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Extrait de l'acte Ill, scène 6 LA MARQUISE. -Ah! je m'emporte,je dis ce queje ne veux pas dire. Mon ami,...

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« Extrait de l'acte Ill, scène 6 LA MARQUISE.

-Ah! je m'emporte,je dis ce queje ne veux pas dire.

Mon ami, qui ne sait pas que tu es brave? Tu es brave comme tu es beau.

Ce que tu as fait de mal, c'est tajeunesse, c'est ta tête-que sais-je, moi? c'est le 5 sang qui coule violemment dans ces veines brûlantes, c'est ce soleil étouffant qui nous pèse.

-Je t'en supplie, queje ne sois pas perdue sans ressource; que mon nom, que mon pauvre amour pour toi ne soit pas inscrit sur une liste infâme.

Je suis une femme, c'est vrai, et si la 10 beauté est tout pour les femmes, bien d'autres valent mieux que moi.

Mais n'as-tu rien, dis-moi - dis-moi donc, toi! voyons! n'as-tu donc rien, rien là? Elle lui frappe le cœur. LE DUC.

- Quel démon ! Assieds-toi donc là, ma 15 petite. LA MARQUISE.

-Eh bien! oui, je veux bien l'avouer, oui,j'ai de l'ambition, non pas pour moi-mais toi! toi, et ma chère Florence! -Ô Dieu! tu m'es témoin de ce que je souffre! 20 LE DUC.

-Tu souffres? qu'est-ce que tu as? LA MARQUISE.

- Non, je ne souffre pas.

Écoute! écoute ! Je vois que tu t'ennuies auprès de moi.

Tu comptes les moments, tu détournes la tête -ne t'en va pas encore - c'est peut-être la dernière fois que je te 25 vois.

Écoute ! je te dis que Florence t'appelle sa peste nouvelle, et qu'il n'y a pas une chaumière où ton portrait ne soit collé sur les murailles, avec un coup de couteau dans le cœur.

Que je sois folle, que tu_ me haïsses demain, que m'importe? tu sauras cela. 30 LE DUC.

- Malheur à toi, si tu joues avec ma colère ! LA MARQUISE.

- Oui, malheur à moi ! malheur à moi ! COMMENTAIRE COMPOSÉ INTRODUCTION Notre extrait se situe presqu'à la fin d'une longue entrevue entre Alexandre et la marquise Cibo : le spectateur sait qu'elle a accepté d'être sa maîtresse, parce qu'elle espère infléchir ainsi la politique brutale menée par le duc. Le triple objectif qui est le sien à l'égard d'Alexandre est ici: très net : excuser la brutalité du duc, le convaincre de changer de politique, l'avertir des dangers qui le menacent. Le personnage de la marquise domine cet extrait, et frappe par sa complexité.

Sans s'en apercevoir, elle aspire à jouer simultanément plusieurs rôles, qui ne sont guère compatibles entre eux : la maîtresse au grand cœur, la patriote exaltée, l'épouse infidèle déchirée par le remords. Il faut enfin se demander si le pathétique de la scène est - aqs91!,.!rl1~D.!.

p_~ :_ pJusieurs fois le spectateur a envie de sourire, malgré son émotion.

Ne s'agit-il pas d'un pathétique ambigu ? 1.

LE TRIPLE OBJECTIF DE LA MARQUISE Excuser Alexandre L'amoureuse qu'est la marquise s'obstine à ne pas croire que le duc soit foncièrement mauvais.

Elle pose comme une évidence connue de tous la bravoure de son amant : « Oui ne sait pas que tu es brave ? ».

La bravoure pourrait expliquer une certaine forme de violence.

Or, dans la pièce, le duc apparaît brutal et sans scrupule; mais nulle part ne se manifeste cette grandeur qu'implique la bravoure. 5"1 En fait, tout argument est bon à la marquise, pour alléger la responsabilité de son amant: la jeunesse d'Alexandre (1.

4), sa fougue irrépressible (1.

5) et même l'ardeur du climat (1.

6).

L'argument de la jeunesse n'est pas convaincant : Musset n'a pas indiqué l'âge du duc, mais un côté blasé dO à l'expérience de la vie et du pouvoir montre qu'il n'est plus guère un jeune homme dont on pourrait excuser l'irréflexion. L'argument de la chaleur florentine {« C'est le soleil étouffant qui nous pèse ») prête à sourire, quand on sait lâ modération du climat de la Toscane, et surtout quand on se rappelle que l'action se déroule en hiver1 • La marquise parle comma la Phèdre de Racine, qui accuse le soleil implacable de « peser » sur sa destinée.

Ne rêve-t-elle pas · de faire de son Alexandre un héros de tragédie, jouet de forces qui le dépassent? Le style imagé et noble qu'elle emploie va dans ce sens, quand elle parle du « sang qui coule violemment dans ces veines brûlantes » (1.

5). Convaincre Alexandre La marquise tente un suprême effort pour détourner le duc du despotisme sanglant.

On notera l'apostrophe passi9nnée et exaltée, accompagnée d'un geste {elle lui frappe le cœur, 1.

13).

Les répétitions appuyées{« dis-moi, dis-moi donc, toi! voyons!, n'as-tu donc rien, rien là? ») soulignent la fièvre pathétique de la marquise.

À la scène, l'interprète, par son jeu, peut marquer ce qu'a d'émouvant, mais aussi de grandiloquent, cet appel à la sensibilité du duc.

Cette exaltation de la marquise, ne va pas sans faire sourire le spectateur, comme on le verra en troisème partie. Avertir Alexandre À bout de ressource, la marquise change de ton (1.

21 ), et met en valeur par trois injonctions {« Écoute », trois fois répété) la gravité de ce qu'elle est en train d'apprendre à 1.

La première parole du duc dans la pièce est : « Il fait un froid de tous les diables ».

Allusion est encore faite au carnaval de février, acte 1, scène 2. 52 l i ! l 1 1 1 J 1 ; lj Alexandre.

Elle conclura sur le caractère décisif de son avertissement, en disant: « tu sauras cela ». Le spectateur sent qu'une vérité importante se dit par la voix de la marquise, qu'il y a quelque chose de prémonitoire dans son propos.

En collant sur leurs murs le portrait du duc« avec un coup de couteau dans le cœur », les Florentins opèrent évidemment un meurtre symbolique.

Il s'agit là d'un rituel magique et archaïque.

On peut lire ici une préfiguration du meurtre réel d'Alexandre, frappé en plein cœur par Lorenzo. Notons l'habileté de Musset à faire passer jusque dans le boudoir de la marquise, où se déroule cette entrevue, les échos du sentiment populaire des Florentins.

Faisons certes la part de l'exagération naturelle à la marquise.

Il n'.en demeure pas moins que Musset veut faire connaître la haine qui anime le peuple (cf.

« il n'y a pas une chaumière ») contre Alexandre.

Ceci vise à rendre plus scandaleux le tour de passe-passe politique du cardinal Cibo (acte V, scène finale), qui aura fait en sorte que le meurtre d'Alexandre ne fasse nullement progresser la liberté à Florence. 1 2.

TROIS RÔLES POUR UN PERSONNAGE La maÎtresse au grand CO:!Ur !Nous avons déjà relevé un signe de passion amoureuse chez la marquise : son aveuglement sur la vraie nature du duc, sa propension à tout.... »

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