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HAN FEIZI ( ?-233 av. J.-C.) OU LE « FASHISHU » Originaire de l'Etat de Han (province actuelle de Henan),...

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« HAN FEIZI ( ?-233 av.

J.-C.) OU LE « FASHISHU » Originaire de l'Etat de Han (province actuelle de Henan), descendant de la famille royale de cet Etat, Han Feizi étudia et vécut dans l'Etat de Qin où il eut comme maître Xunzi et comme condisciple Li Si.

Son livre le Hanfeizi, long ouvrage de 55 chapitres, est le livre du légisme.

Victime, sans doute, de la jalousie que lui portait son ex-camarade d'études Li Si, devenu entre-temps premier ministre de l'Etat de Qin, Han Feizi mourut en prison, en - 233, dans cet Etat de Qin qu'il avait tant encensé. Trois mots-clés peuvent résumer sa doctrine et l'ar­ ticuler : fa, la loi ; shi, la position-puissance; shu, la méthode-recette. Le souverain, de par sa position (shi), et grâce à son art de gouverner (shu), est garant d'une loi (fa) qui réglemente, à la façon du Ciel - impersonnel, imma­ nent, impartial -, êtres et choses correctement nom­ mées. La loi (fa) Il convient encore une fois de se méfier des mots. Le mot «loi» dont nous nous servons pour traduire le terme chinois fa ne signifie pas ipso facto que loi doive s'entendre au sens que nous donnons actuelle- ment à ce mot, par exemple et au plus court, l'en­ semble des droits et devoirs établis. La loi au sens du légisrne signifie très précisément et uniquement les devoirs auxquels sont soumis tous les sujets. « Une loi est ce qui est inscrit dans les registres, éta­ bli dans les départements, et promulgué au peuple.

» Devoirs objectifs, clairement définis, selon un barème rigoureux de récompenses et de châtiments, de titres et de mérites, comme de dégradations et démérites, et dont le but immédiatement connu est de concourir à la puissance conquérante de l'Etat et à la paix publique. La nature de ce droit est de qualifier le délit- et d' ap­ pliquer la peine qui y correspond non de permettre au juge d'apprécier la responsabilité du coupable et, partant, la gravhé de son acte. Un tel droit est par essence pénal, ce que restera continûment le droit chinois, même «tempéré» par la suite de circonstances atténuantes 1• Quoi qu'il en soit, la loi a comme caractéristique essentielle d'exiger la même obéissance de tous et s'oppose de ce fait aux discriminations anciennes, liées à la nature féodalo-familiale des anciennes principau­ tés où non seulement il y avait séparation entre «gens de condition» et «gens de commun», mais encore gentleman agreement entre gens de qualité, apparentés d'ailleurs si ce n'est par le sang au moins par la condi­ tion, et non une quelconque application de la loi.

En effet, comme l'exprimait un adage confucéen 1.

De ces atténuations ultérieures un bon exemple est le privi­ lège accordé aux nobles ou aux hauts fonctionnaires, passibles de mort à la suite d'un délit, de pouvoir se suicider au lieu de subir une mise à mort infamante.

Rappelons que par droit pénal on entend habituellement l'ensemble des règles de conduite imposées aux « sujets» sous menace de peine. « les rites (c.à.d.

le savoir-vivre, les convenances, le gentleman agreement...) ne descendent pasjusqu'aux gens du commun, la loi pénale (à laquelle était sou­ mis seulement le peuple) ne monte pas jusqu'aux nobles 1• » La loi, du point de vue confucéen, ne s'adressait qu'au peuple.

Elle avait quelque chose de vulgaire, de brutal et de quasi infamant en soi.

Qu'ont-ils besoin de lois ceux qui, tenus à coexister dans leur milieu, n'ont d'autre issue, en cas de conflit, que de s'arranger «noblement» sans perdre la face.

Qu'ont-ils besoin de lois ceux que rites et vertus façonnent selon cette piété filiale qui est l'alpha et l'oméga de leur discipline même de vie? C'est à ces rapports hiérarchiquement personnali­ sés et moralisés que la loi légiste met «vulgairement» fin. Cette loi, par ailleurs, ne faisait que traduire dans ses règlements l'ordre et l'ordonnancement des «dix mille êtres» (tout le réel) auquel préside le Dao. Car il y a dans le légisme aussi comme un aména­ gement de conceptions diverses : taoïstes, moïstes, «nominalistes» et même confucéennes. En effet, le légisme emprunte au taoïsme son onto­ logie immanentiste.

Les êtres et les choses suivent le 1.

Le seul moment réellement révolutionnaire de la pensée confucianiste, de Confucius à Mengzi; a été de tenter faire admettre et percevoir que les rites ne sont pas liés à une classe de prétendus nobles, mais que n'importe ·qui s'anoblit à les respecter, fût-il de basse extraction.

N'oublions pas non plus que dans la Chine en crise des «Printemps et Automnes» et des « Royaumes combat­ tants» certains nobles ayant perdu fonction, titre et statut social étaient en quelque sorte reconduits à un état «peuple», dont leur éducation même les différenciait.

Guère nobles selon le rang, ils l'étaient toujours selon le cœur et le maintien. 336 / La philosophie chinoise cours même du Dao, dans son flux productif et changeant.

La loi ne fait en somme que s'adosser au Dao qui la pousse dans le sens du courant qu'il manifeste. La société humaine par l'intermédiaire de la loi efficace ordonne l'univers comme si tel était le «désir» immanent du Dao, de la Voie.

L'homme par sa parole, par le dit de la loi-devoir ne fait que connaître et prendre petitement conscience de ce que le Dao fait sans parole et sans intervention.

Mais contrairement aux taoïstes qui, à l'imitation du Dao non parlant et non intervenant - car son silence est plus parlant que toute parole, comme son activité plus agissante que toute intervention - se méfiaient de toute parole et de tout règlement comme de toute intervention, les légistes, eux, estimaient, par la loi et les devoirs prescrits, expliciter le rôle de l'homme, à lui dévolu par le Dao, comme si l'efficace du Dao se pouvait exprimer dans la loi. Du moïsme, le légisme retient son insistance sur l'utile, le profitable, l'intérêt, mais pas du tout son Ciel justicier et (presque) personnalisé, ni son caractère de secte religieuse moralisante. Des nominalistes, le légisme capte la science des noms, les désignations correctes, l'univocité terminologique, mais non ses tendances sophistiques ou son recours à des arguments qu'il juge fallacieux parce que paradoxaux, c'est dire autrement inutiles et irrationnels.

Du confucianisme même il conservera la polarisation de l'univers sur la personne du souverain en tant que garant de l'ordre universel.

Mais alors que le souverain confucéen fait rayonner la loi morale qui baigne tout dans l'humanisme de la bienveillance et de la bienséance, le souverain légiste est le tenant-lieu de l'impersonnalité et de l'impartialité même de la loi. Despote, si on veut, et c'est ce que ne manqueront pas de dire pour des raisons diverses confucéens et taoïstes réunis, mais non de la pire espèce puisque soumis à la loi même dont il est l'absolu garant.

Du moins en théo­ rie, puisque les justifications théoriques n'enlèvent rien à l'absoluité du pouvoir, fût-il déclaré non arbi­ traire.

N'empêche qu'à tenir égaux les deux plateaux de la balance récompenses / châtiments sans faire entrer en ligne de compte ni ses attachements, goûts, préférences ou la qualité des personnes, le souverain légiste se conduit plus en serviteur de la loi qu'en «despote oriental» selon l'imagerie convenue.

C'est la loi qui est cruelle, non le souverain. En un mot la loi légiste est.... »

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