Hugo: Hernani (1830) Le 21 février 1830, la première représentation d'Hernani provoque une véritable bataille rangée entre partisans et_ adversaires...
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Hugo: Hernani (1830)
Le 21 février 1830, la première représentation d'Hernani
provoque une véritable bataille rangée entre partisans et_
adversaires du drame romantique.
Ce genre nouveau,
défini par Hugo dans la préface de Cromwell, (1827)
s'oppose au théâtre classique en refusant ses contraintes et
ses règles.
En particulier, le drame n'exige plus le respect
1.
Elles sont notées de la façon suivante dans l'alphabet phonétique:
- en: [œ] - on : [5]
2.
Elles sont noté"s de la façon suivante dans l'alphabet phonétique:
- é: [e] - è: [e]
de l'unité de temps et de l'unité de lieu.
L'intrigue met en
scène des héros qui appartiennent à toutes les couches de
la société et qui parlent, même en vers, un langage souvent très libre.
Hernani est un aristocrate espagnol, réduit à la condition
d'exilé, et amoureux de Dona Sol qu'aiment aussi Don
Gomez et le roi.
Dans la tirade qui suit, Hernani tente de
définir ce qu'il est: un être poussé par un destin qui le
domine, un héros malheureux, qui sème le malheur partout où il passe.
Monts
d'Aragon! Galice! Estramadoure !
Oh! Je porte malheur à tout ce qui m'entoure! J'ai pris vos meilleurs fils, pour mes droits ; sans remords
Je les ai fait combattre, et voilà qu'ils sont morts !
5 C'étaient les plus vaillants de la vaillante Espagne.
Ils sont morts! ils sont tous tombés dans la montagne,
Tous sur le dos couchés, en braves, devant Dieu,
Et, si leurs yeux s'ouvraient, ils verraient le ciel bleu !
Voilà ce que je fais de tout ce qui m'épouse !
10 Est-ce une destinée à te rendre jalouse ?
Dona Sol, prends le duc, prends l'enfer, prends le roi!
C'est bien.
Tout ce qui n'est pas moi vaut mieux que moi!
Je n'ai plus un ami qui de moi se souvienne,
Tout me quitte;il est temps qu'à la.fin ton tour vienne,
15 Car je dois être seul.
Fuis ma contagion.
Ne te fais pas d'aimer une religion !
Oh! par pitié pour toi, fuis! ...
Tu me crois, peut-être,
Un homme comme sont tous les autres, un être
Intelligent, qui court droit au but qu'il rêva.
20 Détrompe-toi.
Je suis une force qui va !
Agent aveugle et sourd de mystères .funèbres !
Une âme de malheur faite avec des ténèbres !
Où vais-je? je ne sais pas.
Mais je me sens poussé
D'un souffie impétueux, d'un destin insensé.
25
Je descends, je descends et jamais ne m'arrête.
Si, paifois, haletant, j'ose tourner la tête,
Une voix me dit: Marche! et l'abîme est profond,
Et de flamme ou de sang je le vois rouge au fond!
Cependant, à l'entour de ma course farouche,
30 Tout se brise, tout meurt.
Malheur à qui me touche !
Oh ! fuis ! détourne-toi de mon chemin fatal!
Hélas ! sans le vouloir, je te ferais du mal!
25
Victor Hugo, Hernani, (1830), III, 4, vers 973-1004.
Idée directrice
La tirade d'Hernani est entièrement construite sur l'idée
du malheur que le héros porte en lui et qui finit par toucher tous ceux qui l'entourent.
S'adressant à Dofia Sol, il
développe cette idée en l'illustrant par des exemples tirés
de sa vie de proscrit.
Son exposé, marqué tantôt par le
découragement, tantôt par l'exaltation, se déroule en trois
étapes.
La première rappelle ses combats.
La deuxième fait
état de sa solitude.
La troisième souligne le caractère fatal
d'une destinée de malheur sur laquelle il n'a pas de prise.
PISTES DE LECTURE
Le texte s'ouvre et se ferme sur l'idée du malheur («Je porte
malheur», v.
2; « Malheur à qui me touche», v.
30) et chacun des trois mouvements reprend cette idée sous une forme
différente.
L'ensemble de la tirade est caractérisé par une
abondante ponctuation, qui souligne l'état d'agitation dans
lequel se trouve le personnage.
A.
Premier mouvement: le rappel des combats (v.
1-9)
Dans ce premier mouvement, Hernani s'adresse directement à trois provinces d'Espagne dont l'énumération constitue le vers 1 : les trois noms sont mis en apostrophe
26
(« Monts d'Aragon! Galice! Estramadoure ! »).
Mais
l'interpellation est interrompue (comme le soulignent les
tirets du vers 2) par un constat exprimé sous une forme
exclamative.
Ce constat(« Oh! Je porte malheur») exprime
l'idée dominante du texte ; elle est illustrée par la suite de
l'interpellation, qui retrace les actions d'Hernani et leurs
conséquences.
• Les actions d'Hernani
Elles sont exprimées au passé composé («J'ai pris», v.
3;
«Je les ai fait...», v.
4) et précisées par l'indication d'un
objectif personnel et de l'état d'esprit d'Hernani («J'ai pris
vos meilleurs fils pour mes droits; sans remords»).
Les deux
expressions, sont mises en relief dans le texte par leur position dans le vers 3, de part et d'autre d'une coupe* forte
(le point-virgule) et au départ d'un enjambement* (v.
3-4).
• Les conséquences de ces actions
Elles sont soulignées par « et voilà», qui commence le
deuxième hémistiche du vers 4 (« et voilà qu'ils sont
morts»).
L'idée de la mort, omniprésente, est mise en relief
par les répétitions (« Ils sont morts», v.
4 et v.
6) et par
l'insistance sur l'image des guerriers étendus.
On note
d'abord l'action(« ils sont tous tombés»), puis son résultat(« tous sur le dos couchés», « ils verraient», v.
7 et 8).
Le caractère dramatique de la situation décrite vient du rapprochement de plusieurs éléments :
- La responsabilité personnelle..
d'Hernani, mise en
relief par l'insistance sur la première personne(« Oh! Je
porte malheur.
..
», v.
2).
- La valeur de ceux qui sont morts, valeur soulignée
par la répétition del' adjectif« vaillant» et par l'expression
« en braves» (« C'étaient les....
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