[histoire du romantisme LES PRÉCURSEURS Partiellement en rupture avec le mouvement rationnel et philoso phique des Lumières, Jean-Jacques Rousseau ouvre...
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«
[histoire
du romantisme
LES PRÉCURSEURS
Partiellement en rupture avec le mouvement rationnel et philoso
phique des Lumières, Jean-Jacques Rousseau ouvre le préroman
tisme français.
Madame de Staël est ensuite l'introductrice en France
des idées romantiques allemandes.
Chateaubriand, avec les
Mémoires d'outre-tombe, met l'accent sur l'exploration du moi et,
surtout avec René, il crée un mythe, le premier personnage roman
tique de la littérature française.
IJean-Jacques Rousseau
Jean-Jacques Rousseau est sans doute le premier écrivain
romantique français.
Trois de ses œuvres, Julie ou la Nouvelle
Héloïse (1761), roman épistolaire, Les Confessions (1782), première
autobiographie,· les Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778),
récit introspectif, ont métamorphosé le paysage littéraire français en
mettant l'accent sur l'expression de soi et des sentiments et sur la
recherche d'une harmonie entre l'être et la nature qui l'environne.
Livrons-nous tout entier à la douceur de converser avec mon âme
puisqu'elle est la seule que les hommes ne puissent m'ôter.
Si à
force de réfléchir sur mes dispositions intérieures je parviens à les
mettre en meilleur ordre et à corriger le mal qui peut y rester, mes
méditations ne seront pas entièrement inutiles, et quoique je ne
sois plus bon à rien sur la terre, je n'aurai pas tout à fait perdu mes
derniers jours.
Les loisirs de mes promenades journalières ont sou
vent été remplis de contemplations charmantes dont j'ai regret
d'avoir perdu le souvenir.Je fixerai par l'écriture celles qui pourront
me venir encore ; chaque fois que je les relirai m'en rendra la
jouissance.
J'oublierai mes malheurs, mes persécutions, mes
opprobres, en songeant au prix qu'avait mérité mon cœur.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Rêveries du promeneur solitaire,
première promenade.
La mélancolie exprimée ici renvoie au thème romantique du mal
du siècle qui va devenir un topos * des années 1820-1830.
1 Madame de Staël et l'influence allemande
Madame de Staël introduit en France les idées romantiques alle
mandes.
Dans son ouvrage De l'Allemagne (1808-1810), elle fait le
procès de la littérature française d'après la Révolution qui, selon elle,
ne laisse pas assez de place à l'expression des sentiments et des
sensations.
Il faut se détourner du modèle gréco-latin pour s'inspirer
des littératures du Nord.
Pour elle, la littérature classique se fait
l'écho d'idées et de conceptions de l'homme périmées, disparues
avec le monde antique.
L'idée de littérature romantique fait son chemin au début du siècle
mais elle semble étroitement liée à l'influence allemande.
Les romans
de Goethe, Les Souffrances du jeune Werther (1774) et Les Affinités
électives {1808-1809), connaissent un grand succès en Europe.
1 François-René de Chateaubriand
Chateaubriand, défenseur du christianisme, homme politique,
poète de la mémoire, prépare le romantisme.
En 1802, il invente le
personnage de René, premier jeune homme en proie au désespoir et
au mal du siècle, ballotté entre sentiments et sensations contradic
toires.
Souffrant d'une passion incestueuse pour sa sœur, il traîne sa
mélancolie en France et en Amérique.
La nature est un miroir de la
tristesse de l'âme et du vague des passions.
I.:automne me surprit au milieu de mes incertitudes : j'entrai avec
ravissement dans le mois des tempêtes.
Tantôt j'aurais voulu être
un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des
fantômes ; tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais
réchauffer ses mains à l'humble feu de broussailles qu'il avait
allumé au coin d'un bois.J'écoutais ses chants mélancoliques, qui
me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l'homme est
triste, lors même qu'il exprime le bonheur.
Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous
sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré
aux soupirs.
François-René de CHATEAUBRIAND, René.
Le héros romantique instable et angoissé est né mais le romantisme français, au sens propre, apparaît dans les années 1820, sous
l'égide de Victor Hugo.
LES FONDATIONS
DU MOUVEMENT ROMANTIQUE
Le romantisme se fonde sur des influences très contradictoires
incarnées à la fois par des revues conservatrices et des journaux
libéraux.
Victor Hugo va réussir à fédérer ces mouvements autour
d'un texte manifeste, la Préface de Cromwell, d'un salon et d'un événement fondateur et mythologique: la bataille d'Hernani.
ILa presse
Le mouvement romantique s'organise d'abord autour de deux
revues conservatrices : Le Conservateur littéraire fondé en 1819 par
les frères Hugo et La Muse française fondée en 1823 par Émile
Deschamps.
