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GENETIQUE ET EVOLUTION

Publié le 01/11/2016

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GÉNÉTIQUE ET ÉVOLUTION

 

En septembre 2002, un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé, amplifié par des médias américains, annonce que les blondes naturelles pourraient bien disparaître dans le grand brassage du métissage d’ici quelque deux cents ans. Cette bouleversante prédiction sera démentie quelques jours plus tard par l’OMS. Mais le mal était fait ! Parmi les trois millions environ de blondes de la population féminine mondiale (puisqu’on estime qu’il y a statistiquement une blonde pour mille brunes ou châtain) et autant de blonds isolés au milieu de 6,2 milliards d’êtres humains, l’inquiétude de voir disparaître le gène récessif de la blondeur était trop forte : des blondes et des blonds se sont précipités pour proposer de faire don de leurs cheveux à la science dans l’espoir d’un clonage quelconque qui sauverait la biodiversité humaine.

 

Cet épisode rapporté par les magazines peut faire sourire. On imagine cependant les implications éthiques et politiques moins saugrenues qu’inquiétantes qu’il faudrait examiner si la blondeur était réellement en danger. Faudrait-il ajouter une ligne à la convention de Rio pour inclure la blondeur humaine dans la biodiversité à défendre ? Auquel cas, dans une hantise du métissage dont les conséquences politiques sont bien connues depuis le nazisme, faudrait-il recourir massivement à l’ingénierie génétique pour sauver un caractère naturel d’une partie de l’humanité ? Qui déciderait d’un tel acte ? L’hypothétique disparition du gène de la blondeur n’est pas une maladie pour laquelle on accepte l’intervention génétique si celle-ci s’avère efficace pour la faire disparaître. Mais une fois ouverte la boîte de Pandore des « manipulations » génétiques, au nom de quoi permettre ou interdire telle ou telle pratique ? Et qui aura la légitimité et le pouvoir d’interdire ? Ces questions qui relèvent de la bioéthique renvoient en amont à une sorte d’obscure fascination du grand public à l’égard de l’évolution des espèces, notamment de la nôtre, et de la génétique.

 

De l’évolution, si on accepte ici de considérer que les transformations éventuelles de la couleur des cheveux de l’espèce humaine pourraient relever d’un mécanisme d’évolution au sens large, on semble tout craindre, alors même que nous sommes un produit de l’évolution du vivant. De la génétique, on semble tout attendre : qu’elle nous sauve des maladies actuellement inguérissables, voire qu’elle sauve autant l’« espèce » que les individus. Bien sûr, dans l’ambivalence des sentiments, rien n’est simple : la génétique introduit aussi de nouvelles craintes, comme en témoigne l’expression inquiète de « manipulations génétiques », et quelques philosophes comme Daniel Dennett se font les champions de l’évolution comme principe explicatif ultime. Une distinction apparaît peut-être dans l’usage des mots : nous parlons le plus souvent de « théorie de l’évolution », comme si celle-ci n’était qu’une théorie au sens presque péjoratif d’une construction intellectuelle dont on pourrait sérieusement douter, alors que nous parlons de génétique tout court, comme si cette dernière était décidément l’expression d’une vérité scientifique définitive cristallisant toutes les craintes, mais surtout tous les espoirs.

« 000200000D6F00000CAE : la théorie de l'évolution semble devoir être prolongée et complétée par la génétique, non que cette dernière apporte à la première une scientificité qui lui ferait défaut, mais en raison d'une complémentarité essentielle.

La théorie de l'évolution considère, comme son nom l'indique, les transformations des espèces à l'échelle d'un temps géologique ; mais elle semble incapable par elle- même de rendre compte de la stabilité du type qui perdure d'une génération à une autre à l'échelle du temps historique.

Pour reprendre l'image que nous avons introduite, s'il advenait qu'au fil de quelques dizaines, voire centaines de siècles la blondeur disparaisse de l'humanité, ce serait une « évolution » de l'espèce ; mais elle n'expliquerait en rien comment la blondeur peut demeurer ou non un caractère stable dans une même famille d'une génération à une autre. Tout le problème reste de savoir comment on peut établir un lien net entre les transformations modélisées par la théorie de l'évolution et les stabilités que nous explique la génétique.

Nombre de biologistes et de théoriciens de l'évolution ont tenté au sein d'une « théorie synthétique » d'établir un lien net et indubitable entre évolution et génétique : la recherche d'une théorie englobante est toujours attractive en sciences.

Mais en dépit de multiples hypothèses et scénarios, la mise en relation précise entre le gène et l'évolution semble encore matière à discussion. I.

La théorie de l'évolution Le livre de la Genèse, dans l'Ancien Testament, raconte que Dieu a créé le monde, et qu'au cours de cette création les espèces ont été fixées par genre.

Cette « thèse » est créationniste (le monde a un Créateur), fixiste (les espèces sont définies dès l'origine) et finaliste (Dieu n'a pas créé le monde au hasard, mais bien selon un « plan » divin visant une destination finale).

Faut-il cependant être aussi strict ? La Genèse est un récit, susceptible d'être interprété, et non stricto sensu l'énoncé d'une thèse.

Certes, il ne fait aucun doute que ce récit affirme un créationnisme et un finalisme.

Mais qu'en est-il exactement du fixisme ou de l'évolutionnisme ? Après tout, comme le remarque Ernst Mayr dans son Histoire de la biologie (1982), l'Ancien Testament comporte de nombreuses allusions à des séquences linéaires, comme précisément celle des six jours de la Création, qui conviennent parfaitement à un cadre de pensée évolutionniste, bien plus en tout cas que les images d'un monde constant ou cyclique que l'on a pu connaître dans des systèmes philosophiques grecs.

Et les grandes interprétations des Pères de l'Église ne furent pas toujours foncièrement antiévolutionnistes avant la lettre : saint Augustin, que l'on peut difficilement accuser d'hérésie, faisait une lecture plutôt allégorique de la Création, qui, selon lui, n'avait pas offert à la nature seulement des produits achevés, mais aussi le pouvoir de produire des organismes.

En revanche, on trouve de plus franches conceptions évolutionnistes dans l'Antiquité grecque avec Démocrite et Épicure, puis chez le disciple latin de ce dernier, Lucrèce. 000200000C5000001A17 évolution » au sens qu'il a pris dans l'expression « théorie de l'évolution » apparaît tardivement : 2. »

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