résurgence d'un même personnage, Béranger, au fil des œuvres, permet de suivre la progression de la pensée d'lonesco. Dans Amédée ou comment s'en débarrasser (1954), un petit-bourgeois besogneux, Amédée (première incarna­ tion, sous un autre nom, de Béranger), est confronté avec un cadavre (celui de l'amant de sa femme, tué 15 ans plus tôt) qui grandit de jour en jour.

Comment s'en débarras­ ser? Prenant conscience de sa médiocrité devant cette situation absurde, Amédée se réfugie dans un monde de rêves où l'absurde devient vraisemblable. Dans Tueur sans gages (1959), la pièce la plus désespérée d'lonesco, Béranger, dans un long monologue final, s'interroge sur l'impuissance de l'homme qui, comme Amédée devant la croissance de son cadavre, ne sait comment réagir.

Dans le Piéton de l'air (1963), Béranger, cette fois auteur dramatique, angoissé par la mort, cherche une délivrance poétique. Avec Rhinocéros (1960), la farce métaphysique se mue en satire sociale et politique.

L'arrivée pour le moins insolite de milliers de rhinocéros dans une petite ville tranquille symbolise la montée, non seulement du na­ zisme, mais de toutes les formes de fascisme ou de totalitarisme capables d'écraser l'individu.

Béranger, em­ ployé insignifiant, sera finalement le seul qui ne capitulera pas devant l'invasion des pachydermes et devant la métamorphose des autres hommes en rhinocéros : il répond au mépris par un instinct de survie qui confine à l'héroïsme. Mais le personnage de Béranger trouve son incarna­ tion la plus émouvante, la plus tragique aussi, dans le Roi se meurt (1962).

Dans un univers qui se délabre à vue d'œil, le roi Béranger 1•• se sent peu à peu dépossédé de sa condition de monarque, puis de sa condition d'homme. La mort s'accroche à lui, le dévore inexorablement.

On pourrait penser qu'elle triomphera dans un anéantisse­ ment scandaleux de tout ce qui existe, mais, pareil au vieux roi Lear de Shakespeare, c'est dans le dénuement extrême de la mort que Béranger accède à la dignité, parce qu'il a alors renoncé à toutes les vanités.... »

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