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I. «Une tâche essentielle incombe à l'auteur. Lui aussi doit cesser d'it re la personnalité autocratique qu'il était, lui aussi...

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« I. «Une tâche essentielle incombe à l'auteur.

Lui aussi doit cesser d'it re la personnalité autocratique qu'il était, lui aussi doit apprendre à faire passer ses propres idées, son originalité propre, après les idées qui vivent dans la psyché de la masse, après les formes triviales qui sont claires et évidentes pour chacun» écrit Erwin Piscator. Les Achar­niens et les Cavaliers d'Aristophane.

La résistible ascen­sion d'Arturo Ui de Brecht, L'ile pourpre de Boulgakov et Ubu roi dé Jarry sont-elles des œuvres susceptibles d'illus­trer cette vision ? Problématique 1.

Dans quelle mesure cette conception apparaît-elle vérifiée dans les textes proposés ? 2.

N'y a-t-il pas certaines insuffisances, des inexactitudes.

ou tout simplement un parti-pris dans l'opinion d'Erwin Piscator? 3.

Peut-on et doit-on véritablement «codifier» de la sorte l'attitude des auteurs de farces politiques ? Plan 1.

Les rapports entre le théâtre et la réalité.

Les relations entre l'auteur dramatique, sa création et son public. Applications partielles 143 A. L'auteur est inscrit dans une situation historique, sociale et politique précise. B. Dans la perspective d'Erwin Piscator, !'écrivain doit se livrer à trois choix successifs pour que son écriture porte le mieux possible : la forme du message, «les idées qui vivent dans la psyché de la masse ...

et ...

les formes triviales ...

claires et évidentes pour chacun», la manière dont son originalité propre va venir se greffer sur ce qui précède. c.

C'est la farce, mettant en scène «une situation plaisante empruntée à la vie ordinaire» qui permet le passage entre «les idées de la psyché», «les formes triviales» et les «propres idées de l'auteur». D. Le théâtre est centré sur le public également dans la mesure où le personnage de fiction opprimé s'identifie au spectateur, qui ainsi par contrecoup effectue un mouvement réciproque. 2.

Cependant la pensée d'Erwin Piscator ne semble pas rendre compte de la pratique théâtrale des œuvres proposées.

De fait, en y regardant de plus près, on pourrait considérer à certains égards que son raisonnement est incomplet, inexact, voire partisan. A. Les «idées de la psyché» ne peuvent jamais être objectives. B. De plus, partir, comme le préconise Erwin Piscator, des formes de pensée et des représentations propres au public, n'est-ce pas en fait une manière de sous-estimer les capacités de ceux auxquels on s'adresse ? c.

Dans les rapports entre la fiction de la pièce et le réel auquel elle renvoie, le fictif peut être débordé par le réel, ou le réel donné expressément comme tel.

Quand c'est le cas, l'auteur intervient personnellement. D. Cette autocratie revient en fait à une visée didactique de la part du dramaturge.

Le didactisme ne revêt aucun caractère pesant du fait du comique et de la rapidité de l'action. 3.Alors, quelle doit être l'attitude de l'auteur dramatique? En effet, s'il part du public, il n'est pas sûr que le spectateur parvienne à sa pensée en dépassant la farce; inversement s'il part unique- La dissertation littéraire . 144 ment de sa propre personnalité, il n'est pas certain non plus que le spectateur accepte de le suivre. A. Pour faire fonctionner sa pièce comme une démonstration, il semble donc que le dramaturge doive nécessairement jouer d'un savant dosage. B. Le théâtre n'est pas donné comme un simple lieu de divertissement, mais comme le lieu même du réel.

Il reflète le réel et le réel doit le prolonger, puisque la pièce est un appel à l'action. c.

On note dans ce cadre l'omniprésence implicite de la relation à la politique et aux politiciens. D.

Chaque créateur comme chaque critique possède son tempé- rament.

En outre le chef-d'œuvre est impossible à codifier. Plan détaillé du développement 1.

Quels sont les rapports entre le théâtre et la réalité, quelles sont les relations entre l'auteur dramatique, sa création et son public? Il semble nécessaire avant tout de bien se figurer que l'auteur est inscrit dans une situation historique, sociale et politique précise. Notes à rédiger: - Aristophane: citoyen athénien révolté contre les ravages de la guerre prolongée par les gouvernants dans des visées lucratives, et la démagogie sous toutes ses formes dont le peuple athénien est la victime. - Pièce de Brecht écrite en 1941, en pleine ascension hitlérienne par un marxiste en exil. Boulgakov met en scène un auteur dramatique, une troupe et son directeur dans les années 1920 en Union Soviétique, au moment où les théâtres sont soumis à la censure.

Il montre l'influence de l'histoire et de la politique sur le métier même d'auteur dramatique et la représentation théâtrale.

