France 1993-1994 Un pays en panne Les élections présidentielles fixées à 1995 seront à n'en pas douter l'occasion de dresser...
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France 1993-1994
Un pays en panne
Les élections présidentielles fixées à 1995 seront à n'en pas douter l'occasion
de dresser un bilan des mutations du pays au terme de deux septennats
consécutifs du président François Mitterrand.
Lorsqu'il accéda au pouvoir en 1981, en alliance avec le Parti communiste, alors
encore très puissant dans le pays, et après vingt-trois ans de règne
ininterrompu de la droite, la curiosité était grande.
Qu'allait donc être ce
socialisme à la française qu'il promettait? Dans un premier temps furent mises
en oeuvre des réformes concernant l'éthique, les libertés et certains droits
sociaux.
Très vite cependant, les années Mitterrand empruntèrent moins à la
social-démocratie qu'à une tradition politique très influente avant-guerre, le
radicalisme: une défense des valeurs de la République en guise de projet social.
Cela permit certes une rapide conversion des socialistes à la culture de
gouvernement; mais, chemin faisant, ils adoptèrent peu à peu, par "réalisme"
gestionnaire, bien des principes autrefois dénoncés, que ce soit en matière
d'institutions ou de politique économique et financière.
Il est peu étonnant dans ces conditions que le Parti socialiste, en proie aux
rivalités de ses leaders, en perte d'identité, abandonné par nombre de ses
adhérents et militants soit entré dans une crise profonde à partir de la fin des
années quatre-vingt.
Le fait, pour le chef de l'État de s'être porté candidat à
un nouveau mandat en 1988 n'a pu qu'aggraver cette situation en différant
d'autant tout aggiornamento et l'inévitable crise de succession.
Le bilan de ce
second septennat apparaît au demeurant bien maigre, si ce n'est en matière de
politique européenne - un domaine où précisément d'autres courants comme les
démocrates-chrétiens défendent des positions très proches de celles des
socialistes.
Du fait de la récession (-0,9% de croissance en 1993), le taux de chômage s'est
fortement élevé en 1993, atteignant 12,2% en décembre et touchant un quart des
moins de vingt-cinq ans.
Les inégalités qui, depuis les années soixante, avaient
eu tendance à se réduire, se sont accrues à partir de 1983, date à laquelle fut
adoptée une politique d'orthodoxie financière faisant du maintien d'un "franc
fort" l'alpha et l'omega des choix économiques.
Toutes les études sociologiques
et économiques attestent que la pauvreté, la précarité et l'exclusion ont gagné
du terrain.
Signe des temps, des termes autrefois en usage dans les seules
administrations sont venus "enrichir" le vocabulaire courant.
Ainsi le terme
"SDF" (sans domicile fixe) s'est-il généralisé pour désigner les sans logis.
Fractures sociales
Face à ces fractures sociales, le "modèle républicain d'intégration" qui avait
permis pendant des décennies de progresser vers une société plus solidaire
n'apparaît plus capable d'apporter des réponses suffisamment collectives et
adaptées, ce qui rend notamment nécessaire une réforme de la protection sociale.
Les lieux traditionnels de l'intégration (entreprise, école, quartiers)
reflètent désormais l'état de la crise de la société.
Ces années plus difficiles pour la majorité de la population auront été
paradoxalement aussi celles de l'argent plus facile pour une minorité.
Ainsi
a-t-on vu se multiplier les "affaires" mêlant politique et finances, et
s'étendre les confusions entre intérêts public et privés.
Il faut y voir à la
fois les effets idéologiques de la vague néo-libérale qui a sévi dans le monde
dans les années quatre-vingt et ceux des déréglementations et de la dérégulation
financière.
Enfin, la scène politique a profondément changé.
Certes, les élections
législatives de mars 1993 ont donné à la droite une majorité massive et
fortement sanctionné les socialistes: 455 sièges sur 577 pour l'alliance du RPR
(Rassemblement pour la République) et de l'UDF (Union pour la démocratie
française), contre seulement 70 au Parti socialiste et 23 au Parti communiste.
En réalité le paysage est devenu très contrasté, traduisant une perte de repères
sociaux et l'aspiration à une recomposition du politique.
Quelle recomposition du politique?
Les élections au Parlement européen, le 12 juin 1994, ont d'ailleurs souligné
l'extraordinaire diversification du vote.
Le Parti socialiste a confirmé son
effondrement, avec seulement 14,49% des voix.
Son leader, l'ancien Premier
ministre Michel Rocard, qui en avait pris la direction un an plus tôt, a été mis
en minorité et remplacé par Henri Emmanuelli.
La droite classique, conduite par
le pâle Dominique Baudis (UDF), n'a obtenu, quant à elle, que 25,58%.
Deux listes ont effectué une percée remarquée, celle de Philippe de Villiers
(ultra-droite), anti-européen défenseur des valeurs traditionnelles et de
l'ordre moral (12,33%), et celle de l'affairiste pro-européen Bernard Tapie
(centre gauche), aux talents de bateleur médiatique éprouvé (12,03%).
Ce
dernier, spécialiste de la reprise d'entreprises en difficultés avait quelques
mois plus tôt adhéré au Mouvement des radicaux de gauche (MRG), modeste
survivance du puissant Parti radical d'avant-guerre.
La liste d'extrême droite
de Jean-Marie Le Pen (FN), désormais concurrencé par Philippe de Villiers, a
obtenu 10,57% des voix, tandis que les écologistes, en proie à la division et
aux conflits de tendances ont véritablement implosé (4,95% pour le total de
leurs deux listes).
Le Parti communiste, avec 6,88% des suffrages, n'a pas
infléchi sa tendance au déclin.....
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