France 1989-1990 Un pays sans boussole S'il fallait ne se fier qu'aux taux de croissance économique, la France s'est "bien...
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France 1989-1990
Un pays sans boussole
S'il fallait ne se fier qu'aux taux de croissance économique, la France s'est
"bien portée" en 1989 et 1990.
La reprise de l'activité, très soutenue depuis 1987, s'est confirmée, la
croissance est restée forte (3,4% en 1989).
Dans une conjoncture occidentale
favorable, la stabilité du franc s'est confirmée, répondant en cela à un
objectif majeur des politiques menées depuis plusieurs années: maintenir la
parité avec le mark allemand et maîtriser l'inflation.
L'emploi a lui aussi
poursuivi sa reprise, la demande dans certaines catégories techniciennes étant
même difficilement satisfaite.
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur
des mondes? Pas véritablement.
Outre la persistance d'un déficit commercial
conséquent (successivement 31,6, 32,8 et 45,7 milliards FF en 1987, 1988,
1989...), on ne saurait en effet sous-estimer les revers sociaux de cette
évolution économique.
Chômage persistant, inégalités aggravées
Si l'emploi a repris, le chômage, bien qu'en légère diminution, est demeuré à un
niveau très élevé.
En fin d'année 1989, il représentait encore 9,4% de la
population active (10,2% en 1988).
La situation des moins de vingt-cinq ans
s'est en moyenne améliorée mais on a constaté pour les autres catégories d'âge
que les emplois créés ne bénéficiaient que très marginalement aux chômeurs
inscrits depuis déjà longtemps: le ralentissement des licenciements ne suffit
pas à résorber le chômage structurel.
Autre revers: les inégalités se sont sensiblement creusées, comme diverses
études l'ont démontré, notamment le rapport du Centre d'études des revenus et
des coûts (CERC) portant sur les années quatre-vingt.
Il y apparaît que la
reprise n'a pas eu de fortes répercussions sur les évolutions salariales.
Le
pouvoir d'achat des salariés a diminué de 0,2% de 1982 à 1988, effet de la
politique d'austérité appliquée depuis 1982, laquelle s'est efforcée de casser
la spirale prix-salaire considérée comme cause principale de l'inflation.
L'éventail des salaires s'est réouvert "par le haut".
Aux inégalités dans
l'entreprise se sont ajoutées les inégalités entre régions et entre générations
(au détriment des jeunes).
Par ailleurs, contrastant avec ceux du travail, les
revenus du patrimoine ont connu une évolution "très dynamique" et la pauvreté et
l'exclusion sociale se sont étendues et aggravées.
Le débat sur l'aggravation des inégalités - résultat d'une politique économique
d'essence libérale - a rendu le gouvernement socialiste nerveux.
Pourtant,
hormis la longue grève des ouvriers des usines automobiles Peugeot commencée en
septembre 1989 et celle des employés des impôts (d'une durée de cinq mois), les
mouvements sociaux sont demeurés limités et catégoriels, malgré la montée des
revendications.
Il est vrai que les organisations syndicales ont beaucoup perdu
de leurs forces et capacités depuis la fin des années soixante-dix.
La question sociale a pris d'autant plus de relief qu'ont éclaté diverses
affaires: inculpation pour délit d'initié dans des opérations boursières de
plusieurs hiérarques ou proches du pouvoir (affaires Pechiney et Société
générale), amendement parlementaire amnistiant les délits politico-financiers
commis avant l'adoption de deux lois sur le financement des partis et des
campagnes électorales (22 décembre 1989).
Ces affaires ont accrédité l'idée de
deux France: celle qui doit subir la "rigueur" (l'austérité) et celle qui peut
spéculer en toute impunité.
Cette conviction a pu d'ailleurs se nourrir d'autres
constats, notamment en matière immobilière: en région parisienne, pour la
seconde année consécutive, les loyers ont augmenté de plus de 7% en 1989 et la
spéculation foncière n'a fait que s'aggraver.
Crise de la société politique
Dans ce contexte général, les choix du gouvernement Rocard - qui, en règle
générale, n'ont pas cédé aux facilités des effets d'annonce et ont plutôt été
présentés sur un mode gestionnaire - ont souvent été perçus comme prudents,
mesurés, adaptés au long terme plutôt qu'aux situations d'urgence.
Mais
l'atmosphère politique n'a fait que se dégrader, rendant la relation
gouvernants/gouvernés de plus en plus difficile.
Cette crise, outre le désintérêt de plus en plus manifeste des citoyens pour les
élections (52% d'abstentions et de suffrages non exprimés aux "européennes" de
juin 1989...), a été illustrée par la poursuite du "mouvement brownien" de la
droite, plus que jamais divisée malgré la décision prise le 26 juin 1990 de
réunir le Rassemblement pour la République (RPR) et l'Union pour la démocratie
française (UDF) dans une confédération.
Le Parti socialiste a pour sa part donné
le spectacle insolite d'un congrès (Rennes, 15-18 mars) d'où le débat
d'orientation a été totalement absent, remplacé par les luttes de pouvoir
ouvertes des courants et prétendants.
Quant au Parti communiste, en déclin et
incapable de prendre la mesure des changements opérés à l'Est, il a vu se
développer en son sein une....
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