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Figures royales L'action du Chevalier de la charrette se déroule en partie dans le royaume de Logres, gouverné par l'illustre...

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« Figures royales L'action du Chevalier de la charrette se déroule en partie dans le royaume de Logres, gouverné par l'illustre roi Arthur. Comme dans presque tous les romans de Chrétien de Troyes, Arthur est le modèle du souverain courtois mais il est éga­ lement un personnage passif, dont la grandeur est très sta­ tique.

Il nous semble que, dans Le Chevalier de la charrette, cette passivité se trouve encore accentuée par la présence imposante de deux autres figures royales : Bademagu et Guenièvre. Il existe en effet un autre domaine royal dans le récit : le pays de Gorre.

Ce royaume est gouverné par le roi Bademagu, qui est un reflet troublant du roi Arthur.

De plus, Guenièvre, l'épouse du roi Arthur, est contrainte de quitter dès le début du récit le royaume de Logres pour le royaume de Gorre, où elle va se retrouver aux côtés de Bademagu. Nous tenterons donc de définir la place et le rôle de ces trois figures de la royauté que sont Arthur, Bademagu et Guenièvre, en montrant comment le pouvoir d'Arthur se trouve relayé par celui de Bademagu et celui de Guenièvre. ARTHUR AU ROYAUME DE LOGRES Oui est le roi Arthur? La plupart des romans de Chrétien de Troyes, que l'on qua­ lifie de« romans bretons» ou« romans arthuriens», ont pour cadre la cour du roi Arthur.

Elle constitue un décor privilégié et un vivier de personnages : le roi Arthur, la reine Guenièvre, les chevaliers de la Table ronde...

Mais d'où vient Arthur et que représente-t-il ? On ignore si le roi Arthur a réellement existé.

Dès le ,xe siècle, des textes latins font mention d'un chef militaire breton, nommé Arthur, qui aurait combattu, au v,e siècle, pour défendre la Grande-Bretagne contre les Saxons venus d'Allemagne du Nord.

Le personnage apparaît pour la première fois en littérature au début du x11e siècle, dans une histoire légendaire des rois de Bretagne (Historia regum Britanniae, 1136-1138) rédigée en latin par Geoffroy de Monmouth.

Il réapparaît quelques années plus tard, en 1155, dans le Roman de Brut de Wace, qui est la traduction en ancien français du texte latin de Geoffroy.

Dans ces deux ouvrages fondateurs, Arthur est la figure mythique du héros breton.

A la fois guerrier conquérant et souverain courtois, il est entouré des vaillants chevaliers de la Table ronde 1• Arthur incarne le modèle idéal de la royauté; sa cour et son royaume reflètent l'image d'une harmonie parfaite. Trente ans après Wace, Chrétien de Troyes reprend la figure du roi Arthur dans ses romans, mais il ne retient qu'un aspect du personnage: son caractère courtois.

Souverain d'un royaume situé dans un espace et un temps mythiques immuables, Arthur devient alors une figure statique, aux fonctions bien définies. Arthur et sa cour Trois fonctions semblent caractériser Arthur chez Chrétien de Troyes.

li représente le monarque courtois; il est le centre d'une cour exceptionnelle; il est l'arbitre et le garant des valeurs chevaleresques. Dans Le Chevalier de la charrette, le roi Arthur incarne l'idéal de largesse, qui est la vertu courtoise par excellence. Le monarque doit être généreux.

Au début du roman, Arthur accorde au sénéchal Keu le don qu'il lui a promis (v.

168 et suivants); au moment du tournoi, il accorde aux dames qui l'organisent tout ce qu'elles souhaitent: 1.

La première mention de la Table ronde se trouve dans le Roman de Brut de Wace (1155).

Elle définit un modèle de relation idéale entre les chevaliers du roi, qui sont tous égaux. Et le roi les a assurées, avant de savoir ce qu'elles voulaient, qu'il répondrait à tous leurs souhaits. (v. 5389-5391). Cette fonction courtoise est une donnée fondamentale du personnage, le prestige d'Arthur étant lié à l'épanouissement de la courtoisie. Ainsi, le roi ne peut exister sans sa cour, qui est le centre du raffinement courtois.