Les libéraux (Stendhal, Mérimée) se regroupent autour
d'un journal, Le Globe.
1Les textes manifestes
Tout mouvement requiert son manifeste, texte établissant sa doctrine et sa poétique.
Le premier manifeste romantique en 1824 est
libéral, le second en 1827 est fédérateur, réunissant conservateurs et
libéraux grâce à Victor Hugo.
Racine et Shakespeare de Stendhal
Stendhal vient d'un autre horizon que les milieux conservateurs
romantiques.
Il est l'émissaire d'un mouvement libéral qui préconise
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LE
ROMANTISME
autant la liberté politique que littéraire.
En 1824, dans un écrit polémique, Racine et Shakespeare, il se fait le défenseur du « romantique ,, Shakespeare contre le très classique Racine.
Il est l'apôtre
d'une tragédie nationale, historique et sans règles contre la tragédie
classique.
Il en profite pour proposer une définition du romantisme qu'il appelle« romanticisme
».
Le rornanticisrne est l'art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l'état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances,
sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible.
Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus
grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères.
Cette définition met l'accent sur l'innovation absolue du romantisme et sur la coïncidence entre un mouvement et son contexte.
Mais le véritable énonciateur de la poétique romantique, c'est Victor
Hugo en 1827.
Préface de Cromwell de Victor Hugo
La Préface de Cromwell (1827) constitue sans doute le plus important manifeste du romantisme en France.
Victor Hugo y propose une
histoire culturelle et esthétique où il met en avant, à côté de la culture officielle, la permanence d'une contre-culture, populaire, souterraine : la culture du grotesque incarnée par des personnages comme
Polichinelle, Sancho Pança, Sganarelle, Figaro.
Le grotesque* a une
terrible efficacité esthétique d'abord parce qu'il permet de jouer sur
un effet de contraste en opposition avec le sublime, ensuite parce
qu'il est d'une infinie richesse.
La littérature romantique sera l'alliance du sublime* et du grotesque.
Parallèlement, Victor Hugo définit une poétique* fondée sur le
naturel : abandon d'un vers trop rigide, recherche d'un lexique plus
commun, renoncement à la règle des trois unités*.
Trop longue, Cromwell est une pièce injouable.
Le drame Hernani
va cristalliser l'opposition entre romantiques et classiques.
LE
ROMANTISME
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1La pratique des salons
La nouveauté introduite par le romantisme est la pratique du
«
cénacle
» :
c'est un petit groupe qui se réunit dans les s~lons et les
salles de rédaction sous l'égide d'un « chef».
Les mouvements littéraires suivants se trouveront de semblables lieux : l'atelier de
Gustave Courbet pour le réalisme ou la maison d'Émile Zola à Médan
pour le naturalisme.
À l'époque romantique, deux salons tiennent la vedette.
Charles
Nodier, conteur de talent, tient un
«
salon de la conciliation
»
à la
bibliothèque de !'Arsenal entre 1824 et 1834.
Fréquentent ce salon
Victor Hugo, Émile Deschamps, Alfred de Vigny, Alphonse de
Lamartine, Alexandre Dumas, Gérard de Nerval, Théophile Gautier,
Prosper Mérimée, Charles Sainte-Beuve et des peintres comme
Eugène Delacroix.
Mais Victor Hugo s'installe rue Notre-Dame-desChamps en 1827 et son salon est beaucoup plus militant que celui
de Nodier.
On y prépare des offensives contre les écrivains classiques ; on organise la parution d'articles amicaux sur les ouvrages
des romantiques : c'est la « camaraderie
»
littéraire.
ILa bataille d'Hernani
Victor Hugo achève le drame Hernani en octobre 1829.
Sa pièce
précédente Marion Delorme a été censurée et interdite pour offense
au roi.
Cette censure précipite le ralliement de Victor Hugo à l'opposition libérale.
Hernani raconte d'ailleurs la rébellion d'un noble espagnol contre son roi.
À la Comédie-Française, les répétitions sont houleuses.
Les
acteurs sont parfois eux-mêmes choqués par les entorses romantiques à la langue : étirement ou cassure du vers, emploi de termes
banals, langage familier placé dans la bouche des grands, formules
triviales, métaphores percutantes et insolites.
L'actrice principale,
Mlle Mars, rechigne ainsi à traiter son partenaire - comme le texte le
demande - de « lion superbe et généreux ».
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LE
ROMANTISME
r
La « première »
Pour suppléer à la claque, trop classique, Victor Hugo fait appel à
toute une troupe de jeunes disciples peintres et littérateurs ultraromantiques, chevelus et barbus.
Le jour de la première, le
25 février 1830, cette troupe envahit le théâtre avec plusieurs heures
d'avance.