Boulgakov a connu dans son pays une longue période de silence et son existence ne fut guère aisée ... A. Applications partielles 145 - Malgré le désengagement de Jarry, Ubu est une féroce caricature du bourgeois égoïste et stupide, lâche et avide, qui peut symboliser la classe au pouvoir dans les années 1890, dans sa volonté d'accaparement. Quoi qu'il en soit, donc, !'écrivain apparaît confronté à une situation en fonction de laquelle, étant donné son regard pénétrant et sa position personnelle, il ne peut être neutre mais engagé politiquement.

De là naît en lui le désir de transmettre un message politique dont le contenu correspondra au sens de son engagement.

Ce sens ressort d'une analyse qui se veut lucide et utilitaire pour le citoyen et l'État lui-même.

Brecht l'atteste: «L'homme de théâtre n'a pas à chercher ses leçons auprès de l'État.

L'État au contraire peut apprendre du dramaturge» ... B. Dans la perspective d'Erwin Piscator, l'écrivain doit se livrer à trois choix successifs pour que son écriture porte le mieux possible : la fonne du message, «les idées qui vivent dans la psyché de la masse ...

et ...

les fonnes triviales ...

claires et évidentes pour chacun», la manière dont son originalité propre va venir se greffer sur ce qui précède. La fonne théâtrale semble la meilleure pour faire passer le message.

Les quatre auteurs y ont souscrit.

Pour quelles raisons ? Notes à rédiger : - Le théâtre s'adresse généralement au plus grand nombre.

On veut le convaincre.

Aristophane s'adresse aux paysans : les victimes.

Brecht au peuple allemand, au prolétariat, aux peuples bernés ou intimidés par le nazisme, et au peuple américain pour le faire intervenir. Le message théâtral est direct, immédiat, mais aussi complet et ininterrompu. - De plus, il est plus concret et plus vivant (imprégnation de certaines scènes dans l'esprit du public). - La résonance est plus grande, car on crée un jeu de miroirs. Cependant, pour que la transmission du message politique se fasse dans de bonnes conditions, le dramaturge doit se rapprocher de la structure mentale du public et adopter ses fonnes de pensée 146 La dissertation littéraire et ses formes privilégiées.

Ainsi le spectateur devient le véritable centre de la création. Notes à rédiger : - Les idées simples susceptibles d'emporter l'adhésion du spectateur se situent à deux niveaux, celui des passions et du corps, celui de l'éthique.

On peut donc citer : l'instinct de conservation, la liberté, la justice ... Ces idées sont en quelque sorte instinctives.

Elles provoquent un mouvement automatique de pulsion suivi d'une réaction, même si elles semblent en sommeil.

C'est ce mouvement humain fondamental que le dramaturge doit faire renaître en créant sur scène des manifestations qui impliquent exactement le contraire de la référence instinctive immanente, c'est-à-dire un monde à l'envers souvent angoissant. Dans les Acharniens, ex : la scène des ambassadeurs qui non seulement n'ont pas rempli leur mission honnêtement, mais en plus affabulent aux frais des Athéniens.

De plus, on intime le silence à Dicéopolis, qui les dénonce, précisément dans le lieu où s'exerce la démocratie ... - Dans L'Ile pourpre, ex : le cassant «Interdiction de représenter» de Sava Loukitch atteste à la fois son autoritarisme et son injustice puisqu'il réduit les comédiens au chômage. - Chez Brecht, la paroleestrégentée par la tyrannie des gangsters.

Chez Jarry, Ubu aux paysans indigents : «Je m'en fiche.

Payez».

Le point culminant de la trahison des idées instinctives : le meurtre, est atteint chez ces deux derniers auteurs. Mais cela ne suffit pas, c'est pourquoi ces idées fondamentales sont mises en évidence par une fonne de représentation tout à fait transparente et familière pour le grand public. Notes à rédiger : un comique simple: les insultes (Les Cavaliers, Ubu roi) ; les coups (Ubu marionnette fidèle à la tradition du guignol).

Fonction : la décrispation. - Lareprésentation de la réalité quotidienne: Brecht utilise des noms très proches de ceux de leurs modèles réels de l'actualité ; il décrit les États- Applications partielles 147 Unis de l'après première guerre mondiale et en particulier une ville très agitée Chicago.

Rappel d'un problème grave qui se pose au public au moment où il regarde la pièce : les références au révolver et àla mitraillettepourrefléter les moyens de l'expansion militaire nazie. Emploi du langage quotidien : les interjections des personnages chez Aristophane, les hésitations de la langue parlée chez Boulgakov, le langage argotique imagé chez Brecht, la scatologie même déformée chez Jarry: «Merdre». - La clarté même des situations et des personnages.

L'intrigue progresse toujours à partir d'un personnage central.

