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France 1981-1982 Grand tournant ou mise à l'heure? Le 10 mai 1981, avec la victoire de François Mitterrand sur Valéry...

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« France 1981-1982 Grand tournant ou mise à l'heure? Le 10 mai 1981, avec la victoire de François Mitterrand sur Valéry Giscard d'Estaing, la gauche qui, depuis 23 ans, perdait régulièrement les élections (à 1% près depuis 10 ans) s'empare de la présidence avec 5 points d'écart.

Quelques semaines après, le Parti socialiste emporte la majorité absolue des sièges au Parlement.

Début 1982, le président Mitterrand est toujours crédité de 60% de satisfaits dans les sondages, tandis que les leaders historiques de la droite sont discrédités.

Par-delà les raisons conjoncturelles (le chômage, l'usure de la droite dont la morgue, l'autoritarisme et quelques scandales avaient indisposé jusqu'aux "couches relais" traditionnelles: médecins, cadres, juges, enseignants), le craquement du 10 mai déclenche une vague qui révèle la profondeur des mutations à l'œuvre. La montée de la "force tranquille" Depuis la reconstruction de l'après-guerre, à travers la quatrième République et les deux présidences gaullistes, l'assise de la droite française est minée par une énorme contradiction.

La politique de modernisation capitaliste ultra-rapide bouleverse la carte sociologique: les agriculteurs chutent de 37% (en 1945) à 9% de la population active, et autour du pivot de la classe ouvrière (numériquement stable mais profondément renouvelée par le déclin des ouvriers professionnels et la féminisation), les "couches moyennes" prennent de plus en plus d'importance avec l'explosion du nombre de "tertiaires", cadres, fonctionnaires et employés. Mais le système dominant, le personnel politique et le discours idéologique de la droite continuent à reposer sur l'image d'une France archaïque et rurale. Le gouvernement Chaban-Delmas en 1969, puis le président Giscard d'Estaing en 1974, tenteront vainement de refonder la domination de la droite sur un idéal de modernisation et de compétitivité.

Avec la crise mondiale, ce projet est abandonné au profit d'une simple manipulation de l'inquiétude, incarnée par la loi "scélérate" Sécurité et Liberté. En mai 68 et dans la première moitié des années soixante-dix, une gauche radicale, ouvrière, paysanne, intellectuelle, secoue vigoureusement le carcan idéologique et les contraintes du développement économique capitaliste (organisation du travail, mode de vie).

Cette contestation s'accompagne de "nouveaux mouvements sociaux" (féminisme, écologisme). Le danger politique que représentaient ces mouvements une fois écarté par une série de lourdes défaites dans la seconde moitié des années soixante-dix, le Parti socialiste et le PCF tentent de s'en réapproprier le contenu culturel.

La compétition ayant tourné à l'avantage du PS, le PCF se replie après 1978 sur la référence au modèle soviétique et sur sa base traditionnelle (ouvriers qualifiés des ceintures rouges), exaltant ses pires traditions chauvines, jusqu'aux débordements racistes d'Ivry et Montigny au début de la campagne électorale de 1981.

Le premier tour de l'élection présidentielle sanctionne lourdement ce choix: le PCF tombe de 21 à 16% des voix.

Il y sera toujours aux élections cantonales de mars 1982. Ainsi, sur la base de l'échec du "gauchisme" et du PCF, le PS apparaît comme le parti modéré, réformateur, moderniste, mais prenant en compte les aspirations à une vie plus équilibrée après trente années de croissance exubérante.

Mitterrand se présente comme la "force tranquille" entourée d'experts - qui sont bien souvent les technocrates modernistes que Mendès France sous la quatrième République et Chaban-Delmas en 1969 avaient cherché à réunir.

En fait, ç'aurait pu être l'équipe idéale des années soixante-dix, n'eût été la crise et le refus populaire croissant du modèle de développement gaulliste. Que sera donc cette présidence? Une "mise à l'heure" sociale-démocrate, un alignement de la France sur les modèles de l'Europe du Nord pour lesquels elle était mûre depuis longtemps, mais que justement la crise rend caducs? Ou bien la défaite de la droite sera-t-elle la brèche vers une remise en cause plus radicale du développement capitaliste? En fait, au printemps 1981, les syndicats et les mouvements sociaux, mis à mal par leurs échecs ou carrément en crise, et le PCF en pleine déconfiture et associé au gouvernement en position de faiblesse, accordent au nouveau pouvoir l'"état de grâce".

Celui-ci proclame sa volonté de "prendre la tangente", c'est-à-dire d'infléchir progressivement, sans rupture, les rapports socio-économiques. Keynésianisme de gauche Un premier train de mesures, démocratiques, humanistes et modernistes, est très vite lancé, accompagné de gestes symboliques et de discours exaltant l'esprit de la Résistance, du socialisme humaniste et du tiers-mondisme.

Abolition de la peine de mort, de la Cour de sûreté de l'État, projet de démantèlement de la loi Sécurité et Liberté, statut autonome de la Corse, décriminalisation de l'homosexualité, débat sur la déprivatisation de l'école et de l'hôpital, autorisation des radios libres, nouveaux espaces de liberté pour les immigrés, le mouvement associatif, etc.

La loi de décentralisation vise à favoriser l'émergence de nouvelles élites à partir des couches moyennes salariées que le PS se croit acquises.

Mais très vite les circulaires d'application démentent les espérances: englué dans une administration immuable, le nouveau pouvoir perd vite sa fraîcheur militante.

Si Mitterrand concède la "paix des braves" aux opposants au camp militaire du Larzac et à la centrale nucléaire de Plogoff, les débats promis sur le nucléaire civil et la défense nationale sont aussitôt escamotés. Mêmes hésitations dans le domaine international: un très beau discours tiers-mondiste à Cancún.

accord de "codéveloppement" sur l'achat de gaz algérien, soutien au Nicaragua et à la résistance salvadorienne, mais recul sur la Palestine, reconduction des pratiques impérialistes en Afrique, hésitations face au coup d'État en Pologne (là, la "base de gauche", CFDT en tête, saura rappeler le.... »

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