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La Philosophie dans le boudoir
de Donatien de Sade c1140-1s14>
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Sade est
l'aboutissement
du siècle
des Lumières : athée,
il refuse Dieu au nom
d'une logique
de la vie; rebelle et
prisonnier, il conteste
l'ordre politique;
écrivain prolixe,
il examine et éclaire
les pulsions obscures
qui travaillent
l'homme et
organisent le monde.
Son œuvre,
violemment
provocatrice,
fait l'éloge du crime,
du rejet du faible et
de la cruauté.
La Philosophie dans le boudoir, qui se présente comme un traité péda
gogique, est en fait une initiation à la débauche et l'impiété.
L'éducation
de la jeune Eugénie, tout juste sortie du couvent, prend le contre-pied de
l'idéal altruiste et vertueux des Lumières pour imposer une morale de la
violence et de la cruauté infligée par plaisir.
L'ouvrage fait alterner exposés théoriques et leçons de débauche.
Le texte
ci-dessous est tiré d'un pamphlet, intitulé Français, encore un effort si
vous voulez être républicains, destiné à parfaire l'éducation politique
d'Eugénie.
D
aignons éclairer un instant notre âme du saint flambeau
de la philosophie : quelle autre voix que celle de la nature
nous suggère les haines personnelles; les vengeances, les
guerres, en un mot tous ces motifs de meurtres perpétuels? Or, si
5 elle nous les conseille, elle en a donc besoin.
Comment donc pou
vons-nous, d'après cela, nous supposer coupables envers elle, dès
que nous ne faisons que suivre ses vues?
Mais en voilà plus qu'il ne faut pour convaincre tout lecteur éclairé
qu'il est impossible que le meurtre puisse jamais outrager la nature.
10 Est-il un crime en politique? Osons avouer, au contraire, qu'il n'est
malheureusement qu'un des plus grands ressorts de la politique.
N'est-ce pas à force de meurtres que Rome est devenue la maîtresse
du monde? N'est-ce pas à force de meurtres que la France est libre
aujourd'hui? Il est inutile d'avertir ici qu'on ne parle que des
15 meurtres occasionnés par la guerre, et non des atrocités commises
par les factieux et les désorganisateurs; ceux-là voués à l'exécration
publique, n'ont besoin que d'être rappelés pour exciter à jamais
l'horreur et l'indignation générales.
Quelle science humaine a plus
besoin de se soutenir par le meurtre que celle qui ne tend qu'à
20 tromper, qui n'a pour but que l'accroissement d'une nation aux
dépens d'une autre? Les guerres, uniques fruits de cette barbare
politique, sont-elles autre chose que les moyens dont elle se nour
rit, dont elle se fortifie, dont elle s'étaie? et qu'est-ce que la guerre,
sinon la science de détruire? Étrange aveuglement de l'homme,
25 qui enseigne publiquement l'art de tuer, qui récompense celui qui
y réussit le mieux et qui punit celui qui, pour une cause particu
lière, s'est défait de son ennemi! N'est-il pas temps de revenir sur
des erreurs si barbares?
Enfin, le meurtre est-il un crime contre la société? Qui put jamais
30 l'imaginer raisonnablement? Ah! qu'importe à cette nombreuse
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société qu'il y ait parmi elle un membre de plus ou de moins? Ses
lois, ses mœurs, ses coutumes en seront-elles viciées? Jamais la
mort d'un individu influa-t-elle sur la masse générale? Et après la
perte de la plus grande bataille, que dis-je? après l'extinction de la
moitié du monde, de sa totalité, si l'on veut, le petit nombre d'êtres
qui pourrait survivre éprouverait-il la moindre altération matérielle? Hélas! non.
La nature entière n'en éprouverait pas davantage, et le sot orgueil de l'homme, qui croit que tout est fait pour
lui, serait bien étonné, après la destruction totale de l'espèce
humaine, s'il voyait que rien ne varie dans la nature et que le cours
des astres n'en est seulement pas retardé.
Poursuivons.
Comment le meurtre doit-il être vu dans un État guerrier et républicain?
Il serait assurément du plus grand danger, ou de jeter de la défaveur
sur cette action, ou de la punir.
La fierté du républicain demande
un peu de férocité; s'il s'amollit, si son énergie se perd, il sera bientôt subjugué.
Une très singulière réflexion se présente ici, mais,
comme elle est vraie malgré sa hardiesse, je la dirai.
Une nation qui
commence à se gouverner en république ne se soutiendra que par
des vertus, parce que, pour arriver au plus, il faut toujours débuter
par le moins mais une nation déjà vieille et corrompue qui, courageusement, secouera le joug de son gouvernement monarchique
pour en adopter un républicain, ne se maintiendra que par beaucoup de....
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