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Examinez et discutez ce jugement d'un critique contemporain: «Don Juan est un personnage total, héros et antihéros: il est tour...

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« Examinez et discutez ce jugement d'un critique contemporain: «Don Juan est un personnage total, héros et antihéros: il est tour à tour médiocre et grandiose, ridicule et éblouissant.

On ne sait s'il brave Dieu par orgueil, par obstination ou par lassitude.

Est-il un héros libre et fier ou un marginal hors-la-loi et traqué, à moitié ruiné, vieux avant l'âge et brûlant de ses derniers feux?» Remarques méthodologiques préalables 1.

La citation présente les contradictions de Don Juan : héros («grandiose», «éblouissant», «orgueil», «libre et fier») ou antihéros («médiocre», «ridicule», «obstination», «lassitude», «marginal» ...) Certains termes sont ambigus car ils peuvent être à la fois positifs et négatifs («obstination»: acharnement vain/courage qui ne faiblit pas jusqu'au dernier moment ; «fier»: vaniteux, arrogant/orgueilleux au sens classique: qui cherche la gloire en héros). Le critique admet l'idée (peut-être conviendra-t-il de la discuter) que le personnage de Molière existe en dépit de ses contradictions ou même grâce à elles: Don Juan n'est pas, pour lui, éblouissant ou médiocre, il est éblouissant et médiocre.

Comment le personnage peut-il, dans ces conditions, garder sa cohérence? L'unité de la pièce n'est-elle pas menacée? 2.

Chaque terme implique certains aspects de l'intrigue et de la thématique donjuanesque: - «éblouissant» peut renvoyer aux costumes de Don Juan, à la théâtralité du personnage (son panache, son art de la parole ...), - «brave Dieu» rappelle le défi lancé à la face de Dieu.

La citation s'interroge sur les motivations de cette bravade (orgueil, obstination ou lassitude): - «libre»: qui refuse toute attache (chez Don Juan, venant de Dieu, des femmes, de son père..., de la morale, des valeurs sociales, des lois...), 1.

Pour la méthodologie, cf.

La dissertation littéraire à l'E.A.F., coll.« Résonances», Ellipses, 1997. - «hors-la-loi et traqué» évoque 1) la criminalité de Don Juan 2) la chasse dont il est l'objet (Elvire, ses frères, Dieu...), - «à moitié ruiné » est déduit, semble-t-il, de la scène avec Monsieur Dimanche, - «brûlant de ses derniers feux» 1) Don Juan est un héros qui s'éteint, qui vit une fin d'existence alors qu'il est jeune ; il est usé par les plaisirs et les courses 2) allusion à la fin spectaculaire de Don Juan englouti par les flammes et terrassé par les éclairs 3) la citation porte un jugement sur le sens du personnage.

Mais qui juge Don Juan ? Le critique évidemment et au-delà: le lecteur/spectateur, et aussi les autres personnages de la pièce qui, avec leur subjectivité, leurs motivations, voient vivre Don Juan ou sont victimes de lui. Devoir-type Introduction Le :xxe siècle, après quatre siècles d'élaboration, recueille sans bien savoir comment le percevoir, le mythe de Don Juan, mythe contrasté, réévalué au fil du temps dans des optiques souvent divergentes.

A.

Camus trouve en Don Juan un héros de l'absurde, les critiques d'inspiration marxiste cernent en lui un héros contestataire alors que la pièce le condamne comme un hors-la-loi et un impie.

Don Juan est-il un héros exemplaire («libre», «éblouissant», «grandiose») ou un antihéros («médiocre»,«ridicule»,«brûlant de ses derniers feux») dont la cruauté et les mœurs dissolues sont répulsives ? Molière n'a voulu glisser dans sa pièce ni note ni préface comme s'il abandonnait le personnage, qu'il n'a pas choisi de jouer, à son mystère. Reste le texte seul, énigmatique, dont la figure principale, Don Juan, s'offre à toutes les lectures, à toutes les mises en scène: «Est-il un héros libre et fier ou un marginal hors-la-loi et traqué, à moitié ruiné,vieux avant l'âge et brûlant de ses derniers feux ?» À en croire le critique, il semble que Molière ait souhaité conserver à Don Juan sa complexité.

Mais comment comprendre que l'on puisse appréhender si différemment un même personnage ? Comment des lectures opposées sauraient naître d'un même texte sans l'éclater ? Le personnage de Don Juan ne perd-il pas sa vraisemblance et son unité à être ainsi tiraillé par des représentations aussi divergentes ? La citation ne distingue pas seulement un contraste entre le héros et l'antihéros, elle propose que ces deux faces coexistent, en même temps, dans la même créature : « Don Juan est un personnage total ».

On se demandera si les lectures extrêmes du personnage héroïque et antihéroïque sont légitimées par le texte, si les éléments d'une geste héroïque sont présents conjointement avec une anti-épopée et si, symétriquement dans la pièce, l'héroïsme ne subit pas sa déchéance tandis que l'antihéroïsme serait préservé comme nouvelle valeur? On posera ainsi la double question de l'identité du personnage et de sa fonction dans l'éthique moliéresque. Molière se sert-il de son personnage pour égratigner le héros classique et ses valeurs ou regrette-t-il la fin des héros pour nous soumettre un nouveau modèle? Développement semi-rédigé 1.