Les amis de Victor Hugo sont tous là : Dumas, Gautier,
Nerval, Nodier, Pétrus Borel...
Dès le premier vers, les partisans de Hugo répondent avec force
aux huées de leurs adversaires.
Ils sont sensibles au style mais aussi
à la peinture de l'amour impossible qui lie Hernani à Dona Sol, à l'obsession de la mort, à la dénonciation d'un pouvoir sclérosé ...
Ils ont
le dessus et la première représentation est un succès disputé certes
mais incontestable.
Pourtant la majorité des journaux attaque la
pièce.
Le 21 novembre 1830, après avoir été abondamment sifflée
pendant sept mois, la pièce quitte l'affiche.
Le romantisme est un
mouvement maintenant reconnu, officiel.
ROMANTISME ET POLITIQUE
Les rapports entre romantisme et politique sont ambigus.
Sommairement, le romantisme a été plutôt conservateur avant 1830
et il est devenu libéral après la révolution de Juillet en 1830.
Mais les
romantiques sont divisés sur la question de l'engagement politique.
Gautier ou Nerval proposent la doctrine de " l'art pour l'art "
Lamartine ou Hugo pensent plutôt à un romantisme humanitaire.
IVers le libéralisme
Dès 1827, Victor Hugo prend ses distances avec la monarchie de
Charles X.
En 1829, dans la préface aux Poésies de feu Charles
Dovalle, il s'oriente vers le libéralisme.
Le romantisme, tant de fois mal défini, n'est, à tout prendre, et c'est
là sa définition réelle, que le libéralisme en littérature.
[ ...
] La
liberté dans l'art, la liberté dans la société, voilà le double but
auquel doivent tendre d'un même pas tous les esprits conséquents
et logiques.
LE
ROMANTISME
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Cette évolution vers la gauche souffre des exceptions mais, dans
l'ensemble, le romantisme est devenu de plus en plus libéral, de plus
en plus social.
1Le romantis~e humanitaire
Alors que dans le romantisme prévaut généralement un certain
1
J
désintérêt pour les questions politiques ou économiques qui conduit
à
«
l'art pour l'art », les grands romantiques comme Lamartine et
Hugo ont très tôt considéré leur romantisme comme humanitaire.
Ils
se sont donc impliqués dans les questions politiques et sociales.
Dès
1831, Lamartine écrit : « Honte à qui peut chanter pendant que Rome
brûle.» En 1840, Victor Hugo publie dans Les Rayons et les Ombres
un poème intitulé « La fonction du poète » :
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs
Il est l'homme des utopies ;
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !
Victor HUGO,« La fonction du poète »
dans Les Rayons et les Ombres.
En 1848, pendant quelques mois, Lamartine est le chef d'une
république aux visées humanitaires et sociales.
Il se replie après son
échec à l'élection présidentielle du 10 décembre 1848.
Victor Hugo,
élu député en juin 1848, évolue de la droite à la gauche et en
décembre 1851, s'oppose vigoureusement au coup d'État de Louis
Napoléon Bonaparte jusqu'à choisir l'exil et entamer une seconde
carrière littéraire autour d'œuvres phares comme Châtiments (1853),
La Légende des siècles (1859), Les Misérables (1862), I..:Homme qui
rit (1869), Quatrevingt-treize (1874) ...
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LE
ROMANTISME
l
Le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus
informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais
il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de ces
êtres si imparfaits et si affreux.
Alfred de MUSSET, On ne badine pas avec l'amour,
acte Il, scène 5.
Pourtant, les histoires d'amour romantiques se terminent rarement
bien.
Séparés par des malentendus, des lois, des préjugés, les
couples romantiques ne s'unissent que dans la mort (Quasimodo et
Esméralda dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, Marie et le
Gars dans Les Chouans de Balzac, Hernani et Dona Sol dans
Hemam).
Une double mort construit souvent la mythologie de ces
couples impossibles.
1L'Histoire
Au XIX" siècle, !'Histoire se constitue en tant que science avec des
écrivains comme Jules Michelet.
Très tôt, les romantiques se passionnent pour les explorations des historiens et l'Histoire se retrouve
en toile de fond de leurs productions théâtrales, romanesques, voire
poétiques.
Le romancier écossais Walter Scott, avec ses romans historiques comme Ivanhoé (1819), connaît un succès considérable en
France.
Le Moyen Âge suscite un véritable engouement, sensible
dans Notre-Dame de Paris (1831) de Victor Hugo ou Gaspard de la
nuit (1842) d'Aloysius Bertrand.
Alexandre Dumas bâtit l'essentiel de
son œuvre romanesque sur cet attrait pour !'Histoire.
1L'exotisme
La....
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