Les fêtes, à la cour arthurienne, sont un modèle de richesses et de faste.

Les premiers vers du récit en témoignent : pour la fête de I'Ascension, le roi Arthur tient sa cour « avec tout le lustre et la beauté qu'il y souhaitait» (v.

32).

A cette occasion, le roi est entouré de nombreux chevaliers, les chevaliers de la Table ronde.

Parmi eux, trois vont jouer un rôle dans le roman : Keu, Gauvain et Lancelot.

Keu est le sénéchal du roi: c'est lui qui est chargé du service de la table.

Chevalier orgueilleux et présomptueux, il est un personnage négatif, marqué par la déraison et la démesure.

A l'inverse, Gauvain représente l'idéal du chevalier arthurien.

Modèle de mesure et de courtoisie, il agit toujours avec sagesse.

Enfin, le héros Lancelot se définit lui-même comme un chevalier arthurien.

Au moine du cimetière qui lui demande son nom, il répond: Ne vous ai-je pas dit que je suis du royaume du roi Arthur? (v.

2004-2005). L'appartenance à la cour d'Arthur garantit en quelque sorte l'identité et la valeur du chevalier. Car le roi Arthur est aussi l'arbitre et le garant des valeurs chevaleresques.

Pour être reconnue, la prouesse d'un chevalier doit être cautionnée par Arthur.

C'est ainsi que l'aventure débute et se termine à la cour du roi.

A la fin du roman, après sa victoire contre Méléagant, Lancelot est acclamé par le roi et sa cour: il reçoit ainsi la consécration de ses exploits. Figure phare du monde chevaleresque et courtois, Arthur possède une grandeur exemplaire.

Toutefois, cette grandeur reste statique. Un roi fantôme Dans Le Chevalier de la charrette, le roi Arthur donne l'image d'un souverain faible, qui manque d'énergie et de pouvoir de décision.

A plusieurs reprises, il fait preuve d'impuissance.

Le roi Arthur est en effet incapable de fai~e face aux défis de Méléagant.

C'est ainsi qu'il laisse partir la reine Guenièvre, sans montrer aucune opposition.

Gauvain, du reste, le lui reproche et s'étonne de l'inconscience de son roi (v.

226-227).

De même, à la fin du roman, Arthur reste sans réaction devant Méléagant, qui se présente avec arrogance à sa cour pour exiger des nouvelles de Lancelot. La reine Guenièvre rappelle pourtant avec insistance qu'il s'agit de son ravisseur: Sire, connaissez-vous cet homme? C'est Méléagant qui me captura quand le sénéchal Keu m'avait en garde. (V.

6177-6179). Mais le roi Arthur se contente d'acquiescer et ne réagit pas du tout, ce qui semble surprendre Guenièvre qui« alors n'en parle plus» (v.

6185). La faiblesse du roi est manifeste.

De fait, Arthur est dépossédé du pouvoir de reconquérir sa femme (c'est Lancelot qui part en quête) puis il perd son épouse (Lancelot devient l'amant de Guenièvre).

Tout se passe comme si Arthur, fan- tôme de peu d'autorité, renonçait à l'action.

Et de manière significative, ses pouvoirs sont transférés à d'autres personnages royaux.

Bademagu et Guenièvre semblent en effet détenir les fils du pouvoir et de l'intrigue. BADEMAGU AU ROYAUME DE GORRE Le reflet du roi Arthur Tout comme Arthur, Bademagu incarne, au royaume de Gorre, l'image du souverain courtois idéal.

A plusieurs reprises, le narrateur souligne ses qualités et développe son portrait.

La loyauté, la vertu et le sens de l'honneur caractérisent le personnage : un homme dont l'esprit fin et pénétrant avait pour objet constant l'honneur et la vertu et qui par-dessus tout voulait rester fidèle, en toute occasion, à la loyauté. (v.

3144-3147). Bademagu représente en outre la justice, qui est au Moyen Age l'une des fonctions essentielles du souverain courtois. Méléagant en.... »

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