France 1988-1989 Immobilismes et renaissances En mai 1988, le socialiste François Mitterrand avait été largement réélu. Dès juin, de nouvelles...
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France 1988-1989
Immobilismes et renaissances
En mai 1988, le socialiste François Mitterrand avait été largement réélu.
Dès
juin, de nouvelles élections législatives donnaient une majorité simple au PS.
Michel Rocard forma un gouvernement composé de socialistes et des quelques
personnalités de centre-droit ralliées à la "majorité présidentielle".
La première année de la législature à majorité relative socialiste fut marquée
par le contraste entre l'immobilisme social du patronat et du gouvernement et la
santé florissante des entreprises.
Il en résulta une renaissance spectaculaire
des mouvements sociaux revendicatifs, que ne surent capitaliser ni la droite, ni
le Parti communiste (PCF), figés dans leurs archaïsmes.
Les élections
municipales de mars 1989 et les européennes, en juin, furent donc un succès
relatif pour le Parti socialiste (PS), avec une consolidation de l'extrême
droite et le retour spectaculaire des écologistes.
Interminable rigueur, ébullition sociale
Avec le vote assez rapide d'un "impôt de solidarité sur la fortune" finançant un
"revenu minimum d'insertion" (RMI) pour les plus pauvres, l'Assemblée épuisa
rapidement son agenda social.
Le 15 novembre, Michel Rocard annonça la poursuite
de "l'effort de rigueur pendant une quinzaine de mois".
Cet effort durait depuis
déjà six ans.
Pourtant, la part du profit dans le produit intérieur brut (31%)
avait retrouvé son niveau d'avant la crise.
La croissance du produit marchand,
tirée par l'investissement (+9%) et l'exportation, a été de 3,7% en 1988.
Seule ombre justifiant la rigueur dans la perspective du Marché unique européen
de 1993: le déficit extérieur s'est creusé (-33 milliards FF) frappant plus
particulièrement l'industrie (-42 milliards FF).
La France a encore perdu un
dixième de point sur le marché mondial.
On pouvait douter cependant que le coût
salarial (qui a continué à baisser par rapport à la RFA) y fût pour grand-chose.
Le franc est resté surévalué, le patronat français persistant dans son
incapacité à se tourner vers des marchés solvables, sur des produits d'avenir.
Pourtant, le gouvernement a poursuivi le libéralisme économique de son
prédécesseur de droite: ni la politique industrielle, ni les grandes agences de
la législature 1981-1986 (économies d'énergie, valorisation de la recherche)
n'ont été relancées.
Pas plus d'ailleurs que le "tiers secteur" et les travaux
d'utilité sociale, malgré un discours tenu sur la "politique de la cage
d'escalier", et le maintien du taux de chômage au-dessus de 10%.
N'osant s'en
prendre à la masse des dépenses militaires, le budget 1989 n'a pu consacrer
qu'une somme très insuffisante à la recherche et à la reconstruction du système
d'enseignement.
Le prestige de la finance a connu pourtant un coup d'arrêt au
début de 1989 avec les scandales Péchiney et Société Générale (il s'agissait de
délits d'initiés).
Dans cette ambiance restée libérale, le contraste entre la rigueur frappant les
salariés, en particulier les fonctionnaires, et la prospérité des firmes et des
professions indépendantes déboucha dès l'automne 1988 sur une longue série de
grèves dures, gérées par assemblées générales et coordinations, où
s'articulaient difficilement les revendications salariales et la contestation
des conditions de travail: grèves des infirmières et des aides-soignantes, du
métro, des postes...
Dans la fonction publique (et en particulier dans
l'enseignement), la maladresse du gouvernement, qui prétendait échanger la très
nécessaire réforme du métier contre la non moins légitime revalorisation des
salaires, provoqua des blocages inutilement longs, sans faire avancer
significativement les réformes.
Les questions coloniales
Ce mélange d'immobilisme, de maladresses, et de velléités réformistes suscita un
certain scepticisme sur la méthode gouvernementale.
Elle ne manquait pourtant
pas de justifications.
L'idée proclamée était de traiter à fond les dossiers
l'un après l'autre, en jouant sur la durée.
Le mauvais état de la droite et du
Parti communiste permettrait un travail législatif visant au consensus, ou du
moins à des majorités variables (avec les communistes ou les centristes) autour
du groupe socialiste.
Malheureusement, la société était lourde d'attentes, et le gouvernement sembla
trop souvent s'en tenir à l'héritage du gouvernement autoritaire-libéral des
années 1986-1988 (Jacques Chirac, Premier ministre).
Ainsi, il fallut un appel
solennel du président Mitterrand et l'indignation croissante des organisations
antiracistes pour que fût envisagé le démantèlement de la loi Pasqua sur les
conditions de séjour des étrangers.
De même, la loi Méhaignerie libérant les
loyers resta intouchée assez longtemps pour chasser de Paris nombre de ménages à
revenus même moyens.
Les questions coloniales révélèrent particulièrement les
limites de la méthode: manque d'articulation avec les mouvements sociaux,
pesanteurs administratives.
Opérant à chaud après le massacre d'Ouvéa en mai 1988, par lequel le
gouvernement Chirac avait quasiment relancé une guerre coloniale en
Nouvelle-Calédonie, le nouveau gouvernement ne ménagea pas ses efforts pour
rapprocher les deux communautés principales du territoire.
L'accord de Matignon
(22 septembre 1988) y redistribuait le pouvoir régional entre Kanaks et colons
caldoches, et annonçait un plan de développement économique et culturel de la
communauté canaque, le référendum d'autodétermination étant renvoyé à dix ans.
Malheureusement, le référendum ratifiant l'accord ne mobilisa guère l'opinion
métropolitaine et....
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