Images de la mort Dans Le Chevalier de la charrette, la mort est partout pré sente; elle marque de son...
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Images
de la mort
Dans Le Chevalier de la charrette, la mort est partout pré
sente; elle marque de son empreinte les lieux, les person
nages, les situations.
Réelle ou symbolique, redoutée ou
désirée, la mort est un adversaire tout-puissant.
Nous ten
terons de préciser les différents visages qu'elle prend: pour
cela, nous analyserons son omniprésence au cœur du par
cours chevaleresque de Lancelot, puis nous montrerons en
quoi amour et mort sont très étroitement liés.
OMNIPRÉSENCE
DE LA MORT
Un itinéraire funèbre
La quête du héros a lieu dans un cadre bien souvent mar
qué par la mort.
Le royaume de Gorre, où se déroulent la
plupart des aventures, ressemble étrangement au royaume
de l'au-delà.
Ce pays« dont ne revient nul étranger» (v.
641)
est assimilable au pays des morts.
Un autre lieu de mort est
le« cimetière enclos de murs» (v.
1839), dans lequel Lancelot
reçoit la révélation de son destin 1.
Dans ce décor symbolique, de nombreux signes de mort
jalonnent le parcours du héros.
La charrette, sur laquelle
Lancelot affronte le déshonneur, évoque à la fois le crime
et la mort.
Elle est réservée« aux traîtres ou aux assassins»
(v.
328) et peut faire penser au char de la mort des légendes
celtiques2 • La lance enflammée, qui jaillit comme la foudre
1.
La scène du cimetière futur est analysée dans le chapitre 17.
2.
Voir le chapitre 16.
pour clouer Lancelot sur le lit défendu, est un autre signe de
mort.
Le cortège de la reine, conduit par Méléagant au début
du récit (v.
552 et suivants), est un cortège funèbre: la litière,
sur laquelle gît le sénéchal Keu blessé, apparaît comme un
cercueil (une« bière», écrit Chrétien); les demoiselles qui
poussent des cris désespérés (v.
54-55) rappellent les pleu
reuses qui accompagnent les morts.
Ces quelques exemples soulignent à quel point le récit
baigne dans une atmosphère macabre.
En outre, le héros
est sans cesse confronté à la mort.
Confrontations avec la mort
Les nombreuses épreuves ou aventures que doit affronter
Lancelot sont autant de rencontres avec la mort.
Dans les combats, une mort violente menace le héros et
ses adversaires.
Citons cette scène dans laquelle Lancelot
vole au secours de la demoiselle victime d'un viol (v.
1128 et
suivants): l'échange de coups d'épée et de coups de hache
est d'une rare violence; le but est de porter la mort à l'adver
saire, de « lui fendre en deux le crâne jusqu'aux dents»
(v.
1160-1161).
Parfois, le combat aboutit à la mort réelle de
l'adversaire; c'est le cas avec la décapitation du chevalier
orgueilleux par Lancelot :
Il frappe et la tête vole
au milieu de la lande, le corps s'écroule
(v.
2922-2923).
C'est ce qui se passe également avec la décapitation finale
de Méléagant (v.
7087).
Dans les autres épreuves, il s'agit surtout du danger de
mort, qui guette le héros.
L'épreuve du Pont de l'Épée
(v.
3004 et suivants) énonce clairement le lien entre l'aventure
et la mort.
La description du pont est funeste : les adjectifs
«noir» (v.
3010),«infernal» (v.
3012) et«sinistre» (v.
3044)
soulignent le danger.
De plus, les compagnons de Lancelot
ne cessent de le mettre en garde.
Ils évoquent le pouvoir
destructeur des monstres féroces qui gardent le pont :
ils vous tueront, sachez-le !
Ils auront tôt fait de vous briser
et de vous arracher tous les membres
(v.
3069-3071).
Lancelot court un « péril de mort [...
] certain » (v.
3076) en
affrontant cette épreuve.
La mort est finalement l'adversaire de Lancelot dans sa
quête chevaleresque, mais il réussit toujours à la vaincre.
La
confrontation directe avec la mort permet au héros d'affirmer sa supériorité sur les forces de l'au-delà.
Expériences de la mort
La rencontre avec la mort peut prendre des formes plus
détournées.
Lancelot vit en effet quelques expériences qui
peuvent être assimilées à des morts symboliques.
Son enfermement dans la tour en est une bonne illustration.
Lancelot y est emmuré vivant; sa prison devient tombeau.
De fait, lorsque la sœur de Méléagant découvre la tour,
elle entend les lamentations funèbres du captif.
Dans un
long monologue, il évoque la roue de la Fortune, symbole
des aléas du destin, et décrit son état sans illusion :
C'est ma destruction, c'est ma perte
c'est mon anéantissement 1
(V.
6482-6483).
Lancelot se meurt dans la tour et sa libération est vécue
comme un retour à la vie.
Il sort de l'épreuve ressuscité,
transformé: l'amant désespéré fait place au fier chevalier,
bien décidé à se venger de son ignoble geôlier.
Une autre expérience de la mort est l'extase amoureuse.
Lorsque Lancelot est emporté dans ses pensées amoureuses, ou lorsqu'il est subjugué par la vue de la reine, il perd
le sentiment d'exister, « il ne sait plus s'il est ou s'il n'est
pas» (v.
716)_.
La force de l'amour provoque ici l'anéantissement de l'amant, qui est comme mort.
Toutefois, l'amour
peut aussi conduire les amants à désirer la mort.
AMOUR ET MORT
Amour et tentatives de suicide
Le thème du suicide apparaît à trois reprises dans le roman,
avec des valeurs et des implications à chaque fois différentes.
La première occurrence se trouve au tout début du récit,
dans l'épisode du cortège de la reine (v, 535-599).
La vue de....
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