Les caractéristiques héroïques et le cas Don Juan 1.

L'aventure héroïque Les structures du mythe héroïque 1.

Ascendance noble du héros. 2.

Après sa naissance, le héros est quelquefois abandonné par ses parents (Romulus et Rémus, Œdipe ...) parce qu'il est ressenti comme un danger par le père.

Menacé dès sa naissance par un univers hostile (Hercule), le héros mène une vie bien différente de celle à laquelle sa naissance le destinait. DonJnan 1.

Aristocrate (« grand seigneur ») 2.

Voir IV4 : désirée à toute force par le père, la naissance du fils est un chagrin et un supplice.

Don Louis comprend la méchanceté de son fils comme une punition du Ciel qu'il a trop fatigué de ses vœux.

Don Juan se sitne donc hors des normes et des valeurs paternelles.

Il est même prêt à tner son père (Œdipe) : « Eh ! mourez le plus tôt que vous pourrez c'est le mieux que vous puissiez faire » (IV5). Don Juan se rêve sans origine, sans nostalgie, consacré à l'indépendance de son présent. 3.

Le héros est en lutte perpétuelle : il est soumis à l'initiation d'épreuves contre des ennemis. Vainqueur du défi, le héros montre que son pouvoir triomphe de la mort (le héros n'est toutefois pas invulnérable).

Et si le héros meurt, il résiste sans faillir à toute espèce de compromission. 3.

Les obstacles de Don Juan : Dieu et la morale atteints à travers la conquête sempiternelle des femmes.

La mort est elle-même défiée et, en un sens, Don Juan devient immortel par sa mort même. 2.

L'orgueil du héros solitaire Don Juan est en lutte contre les lois de ses ancêtres et de la société où il vit.

Il est comme tout héros : une force transgressive. Le héros renouvelle le monde, il est considéré comme un danger pour le pouvoir: Prométhée vole aux dieux le feu, le privilège de leur démiurgie (Don Juan est par ses habits un héros solaire); le crime principal de Tantale est de prétendre à l'immortalité comme Icare aspire au détachement absolu de notre condition : voler jusqu'au soleil pour frôler les dieux; Antigone résiste à en mourir aux lois rigides de Créon (cf.

la rivalité entre Don Juan et toutes les expressions de la loi) ; Ulysse est la victime errante de la colère des dieux dans l'Odyssée (cf.

le vagabondage de Don Juan poursuivi, jouet du hasard mais assumant avec opiniâtreté sa condition de révolté en exil).

Don Juan est, comme le héros, asocial et solitaire, en conflit avec les forces divines et créateur avec orgueil de son propre espace de liberté. À aucun moment, Don Juan ne recule.

Il ne peut ignorer, même obscurément, qu'il va mourir.

M�s l'acceptation de la mort recouvre celle de son destin. -, 3.

Le héros ou la singularité inimitable - Le compagnonnage héroïque: le héros, dans ses épreuves n'est pas toujours seul.

Il peut être accompagné d'un double (Achille et Patrocle, Roland et Olivier...).

Cette présence grandit le héros et met en valeur ses capacités merveilleuses. - Dans Dom Juan, Sganarelle fait fonction de double: double caricatural et médiocre, il met en lumière la force du héros et sa singularité.

Il prouve que le héros est inimitable, qu'il existe mais que sa dimension dépasse l'humanité commune (« Quel homme ! »). Il.

Don Juan, antihéros 1.

Un être de hasard Sans mémoire de son passé et de ses fautes, jouisseur amnésique, Don Juan est la créature de la légèreté et du hasard.

Tandis que le héros vise à rassembler son être, Don Juan s'abandonne à la fuite, à l'errance.

Mais aucune de ses actions ne s'effectue avec lenteur.

Don Juan se hâte, pressé par son désir qui accélère aussi�on destin.

Certes il fait front à sa destinée mais il vit dans une hantise: la peur d'être dépossédé de sa vie.

Don Juan s'engage contre Dieu mais le Temps est le véritable enjeu.

Bien qu'il attende avec espoir (?) la réaction punitive de Dieu, le séducteur désire pour lui un temps sans limite, une immortalité sur terre, immergée dans les plaisirs du corps et l'urgence des changements.

Or tout en lui tire mesure de ces limitations et de ces espérances insensées, excessives parce qu'elles outrepassent les ressources de l'humain. Les rencontres de Don Juan ne sont pas calculées, elles dépendent du seul hasard (parlant à Charlotte: « d'où me vient, la belle, une rencontre si agréable ? », Ili).

De fait, alors que pour le héros le temps progresse vers l'achèvement d'une quête et d'une initiation, Don Juan, avant de mourir, lie son existence aux aléas de l'instant.

Si chacun de ses défis semble jalonner des étapes d'un parcours qui peu à peu l'entraînent vers le néant, ils restent plus subis que voulus.

Don Juan aime le mouvement, il se complaît dans l'éphémère qui est sa chance et.... »

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