Dicéopolis, Ubu, Ui sont presque toujours en scène ; même si Sava Loukitch n'apparaît, qu'au troisième acte de la pièce de Dymogasky, son absence est donnée dès le début comme une présence encore plus terrible. De plus, le visage d'Ubu apparaît encore plus typé dans la trivialité par l'usage du masque.

Enfin, même s'ils ont des modèles vivants, les personnages sont réduits à quelques traits principaux. - L'effet visuel : disputes continuelles, donc animation de la vie dans les Cavaliers, attaques et contre-attaques éclair dynamiquement suggérées par Jarry, constant jeu de lumières dans la scène du procès chez Brecht, qui efface les maillons susceptibles de ralentir le mouvement.

Animation progressive du théâtre chez Boulgakov. c.

C'est la farce, définie par H.

Bénac comme mettant en scène «une situation plaisante empruntée à la vie ordinaire» qui ·permet le passage entre «les idées de la psyché», les «formes triviales« et les «propres idées de l'auteur».

Erwin Piscator insiste sur le fait que les idées du dramaturge ne doivent pas primer, mais s'insérer dans un schéma préexistant déterminé par le public, c'est ce qu'il exprime par le terme le plus important de son raisonnement : «après», qui renvoie à l'abolition de l'autocratie de l'auteur dramatique.

La farce revêt deux formes principales : le grossissement outrancier ou caricature et le rabaissement.

A l'aide de ces deux procédés on montre plus clairement à la conscience du spectateur La dissertation littéraire 148 que ses valeurs traditionnelles sont bafouées par ceux qui détiennent le pouvoir. Notes à rédiger : D. L'outrance : dans Les Acharniens, d'abord l'invraisemblance des propos des ambassadeurs suscite le rire, mais ensuite la reprise de Dicéopolis, par le décalage qu'elle introduit, provoque l'indignation.

Même si l'outrance contribue à truquer la réalité dans une certaine mesure, elle n'en suggère pas moins une réalité profonde. Dans L1le pourpre, Sava Loukitch institue à la fois l'obligation d'une révolution prolétarienne internationale et d'un décalque avec le rôle joué par les marins dans la révolution soviétique. Malgré la déformation, «l'intoxication idéologique» est suggérée.

Chez Brecht et Jarry, parodies de procès et terreur institutionnalisée. - Le rabaissement sous toutes ses formes : chez Brecht l'Allemagne devient Chicago, lieu du racket, du meurtre, de la prostitution.

Aristophane rabaisse systématiquement toutes les causes de guerre pour mieux prendre à parti les personnages officiels qui excitent les athéniens contre leurs ennemis. Volonté de rendre les personnages farcesques : Ui adopte des attitudes mécaniques et Brecht montre qu'une certaine politique est l'art de feindre.

On se rapproche du spectateur en rendant les personnages vulnérables, en les faisant tomber de leur piédestal. Le théâtre est centré sur le public également dans la mesure où le personnage de fiction opprimé s'identifie au spectateur, qui ainsi par contrecoup effectue un mouvement réciproque. Notes à rédiger: Dicéopolis utilise la première personne du pluriel. - Le public partage le désespoir de Dymogasky. Boulgakov donne au spectateur la possibilité de devenir un acteur de sa pièce. Tout est théâtre.

L'ile pourpre contient deux pièces distinctes et la salle est une troisième scène. - Identification pathétique chez Brecht dans l'épi- i f 149 Applications partielles sode de la femme ensanglantée: «et tous acceptent ça / Et nous en crevons tous !» - Dans Ubu roi, le public a l'impression que devant ses yeux se déroulent pour son plaisir des saynettes farcesques auxquelles il pourrait participer. 1 ' ' r i Un tel théâtre assume deux fonctions principales : une fonction éthique dans la mesure où la subjectivité del 'auteur dramatique se porte entièrement vers celle du spectateur, amorçant un mouvement d'universalité ; une fonction sociale dans la mesure où grâce au respect du spectateur, le dramaturge peutle divertir et l'intéresser à la fois, sans l'aliéner parce qu'il crée un regard collectif, un regard avec ... Transition: Mais ce regard collectif, aboutissement de la pensée d'Erwin Piscator rend-il compte de la pratique théâtrale des œuvres proposées ? En effet, la conception énoncée n'est-elle pas réductrice, puisqu'elle procède en définitive de présupposés subjectifs et d'une idée préconçue du public.

L'auteur dramatique peut-il et doit-il véritablement abandonner toute forme d'autocratie? * 2.

De fait, en y regardant de plus près, on pourrait considérer à certains égards que le raisonnement d'Erwin Piscator est incomplet, inexact, voire partisan. A. Tout d'abord, rien n'est évident au sujet des valeurs.

Les «idées de la psyché» n'existent pas en tant que telles : la subjectivité doit agir pour les déduire de telle ou telle situation, ce qui implique qu'un choix préexiste à la norme.

Ainsi ces valeurs.... »

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