Expliquer le texte suivant : On charge les hommes, dès l'enfance, du soin de leur honneur, de leur bien, de...
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Expliquer le texte suivant :
On charge les hommes, dès l'enfance, du soin de leur honneur, de leur
bien, de leurs amis, et encore du bien et de l'honneur de leurs amis.
On
les accable d'affaires, de l'apprentissage des langues et d'exercices, et
on leur fait entendre qu'ils ne sauraient être heureux sans que leur santé,
leur honneur, leur fortune et celle de leurs amis soient en bon état, et
qu'une seule chose qui manque les rendrait malheureux.
Ainsi on leur
donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du
jour.
- Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux ! Que
pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux ? - Comment ! ce
qu'on pourrait faire ? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins 1 ; car alors
ils se verraient, ils penseraient à ce qu'ils sont, d'où ils viennent, où ils
vont ; et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner.
Et c'est pour
quoi, après leur avoir tant préparé d'affaires, s'ils ont quelque temps
de relâche, on leur conseille de l'employer à se divertir, à jouer, et à
s'occuper toujours tout entiers.
PASCAL
1.
soins : soucis.
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise.
Il faut
et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension pré
cise du texte, du problème dont il est question.
COUP DE POUCE
■
Analyse du sujet
- Thème : les soucis dont les hommes sont occupés ont la même fonc
tion que leurs divertissements : ils les éloignent du malheur de savoir ce
qu'ils sont.
- Le texte ne définit pas directement le bonheur ou le malheur ; il sous
entend que ce dont s'occupent les hommes ne constitue qu'une absence
de profond malheur, ou si l'on préfère un bonheur très relatif.
- On peut évoquer une aliénation négative de l'être humain, qui lui
permet de fuir sa vérité.
■ Pièges à éviter
- L'allusion finale au divertissement ne doit pas entraîner un long
développement sur ce qu'il signifie pour Pascal (et d'autant moins que
« la connaissance de la doctrine de l'auteur, n'est pas requise»...).
On ne
s'y référera donc qu'au moment voulu dans l'explication.
- Le texte n'est pas très simple: le relire avec soin plusieurs fois, pour
ne pas faire d'erreur (notamment sur les négations).
- Inutile de profiter de la deuxième phrase pour s'égarer vers une cri
tique de l'enseignement ou de l'acquisition du savoir...
CORRIGÉ
[Introduction]
Le bonheur est-il dans l'avoir ou dans l'être? dans la dispersion d'un
sujet à travers des soucis mondains ou sociaux, ou dans la connaissance
de sa vérité? Pascal, en apparence, ne tranche pas ici en faveur de la
seconde version.
Mais ce qu'il décrit comme éventuel malheur des
hommes découvrant ce qu'ils sont pourrait bien constituer pour lui le pré
ambule ou la condition d'un bonheur d'une autre qualité que celui qui ne
s'obtient qu'en se chargeant de soucis multiples.
[I.
La réalité des soucis]
Pascal fait au début de ce texte une description presque caricaturale, en
tout c�s teintée d'ironie, de la vie des hommes.
L'existence y apparaît l'ob
jet d'un premier apprentissage, pendant l'enfance, qui conditionne ensuite
la vie adulte en lui imposant des valeurs pour le moins troublantes.
L'enfant doit en effet se préoccuper, non seulement de son honneur, de
son bien et de ses amis, mais encore du bien et de l'honneur ?e ces der
niers.
Il est notable qu'on l'introduit ainsi dans un réseau qui lui interdit
pratiquement d'être face à lui-même ou seul.
L'honneur et le bien suppo
sent en effet des relations avec les autres, et pas seulement avec des amis.
Mais le choix de ces derniers semble de surcroît dépendre de ce que peu
vent être leur honneur ou leur bien, car il s'agit d'avoir des fréquentations
qui correspondent au rang que l'on prétend avoir dans la famille.
L'éduca
tion (il est clair que Pascal évoque ici celle des classes aisées de son
époque) tendrait ainsi en priorité à rendre l'individu responsable de son
propre statut.
Mais elle ne s'arrête pas en si bon chemin.
Après avoir tenu compte du rang, il s'agit ensuite de s'instruire un peu,
ou de s'entraîner à le tenir.
D'où l'allusion aux «affaires», à«l'appren
tissage des langues» et aux«exercices» - qui n'est guère transparente, à
moins de comprendre que les affaires sont plutôt juridiques, et que les
exercices désignent des e�ercices physiques, ce que suggère la proximité
de la«santé».
Toujours est-il que l'individu se trouve«accablé» par ces
occupations, qui lui sont imposées comme les seuls moyens de garantir
son bonheur.
Ce qui compte en effet dans cette sorte d'endoctrinement, c'est que
chacun se persuade que la santé, l'honneur, la fortune et celle des amis
conditionnent le bonheur.
Cela admis, tout défaut dans ces domaines aurait
évidemment des conséquences graves: l'individu en deviendrait aussitôt
malheureux.
Mais comme le maintien de ces conditions ne se fait pas tout
seul, c'est la vie entière des hommes qui doit leur être consacrée: ainsi
se préoccupe-t-on «dès la pointe du jour» de ce qui est nécessaire au
bon ordre de ces choses, et cela ne peut procurer qu'une multitude de
«charges» et«d'affaires».
Plus l'on se sentira ainsi responsable, et plus
l'on s'éloignera du malheur.
[Il.
la fuite en avant]
La description pascalienne aboutit à concevoir une agitation de tous les
instants, un souci constant chez l'homme, sans cesse occupé par les soins
qu'il se doit et qu'il doit à ses amis.
On devine que la vie devient alors
une sorte de course en avant, puisqu'on ne peut jamais être _sûr d'en avoir
assez fait pour assurer son bonheur.
Il faut inlassablement vérifier que les
choses vont comme il convient, que l'édifice social tient bon, et qu'on y
tient convenablement son rôle: dès que l'on devine une faille possible, il
faut intervenir au plus vite,....
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