France 1998-1999 La grande mue du capitalisme national Héritier d'une longue tradition d'interventionnisme et de protectionnisme, le capitalisme français aura...
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France 1998-1999
La grande mue du capitalisme national
Héritier d'une longue tradition d'interventionnisme et de protectionnisme, le
capitalisme français aura vécu cette fin de décennie au rythme des mégafusions,
des filialisations et des prises de contrôle.
En quinze ans, le nombre
d'entreprises appartenant à un groupe a été multiplié par cinq.
Les
restructurations ont atteint un niveau record en 1998-1999.
Qu'on en juge:
fusion-absorption de la Compagnie de Suez par la Lyonnaise des Eaux;
fusion-absorption de l'UAP par AXA; absorption de Havas par la Générale des Eaux
bientôt rebaptisée Vivendi; rachat du Gan par Groupama; rachat du belge
Pétrofina par le groupe Total; création par Rhône-Poulenc et l'allemand Hoechst
d'une filiale commune (Aventis) pour les sciences de la vie; fusion des
laboratoires Sanofi et Synthélabo; offre publique d'échange (OPE) de la BNP sur
la Société générale et Paribas visant une fusion des trois banques; rachat par
Vivendi du "numéro un" américain du traitement de l'eau, US Filters; prise de
participation de Renault dans le japonais Nissan...
La fin du système des "participations croisées"
Concentration, internationalisation, financiarisation touchent de nombreux
secteurs et particulièrement les services (industries de réseau, banque,
assurance, distribution), la pharmacie-chimie, les hydrocarbures, l'aérospatial,
les industries d'armement...
Ce mouvement n'est pas propre à la France, mais il
la marque plus fortement qu'aucun autre pays européen.
Depuis les années soixante, le capitalisme à la française était caractérisé par
ses fameuses "participations croisées" qui structuraient des protections
mutuelles.
Longtemps, les compagnies financières Suez et Paribas, avec leurs
systèmes d'alliances respectifs, ont été au cœur du capitalisme français.
Ce
système s'est vu bouleversé certes par l'internationalisation de l'économie (la
mondialisation), mais tout autant par un certain nombre d'actes politiques qui,
en quinze ans, ont contribué à transformer le paysage de l'économie française.
Les privatisations d'entreprises publiques tout d'abord, notamment dans la
banque et l'assurance, ont bouleversé la structure du cœur financier français,
dans un contexte de globalisation des marchés de capitaux.
La relance du
processus européen, intervenue à la fin des années quatre-vingt, a été un autre
facteur d'activation, avec la mise en place du Marché unique (1er janvier 1993)
et plus encore celle de l'euro (1er janvier 1999) qui unifie le marché des
services financiers.
A cela s'est ajoutée la déréglementation engagée dans les
services de réseau européens (transport aérien, télécommunications, bientôt
énergie...).
Enfin, de nouveaux acteurs financiers jouent un rôle d'importance: les
investisseurs institutionnels anglo-saxons, dont les fameux fonds de pension qui
gèrent l'épargne des salariés américains en vue de leur retraite.
Les
investisseurs institutionnels étrangers contrôlent ainsi environ 40 % de la
capitalisation des grandes entreprises françaises cotées en Bourse, un niveau
inégalé en Europe.
La place prise par les investisseurs institutionnels (les
"zinzins") dans le capital des entreprises accentue la logique financière de la
gestion des groupes en exigeant une plus grande transparence des résultats,
laquelle contribue en retour à accélérer les restructurations.
Cette grande mue du capitalisme français n'est cependant pas en rupture complète
avec le passé.
L'État a joué un rôle de tuteur dans certaines opérations et
nombre de fusions ont concerné des entreprises nationales, beaucoup de
dirigeants hésitant à se lancer dans des opérations internationales.
En de
nombreux cas, la recherche d'une solution "française" a primé sur le choix de
l'"étranger", comme l'a montré le long feuilleton de l'OPE de la BNP sur Paribas
et la Société générale.
Il n'en demeure pas moins que ces transformations
marquent une tendance lourde de ce tournant de siècle et sont susceptibles
d'avoir des conséquences profondes sur l'économie comme sur la société
françaises.
Décompositions et recompositions politiques
Une autre tendance lourde est la recomposition du champ politique et du système
des partis.
Élu en 1995 président de la République, Jacques Chirac
(Rassemblement pour la République - RPR, néogaulliste) avait cru bon, en avril
1997, de dissoudre l'Assemblée nationale (où la droite disposait pourtant d'une
majorité écrasante) pour tenter de retrouver une nouvelle légitimité, le
gouvernement dirigé par Alain Juppé (RPR) étant fort impopulaire.
L'échec fut
magistral: l'opposition gagna les législatives anticipées et le socialiste
Lionel Jospin forma un gouvernement de "gauche plurielle" comprenant des
écologistes et des communistes.
Débutait ainsi la troisième "cohabitation politique" de la Ve République après
celles de 1986-1988 et de 1993-1995, Présidence et gouvernement reposant sur des
assises électorales opposées.
Pour la droite, qui s'était en quelque sorte
"autodissoute", s'ouvrait une période de crise traumatique, comparable à celle
qu'avait connue le Parti socialiste (PS) après sa défaite historique aux
législatives de 1993.
Les élections régionales de mars 1998 furent vécues à
droite comme un nouvel échec: la gauche, qui ne présidait auparavant qu'une
région sur vingt-deux, en obtint sept tandis que quatre présidents de droite
étaient élus avec l'appui du Front national de Jean-Marie Le Pen (extrême
droite).
Dans l'année qui a suivi, diverses initiatives ont abouti à balkaniser la droite
républicaine.
L'Union pour la démocratie française (UDF) a éclaté, son courant
le plus libéral, dirigé par Alain Madelin, l'ayant quittée pour fonder
Démocratie libérale (DL) en mai 1998 et se rapprocher du RPR.
Le RPR, dont
Philippe Séguin (l'un des animateurs de la campagne en faveur du "non" lors du
référendum de ratification du traité de Maastricht en 1992) avait pris la
présidence, a vu quant à lui s'exacerber les oppositions et les ambitions.
P.
Séguin a démissionné avant que ne commence la campagne pour les élections au
Parlement européen du 13 juin 1999.
Il a été remplacé par le très libéral
Nicolas Sarkozy, tandis que Charles Pasqua, "gaulliste historique", faisait
sécession sur une ligne "souverainiste" et s'alliait avec Philippe de Villiers
(ultra droite).
La droite fut ainsi représentée par trois....
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