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On a dit que la vérité de Baudelaire était dans le conflit de
son idéal et de son spleen, dans ce drame de l'homme aux
prises avec l'existence.
Cela vous paraît-il être une
suffisante définition de l'œuvre baudelairienne ?
Introduction : Il semble, en effet, que l'on doive voir dans
l'œuvre de Baudelaire un drame de la condition humaine, un conflit
entre les forces mauvaises de la réalité et les hautes aspirations
que chaque poète porte en son cœur.
Mais elle n'est pas que cela.
Les Fleurs du Mal marquent d'une empreinte ineffaçable le début
de la poésie moderne.
Mallarmé et Valéry verront en Baudelaire le
créateur conscient, Rimbaud, Lautréamont et après eux les
Surréalistes y reconnaîtront un frère maudit.
Sa pure confidence ne suffirait pas à
expliquer l'importance qu'on lui accorde unanimement.
Il y a aussi la relation qu'il sut
établir entre les rapports les plus hauts et les plus bas, cette correspondance du physique
et du spirituel qui marque une révolution dans le domaine de l'expression poétique.
I- L'Angoisse d'être : le Spleen.
1.Les Romantiques avaient déjà fait du Spleen le maître de l'âme.
Ils refusaient un
monde ou l'action n'est pas la sœur du rêve.
Mais la position de révolte que cette optique
entraîne nécessairement diffère profondément suivant les individus.
L'imagination
créatrice et le rêve restent; pour la plupart des poètes du xixe siècle, le seul réservoir de
monstres capables de lutter contre ceux de la réalité.
Ce n'est pas le cas pour Baudelaire.
Chez lui, « le sentiment douloureux de l'incomplet de la destinée », comme le dit
Madame de Staël dans son analyse de L'âme romantique, se complique d'une angoisse
quasi physiologique.
Aussi marquera-t-il bien la différence en refusant le terme de « mal
du siècle », pour appeler son hydre dévorante d'un mot anglais pris chez Edgar Poe : le «
Spleen ».
2.Ce qui frappe chez Baudelaire, c'est la mise en évidence de la complexité de l'âme
humaine attirée et repoussée par les extrêmes.
Il semble que ce va-et-vient
inconfortable ait été pour beaucoup dans sa « difficulté à vivre ».
Son « horreur de la vieextase de la vie » le poussait à cultiver cet état d'insatisfaction perpétuelle, qui tantôt se
complaît en elle-même dans la morbidité, et qui tantôt pousse des cris de révolte et tente
d'aller « au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ».
3.
Cette ambivalence affective prend le plus souvent la forme, chez Baudelaire, d'une
contemplation lourde et indolente de soi-même, d'une jouissance immobile de son être et
de son passé plutôt que de ses aspirations.
Enfant solitaire, vouant à sa mère un amour
quasi incestueux, un psychanalyste moderne trouverait dans l'explication de son mal un
sentiment de culpabilité, lui aussi cultivé et savouré :
Soyez béni mon Dieu qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés.
Car il s'agit avant tout pour lui, non pas
d'échapper à une angoisse qui est continuelle et constitue comme une seconde nature,
mais bien d'échapper à l'ennui, au sentiment que vivre est inutile.
Sa souffrance est un
état permanent de tension psychologique, que rien n'est susceptible d'accroître ou de
diminuer, même pas le monde extérieur : « Paris change ! Mais rien dans ma mélancolie
n'a changé, » Son malheur est une qualité de l'âme à laquelle il tient.
Pour le symboliser,
il choisit non pas l'aigle orgueilleux cher aux Romantiques, mais l'albatros douloureux,
cloué au sol et aspirant à l'infini.
II.
L'idéal : la Religion de la Poésie.
1.
S'il tient à son malheur, c'est qu'il croit lui aussi, comme Madame de Staël, que « ce
que l'homme fait de plus grand, il le doit au sentiment douloureux de l'incomplet de sa
destinée».
Mais parce qu'il vit, sous Louis-Philippe, une époque où l'héroïsme a disparu
de la scène du monde, où l'ère moderne commence avec sa médiocrité et son
uniformisation, Baudelaire ne croit pas à l'héroïsme de la morale active et à l'ambition de
la gloire.
Il croit seulement à l'héroïsme solitaire, à « l'askésis » des ascètes.
Sa morale
de l'effort n'est pas altruiste et tournée vers le monde et l'action, mais égoïste et
concentrée sur elle-même.
C'est le dandysme; le culte de la « froideur », le goût de
l'aristocratie de l'art, l'horreur de la nature et du naturel.
2.
L'Art, la Beauté, sont en effet les seuls recours que possède le poète pour actualiser sa
soif d'éternité et son goût de la perfection.
Ce plan supérieur peut même s'atteindre....
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