Heureux pays: le ministre des Finances du Canada, Allan MacEachen, annonce une croissance économique de 4 à 6% pour 1981...
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Heureux pays: le ministre des Finances du Canada, Allan MacEachen, annonce une croissance
économique de 4 à 6% pour 1981 si le rythme de production des quatre premiers mois de l'année se
poursuit.
Tempérant cet optimisme ministériel, le service de prévision de la très influente Chase
Econometrics prévoit un taux de progression du PNB canadien de 3,3%.
Les indications ne concordent
pas, mais les atouts du Canada sont certains.
Deuxième du monde par sa superficie, après l'URSS (10 millions de kilomètres carrés), le Canada est peu
habitable.
Toute la partie nord est désertique et couverte de glaces ; la population (25 millions) est
concentrée dans le Sud: de l'Atlantique, à l'est, au Pacifique, à l'ouest.
Pour les ressources, la réalité canadienne s'écrit au superlatif: dans son sous-sol, le Canada, premier
producteur mondial de zinc, au deuxième rang pour le nickel et l'uranium, recèle pratiquement tous les
minerais existants ; la balance agricole est toujours bénéficiaire ; premier producteur mondial de colza et
deuxième pour le lin, le Canada constitue, avec les États-Unis d'Amérique et le Brésil, le grenier de la
planète.
Cette richesse est cependant inégalement répartie.
Si les réserves minières récemment découvertes dans
les territoires du Nord-Ouest et au Yukon sont fabuleuses, les provinces de l'Est atlantique (Terre-Neuve,
la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'île du Prince-Édouard) demeurent les parents pauvres de la
fédération: les revenus y sont le plus bas et le taux de chômage généralement fort élevé (13% à TerreNeuve).
Vient ensuite le Canada central - patrie de la moitié des Canadiens: l'Ontario et ses industries
lourdes, et surtout le Québec, avec ses industries légères.
Plus à l'ouest, le long de la frontière
américaine, la "prairie canadienne": Manitoba, Saskatchewan, Alberta.
Ces provinces, traditionnellement
pastorales et agricoles, attirent maintenant immigrants et diplômés, qui se voient offrir les meilleurs
salaires du pays.
Une véritable ruée vers l'ouest: outre le boom pétrolier, ces provinces regorgent de
richesses, notamment gaz et potasse.
A l'extrême-ouest du Canada, tournée vers la Californie, la
Colombie britannique: bois, pêcheries, tourisme.
Disparate, l'économie canadienne est caractérisée par sa dépendance à l'égard des États-Unis, qui
absorbent 68% de son commerce extérieur.
Le dynamisme de la bourgeoisie financière canadienne,
pourtant remarquable, n'y fait rien.
Le Québec contre Ottawa?
Mais il y a pire pour l'avenir du Canada.
Si l'ancien dominion est indépendant de la couronne britannique
depuis 1931, le mot Canada ne recouvre plus la même réalité de l'Atlantique au Pacifique: au mieux, une
équivoque ; au pire, une illusion.
Au-delà des intérêts économiques parfois convergents, passé culturel,
projets actuels et avenir politique opposent les deux groupes linguistiquement majoritaires.
Anglophones
et francophones sont cependant d'accord pour s'affubler du nom de "peuples fondateurs" pour mieux
faire oublier les premiers habitants du pays: les Amérindiens.
Historiquement, les francophones sont
défavorisés par rapport aux anglophones.
Ces tensions désignent la "question nationale", où le Québec
monte aux premières lignes contre Ottawa.
Mais, comme dans les mauvaises ruches, cette confrontation
donne plus de chaleur que de miel.
Avant de s'étendre à d'autres provinces que le Québec et de se
convertir en "bataille constitutionnelle", ce conflit était dédaigneusement considéré par le Premier
ministre fédéral, Pierre Elliott Trudeau, comme une "querelle tribale" - à la grande colère des
indépendantistes du Québec.
L'indépendance rabaisserait-elle le Québec au niveau d'une "république
bananière", comme certains fédéralistes le disent? Ou, comme le veulent des nationalistes, la
souveraineté du Québec, associé aux autres provinces, ouvrirait-elle la voie à une société plus juste et
solidaire des peuples dominés? Le débat reste ouvert.
Une chose est sûre: au Canada, comme ailleurs, autonomie politique et indépendance énergétique vont
de pair.
Plus que l'appartenance à un vaste pays, la baisse éventuelle du niveau de vie détermine le
Canadien dans le secret des urnes.
C'est seulement sous cet angle économique que se comprend
l'apparente contradiction des Québécois votant contre les indépendantistes au référendum sur la
file:///F/Lycée/angui/3/450579.txt[13/09/2020 02:24:50]
"souveraineté-association" soumis en 1980 par l'équipe nationaliste du Premier ministre de la province,
René Lévesque, pour, l'année suivante, reconduire la même équipe au pouvoir.
La décision est simple:
puissants au Québec, contre le pouvoir centralisateur d'Ottawa, mais pas pour autant prêts à renoncer au
"bargaining power" à l'intérieur d'une entité économique forte.
Habile, l'électeur québécois veut demeurer
dans le Canada comme pour s'assurer de l'avenir.
Le raisonnement est clair: si nous restons ensemble, il
y aura plus d'argent pour tout le monde! Il constate par ailleurs que, lors des conférences fédérales
provinciales, qui rassemblent les deux niveaux de gouvernement, Ottawa est désormais contesté par
d'autres provinces que le Québec.
Dans le tir croisé des provinces en direction d'Ottawa, seul le gras Ontario, principal bénéficiaire du
fédéralisme outaouais, nourrit des réserves.
Sa capitale, Toronto, a toujours bénéficié de la majeure
partie des projets industriels du Canada.
Il faut remonter aux années trente pour voir le fédéral s'arroger systématiquement les pouvoirs dévolus
aux municipalités et aux provinces.
A la fin de la Seconde....
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