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Extrait de l'acte Il, scène 2 LORENZO. ma livrée? 5 10 15 20 25 -Ton pourpoint est usé; en veux-tu...

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« Extrait de l'acte Il, scène 2 LORENZO. ma livrée? 5 10 15 20 25 -Ton pourpoint est usé; en veux-tu un à TEBALDEO.

- Je n'appartiens à personne.

Quand la pensée veut être libre, le corps doit l'être aussi. LORENZO.

- J'ai envie de dire à mon valet de chambre de te donner des coups de bâton. TEBALDEO.

- Pourquoi, Monseigneur? LORENZO.

- Parce que cela me passe par la tête.

Es-tu boiteux de naissance ou par accident? TEBALDEO.

- Je ne suis pas boiteux; que voulez-vous dire par là? LORENZO.

- Tu es boiteux ou tu es fou. TEBALDEO.

- Pourquoi, Monseigneur ? Vous vous riez de moi. LORENZO.

- Si tu n'étais pas boiteux, comment resterais-tu, à moins d'être fou, dans une ville où, en l'hon­ neur de tes idées de liberté, le premier valet d'un MédiT cis peut t'assommer sans qu'on y trouve à redire? TEBALDEO.

- J'aime ma mère Florence; c'est pourquoi je reste chez elle.

Je sais qu'un citoyen peut être assassiné en plein jour et en pleine rue, selon le caprice de ceux qui la gouvernent; c'est pourquoi je porte ce stylet à ma ceinture. LORENZO.

- Frapperais-tu le duc si le duc te frappait, comme il lui est arrivé souvent de commettre, par partie de plaisir, des meurtres facétieux? i TEBALDEO.

-Je le tuerais, s'il m'attaquait. LORENZO.

-Tu me dis cela, à moi? TEBALDEO. -Pourquoi m'en voudrait-on? je ne fais . ;30 de mal à personne.

Je passe les journées à l'atelier.

Le dimanche, je vais à l'Annonciade ou à Sainte-Marie; les moines trouvent que j'ai de la voix; ils me mettent une robe blanche et une calotte rouge, et je fais ma partie dans les chœurs, quelquefois un petit solo : ce .

35 sont les seules occasions où je vais en public.

Le soir, je vais chez ma maîtresse, et quand la nuit est belle, je la passe sur son balcon.

Personne ne me connaît, et je ne connais personne; à qui ma vie ou ma mort peut-elle être utile? ; 40 LORENZO.

- Es-tu républicain? aimes-tu les princes? TEBALDEO.

- Je suis artiste; j'aime ma mère et ma maîtresse. LORENZO.

- Viens demain à mon palais, je veux te faire faire un tableau d'importance pour le jour de mes : 45 noces. i Ils sortent. L ECTCJR E MÉTHODIQUE INTRODUCTION Notre extrait est constitué par la fin d'une longue scène : d'entretien entre Lorenzo et le jeune peintre Tebaldeo; •· Lorenzo n'a cessé d'y railler l'idéalisme du candide jeune · homme, qui voit dans l'art le seul salut au sein d'une Florence corrompue. La maîtrise du dialogue est ici détenue par Lorenzo, qui pose les questions et commente les réponses, comme le lui permet son rang social : dialogue à armes inégales, tel sera le premier axe de notre lecture. Dans cette fin de scène, Tebaldeo, sans se départir de son idéalisme, révèle ici un autre visage de lui-même, comme nous le verrons dans un deuxième temps. Enfin, le commentaire exige que cet épisode soit lu dans la perspective de l'évolution de Lorenzo vers le meurtre, qui gouverne toute la pièce : Musset a disposé ici plusieurs jalons importants. 1.

UN DIALOGUE À ARMES INÉGALES Le prince et le peintre Entre les deux pe(sonnages, le jeu ne saurait être égal, parce qu'un abîme les sépare dans la hiérarchie sociale : d'un côté, un grand seigneur, cousin d'Alexandre de Médicis; de l'autre, un petit peintre débutant qui doit marquer du respect envers son interlocuteur.

Aux impertinences de Lorenzo, il n'oppose deux fois (1.

7 et 13) que l'étonnement poli d'un « Pourquoi Monseigneur ? » La supériorité de Lorenzo se manifeste encore dans la réplique« Tu me dis cela, à moi? » : l'intime d'Alexandre signifie qu'il lui suffirait de rapporter à son cousin le propos hardi de Tebaldeo pour le faire arrêter aussitôt.

Le statut de la parole est donc en tous points inégal entre Lorenzo et Tebaldeo, puisque l'un joue de son irresponsabilité désinvolte (cf.« Parce que cela me passe par la tête», 1.

8), tandis que l'autre pourrait payer de sa vie une parole imprudente. Il est significatif, également, que Tebaldeo accepte, sans autre réplique qu'un silence soumis, l'invitation de Lorenzo à venir peindre pour lui (1.

42-44).

L'artiste de la Renaissance, surtout débutant, est tributaire de la commande et des caprices du mécénat.

Musset a ici ironiquement suggéré la contradiction objective du personnage de Tebaldeo: prétendant ne servir que l'art (1.

30), il doit cependant se mettre à la disposition d'un favori cynique. 20 Un meneur de jeu impertinent : 'Lorenzo Observons maintenant le jeu des questions et des , répliques de Lorenzo (1.

8-18) à propos de la supposée claudication ou de la supposée folie de Tebaldeo.

Lorenzo voit 1 bien et sait bien que son interlocuteur n'est ni boiteux ni i fou.

Ce jeu n'a d'autre but que d'amener la petite tirade cinglante : « Si tu n'étais pas boiteux...

».

L'impertinence ' consiste ici à manœuvrer la crédulité de Tebaldeo, qui · s'étonne naïvement des questions qu'on lui pose.

Cynique aussi est l'enchaînement des remarques de Lorenzo : il souligne le décalage entre la Florence idéalisée par Tebal­ deo et la réalité d'une ville où« le premier valet d'un Médi­ cis peut [!']assommer sans qu'on y trouve à redire» (1.

18). Dans la seconde partie de l'extrait, le ton de Lorenzo n'est plus tout à fait le même.

Les questions« Frapperais­ tu le duc si le duc te frappait ? » (1.

24) et « Es-tu républi­ cain ? » visent réellement à sonder Tebaldeo, avec une curiosité qui n'est pas seulement amusée.

À titre expéri­ mental, il est intéressant pour Lorenzo d'observer qu'un personnage si candide pourrait aller jusqu'au meurtre.

Dans tout notre extrait, Tebaldeo est pour Lorenzo l'interlocuteur qu'il a toute facilité de questionner et de provoquer, en se i réservant les conclusions à tirer de ses réponses. 1 1 2.

LE DOUBLE VISAGE DE TEBALDEO L'amour comme valeur 1 1 Cet amour est d'abord celui de sa patrie, Florence; « J'aime ma mère.... »

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