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Extrait de l'acte 1, scène "I Un jardin. - Clair de lune; un pavillon dans le fond, un autre sur...

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« Extrait de l'acte 1, scène "I Un jardin.

- Clair de lune; un pavillon dans le fond, un autre sur le devant. Entrent LE DUC et LORENZO, couverts de leurs manteaux; GIOMO, une lanterne à la main. ' 5 10 (15 '20 LE DUC.

- Qu'elle se fasse attendre encore un quart d'heure, et je m'en vais.

Il fait un froid de tous les diables. LORENZO.

- Patience, Altesse, patience. LE DUC.

- Elle devait sortir de chez sa mère à minuit; il est minuit, et elle ne vient pourtant pas. LORENZO.

- Si elle ne vient pas, dites que je suis un sot, et que la vieille mère est une honnête femme. LE DUC.

- Entrailles du pape ! avec tout cela, je suis volé d'un millier de ducats ! LORENZO.

- Nous n'avons avancé que moitié.

Je réponds de la petite.

Deux grands yeux languissants, cela ne trompe pas.

Quoi de plus curieux pour le connaisseur que la débauche à la mamelle ? Voir dans un enfant de quinze ans la rouée à venir; étudier, en­ semencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d'ami, dans une caresse au men­ ton; - tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents; - habituer doucement l'imagination qui se développe à donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l'effraye, à mépriser ce qui la protège ! Cela va plus vite qu'on ne pense; le vrai mérite est de frapper juste.

Et quel trésor que celle-ci ! tout ce qui peut faire passer une nuit délicieuse à Votre Altesse ! Tant de 25 pudeur ! Une jeune chatte qui veut bien des confitures, mais qui ne veut pas se salir la patte.

Proprette comme une Flamande! La médiocrité bourgeoise en personne. D'ailleurs, fille de bonnes gens, à qui leur peu de fortune n'a pas permis une éducation solide; point de fond dans 30 les principes, rien qu'un léger vernis; mais quel flot violent d'un fleuve magnifique sous cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas ! Jamais arbuste en fleur n'a promis de fruits plus rares,jamaisje n'ai humé dans une atmosphère enfantine plus exquise odeur de 35 courtisanerie. DUC.

- Sacrebleu ! je ne vois pas le signal.

Il faut pourtant que j'aille au bal chez Nasi: c'est aujourd'hui qu'il marie sa fille. -Allons au pavillon, Monseigneur.

Puisqu'il ne s'agit que d'emporter une fille qui est à moitié payée, nous pouvons bien taper aux carreaux . GIOMO. 40 .

L·E C TU R E É TH Q D 1 0 M U E INTRODUCTION Au théâtre, la scène initiale, dite d'ouverture, doit à la fois lancer l'action (fonction dramatique 1) et informer le spectateur sur le statut des personnages et sur leurs motivations (fonction d'exposi~ion). 1.

Dramatique: au sens étymologique, qui concerne l'action de la pièce. 4 Nous examinerons d'abord comment Musset, conciliant ces deux impératifs, a réalisé cette exposition dramatique. Trois personnages apparaissent: quels sont les rapports, non seulement sociaux, mais psychologiques, qui les unissent ? Voilà une deuxième perspective.

Il est enfin évident que tout le passage est dominé par la brillante tirade de Lorenzo, où s'exprime, sous une forme poétique, sa philosophie cynique. 1.

UNE EXPOSITION DRAMATIQUE :Une scène d'attente Le rideau s'ouvre sur une action en cours; trois personnages masculins attendent l'apparition d'un quatrième, :désigné ici par « elle ».

« Elle », c'est, semble-t-il, une :toute jeune fille, comme l'indique le discours de Lorenzo (« un enfant de quinze ans »).

On comprend progressive:ment que le duc de Florence est venu pour brusquer ce que j l'habileté de Lorenzo a préparé : la « vieille mère » (1.

8) a •déjà reçu « un millier de ducats » (1.

10) (= mille pièces d'or) ' pour livrer sa fille au duc. Ce n'est d'ailleurs qu'une avance, puisque la fille n'est qu' « à moitié payée» (1.

40), comme l'observe Giorno. : L'enlèvement n'a donc d'autre but que l'économie de mille : autres ducats ! Nous apprenons tout cela de biais, au : hasard des répliques : Musset a voulu éviter la tirade infor.

mative débitée par tel personnage secondaire, comme il peut arriver dans la tragédie classique. ! 1 1 1 ' Un enlèvement anti-romantique Les éléments du décor offrent toutes les apparences, dans un premier temps, de la scène romantique de rendezvous amoureux : « jardin » et « clair de lune », mentionnés , par l'indication scénique, ce pourrait être là le théâtre des , amours de Cosette et de Marius dans Les Misérables. Et minuit sonne, l'heure des retrouvailles pour les amants romantiques, l'heure si chère à une Emma Bovary ! 5 Mais tout cela ne constitue que le décor, dans tous les sens du terme.

La réalité est plus prosaïque : un duc, au langage peu châtié (deux jurons en trois répliques ...), furieux à l'idée de perdre son argent, si la fille ne venait pas(« Je suis volé[ ...] »); son ardeur amoureuse est refroi­ die par la température hivernale (« Il fait un froid [ ...] »). Rien de noble ni de chevaleresque ne vient racheter, comme il arrive dans le roman sentimental de l'époque, la transgression morale que contient l'acte d'enlèvement. Dans Lorenzaccio, Musset montre la dégradation de Flo­ rence en ruinant de l'intérieur les schémas habituels de l'idéalisme romantique (cf.

le dialogue entre Lorenzo et Tebaldeo, ci-dessous, p.

18). 2.

LE SYSTÈME DES PERSONNAGES Le duc, entre Lorenzo et Giomo Lorenzo, le courtisan, et Giorno, le soudard, sont ici les deux auxiliaires de la quête érotique du duc.

Or, tout oppose ces deux personnages : à Giorno,toujours prêt à en découdre pour son maître, l'action; à Lorenzo, la parole et la persuasion.

Lorenzo fait valoir la consommation raffinée et perverse du plaisir (1.

11-35); Giorno ne connaît que la possession physique,presque matérielle,d'un être: il s'ex­ prime comme s'il s'agissait de la livraison d'une marchan­ dise(« emporter une fille à moitié payée», 1.

40). Au contraire, Lorenzo, en vantant à l'avance les charmes de la jeune fille,utilise habilement l'attente même pour atti­ ser le désir du duc.

On voit aussi qu'il flatte Alexandre en le supposant « connaisseur»(1.

14) en libertinage; qu'il s'em­ ploie à souligner tout ce qui, dans la future conquête d'Alexandre, signale la timidité, la fragilité féminine : « tant de pudeur»(1.

24),« une jeune chatte»,« proprette»(1.

2526).

Lorenzo, là encore, s'attache à flatter le goût de la domination sur les femmes propre à Alexandre, en lui pré­ sentant l'image d'une proie naïve et facile. Ainsi, le duc apparaît aidé dans son projet, mais aussi tiraillé en profondeur entre ces deux auxiliaires.

L'un prêche le passage à l'action, l'autre la patience: opposition significative.

Au cours de la pièce, Alexandre de Médicis sera partagé entre ceux qui, comme Giorno, lui conseillent de réagir contre l'emprise de Lorenzo, et Lorenzo lui­ même, qui enjôle et paralyse le duc par le charme de sa parole. Le duc: un don Juan dégradé Avant tout, Alexandre est un être gouverné par.... »

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