Il entendait frémir... Victor Hugo s'est rendu en 1837 dans la vallée de la Bièvre pour effectuer un pélerinage sentimental...
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Il entendait frémir...
Victor Hugo s'est rendu en 1837 dans la vallée de la Bièvre pour effectuer un
pélerinage sentimental sur les lieux où avait commencé trois
plus tôt sa
liaison avec l'actrice Juliette Drouet.
ans
5
Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime
Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même,
Y réveille l'amour,
Et, remuant le chêne ou balançant la rose,
Semble l'âme de tout qui va sur chaque chose
Se poser tour à tour.
Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire,
S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre,
Couraient dans le jardin ;
10 Ainsi, parfois, quand l'âmè est triste, nos pensées
S'envolent un moment sur leurs ailes blessées,
Puis retombent soudain.
Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques;
15
Il rêva jusqu'au soir;
Tout le jour il erra le long de la ravine,
Admirant tour à tour le ciel, face divine,
Le lac, divin miroir.
Hélas ! se rappelant ses douces aventures,
20 Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures;
Ainsi qu'un paria,
Il erra tout le jour.
Vers l'heure où la nuit tombe,
0 se sentit le cœur triste comme une tombe,
Alors il s'écria:
25 - "O douleur! j'ai voulu moi dont l'âme est troublée,
Savoir si l'urne encor conservait la liqueur,
Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée
De tout ce que j'avais laissé là de mon cœur !
"Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !
30 Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les fils mystérieux où nos cœurs sont liés ! "
In Tristesse d'Olympio, Strophes 5 à 10.
------QUESTIONS-----1 - Les deux dernières strophes se distinguent des précédentes par
plusieurs caractéristiques, citez-en deux et commentez-les
brièvement.
Les deux dernières strophes se distinguent des précédentes par
deux caractéristiques essentielles; l'une tient au fait que l'on abandonne le sizain pour le quatrain, tandis que disparaissent les hexasyllabes.
La deuxième concerne la voix qui s'y exprime.
Dans les sizains en
effet , Olympia est désigné à la troisième personne ; dans les quatrains,_il s'exprime directement.
Du mêine coup le ton est plus lyrique,
puisque le personnage s'épanche, et la disparition des hexasyllabes
donne de l'ampleur à son propos.
2 - Quelle figure de style est ici utilisée par Hugo pour évoquer la
nature et les éléments naturels ?
La nature se trouve ici personnifiée, en particulier dans la dernière
strophe où V.
Hugo s'adresse à elle en ces termes : "Nature au front
serein, comme vous oubliez !" Une figure du même ordre est mise en
œuvre dans la strophe 2 où
~
"Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire/
S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre/
Couraient dans le jardin ;"
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction
- Présentation
du texte
-Annonce du
plan
Sur les traces du Saint-Preux de La Nouvelle Héloïse,
du Werther de Goethe, et surtout du Lamartine des
Méditations poétiques recherchant le souvenir du bonheur perdu sur les rives du lac du Bourget, Victor
Hugo effectue dans Tristesse d'Olympio un pèlerinage
sentimental.
il s'est en effet rendu en 1837, dans la vallée de la Bièvre, au lieu même où commença sa liaison
passionnée avec l'actrice Juliette Drouet.
Une telle démarche implique chez celui qui revient
au lieu où il a été heureux, un double espoir, celui
d'abord de réactiver son souvenir en revisitant le
décor, celui, surtout, de trouver, dans le paysage, un
témoignage, une marque, une trace du bonheur passé.
On constatera que, dans les six présentes strophes,
semblent s'établir d'abord des liens entre le promeneur
et le site ; on verra ensuite comment le sentiment de la
vanité de son entreprise l'envahit.
Communion avec le
paysage et sentiment d'exclusion constitueront donc
les deux axes de notre commentaire.
L'impression d'harmonie, d'intégration et de comI - Communion
avec le paysage munion entre le promeneur et le paysage tiennent
- un solitaire
dans un parc
- le vent et
l'amour
d'abord à la composition du décor semi-sauvage correspondant aux jardins anglais en vogue alors depuis
un demi-siècle, où le promeneur solitaire se trouve,
sans intermédiaire, en tête-à-tête avec le monde ; dans
cette vallée qui a valeur de refuge, nous distinguons en
effet une "forêt", un "bois solitaire", des chênes, des
feuilles mortes automnales, l'élément plus tourmenté
d'une "ravine" (au vers 16) et surtout le lac du vers 18,
élément d'une riche symbolique temporelle, abondamment exploitée pas les poètes anglais et Lamartine : au
rebours du torrent qui s'écoule comme le temps, le lac
en effet figure l'arrêt de la durée.
Si des éléments plus marqués par l'activité humaine, comme le "jardin" ou les champs" interviennent
dans cette composition, ils s'intègrent à une rêverie
caractérisée par un rapport étroit entre le promeneur et
le décor.
Ainsi, dans la première strophe, le thème de
l'amour est-il lié au vent qui "faisant tout vibrer en
nous-même/y réveille l'amour"; c'est donc une nature
animée et aimante qui accueille d'abord Olympio; il
entend "frémir" un vent qui semble lui adresser un
signe en "balançant la rose".
Le lieu des amours semble
habité par une âme universelle ; de là vient un fort sentiment d'appartenance, de parenté qui s'exprime aussi
- la comparaison dans la comparaison établie, dans la strophe 2, entre
les feuilles "s'efforçant sous ses pas des' "élever de terre" et nos pensées mélancoliques.
Cette union qui lie le promeneur au paysage est
aussi rendue par un vocabulaire très révélateur : on
entend le "doux vent" "frémir", on voit "les feuilles qui
- personnifications gisaient (comme un être blessé) dans le bois solitaire"
(comme Olympio), "s'efforçant...
de s'élever", qui "couraient" ; autant de termes qui prêtent vie, conscience et
intention à l'inanimé comme en témoigne encore
l'adjectif "pacifiques" associé aux "champs".
Cette tendresse du monde....
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