Inde 1982-1983 L'explosion des régionalismes Depuis 1948, l'histoire de l'Inde s'identifie au destin de la famille Nehru, une dynastie élue...
Extrait du document
«
Inde 1982-1983
L'explosion des régionalismes
Depuis 1948, l'histoire de l'Inde s'identifie au destin de la famille Nehru, une
dynastie élue qui domine le pays et ses quelque 730 millions d'habitants.
Nehru
était hier Premier ministre ; aujourd'hui, c'est sa fille Indira Gandhi, 66 ans
en 1983, qui est au pouvoir depuis 1966 - à l'exception d'une éclipse entre 1977
et 1980.
Trois ans après son triomphal retour au pouvoir en janvier 1980, Indira Gandhi
semblait avoir toutefois perdu de son charisme auprès des foules indiennes.
Son
fils aîné, Rajiv, l'héritier présomptif de la couronne, avait du mal à
s'imposer.
Tout au long de l'année 1982 et au début de 1983, les résultats des
élections partielles et régionales ont traduit un désenchantement de l'opinion,
une usure du pouvoir.
Ce n'était pas encore la montée des périls pour la
dynastie Nehru, mais le pouvoir central était grignoté par l'émergence
d'oppositions multiformes à base régionaliste, même si celles-ci ne pouvaient
s'additionner: qu'existe-t-il de commun en effet entre un sikh et un Assamais?
Paradoxe enfin d'une Inde qui paraissait douter d'une Indira qui, en 1982 et
1983, s'était pourtant imposée comme jamais sur la scène internationale, à
Washington, Rome, Paris et enfin à New Delhi où elle a présidé en mars 1983 le
Mouvement des non-alignés, créé par son père.
Politicienne dans l'âme, Indira Gandhi sait que cette reconnaissance mondiale
n'assurera jamais son pouvoir dans son pays.
Elle a ainsi affronté
l'inextricable problème de l'Assam, cet État des confins de l'Inde, à 3 000 km
de New Delhi, où elle s'est rendue à deux reprises au cours du premier trimestre
1983.
Plusieurs millions d'"immigrés" (deux à cinq millions) sont à l'origine
des troubles dans cet État de vingt millions d'habitants.
Attirés par la
richesse de l'Assam, ces immigrés en général musulmans, à la différence d'une
population locale hindouiste, ont plutôt mieux réussi dans les affaires,
l'administration ou l'agriculture que les Assamais de souche.
Entraînée par des
étudiants diplômés et chômeurs, la population de l'Assam a laissé éclater son
ressentiment, dénonçant pêle-mêle ceux qu'elle appelle les "immigrés" et New
Delhi qui "pille ses richesses naturelles" (notamment le thé et le pétrole dont
l'Assam est un grand producteur mais dont il retire peu de profits).
Cette agitation, relayée par les membres des tribus qui constituent une part
importante de la population, a dégénéré en une violence endémique, obligeant le
pouvoir central à dépêcher en permanence des milliers de militaires sur place.
En quatre ans, ce conflit lointain a fait des centaines de morts.
Mais ce sont les élections locales organisées en février 1983 par Mme Gandhi qui
ont mis le feu aux poudres.
Durant les quelques semaines de parodie de campagne
électorale et de scrutin, au moins 2 500 habitants de cet État, toutes
communautés mêlées, ont été massacrés à coups de machettes, flèches ou haches,
30 000 maisons ont été brûlées et des milliers de réfugiés ont quitté l'État.
Les associations nationalistes assamaises avaient appelé au boycott de ces
élections tant que des "immigrés" seraient inscrits sur les listes.
Seuls dix
pour cent du corps électoral ont voté, assurant une victoire sanglante aux
partisans d'Indira Gandhi.
Dans ce pays féru de démocratie où durant les
élections, seules des forces para-militaires sont intervenues, le Premier
ministre a renvoyé des renforts de l'armée immédiatement après le scrutin.
Un
calme extrêmement précaire y est revenu en mars après l'appel à une trêve des
deux principales organisations assamaises.
Mais on ne voit pas la fin de ce
conflit dans lequel toutes les communautés se dressent les unes contre les
autres dans l'Assam, ce microcosme cauchemardesque de l'Union indienne.
A des milliers de kilomètres à l'est de l'Assam, c'est le Pendjab, peuplé de
seize millions d'habitants (dont huit millions de sikhs) qui est entré en
rébellion.
La violence dans cet État du nord de l'Inde n'a jamais atteint le
niveau de celle de l'Assam, même si une centaine de sikhs sont déjà morts en
prison ou au cours de manifestations.
Les membres les plus extrémistes de cette
communauté, riche et guerrière, vont jusqu'à réclamer l'indépendance du Pendjab,
qui serait transformé en un mini-Vatican théocratique, du moins pour les plus
exaltés.
Les plus modérés, eux, exigent que leur religion, leurs sanctuaires et
leurs interdits alimentaires soient reconnus.
Indira Gandhi a accepté certaines
de ces demandes à condition qu'elles restent du domaine du sacré.
Elle s'est en
revanche refusée à tout compromis politique: le Pendjab, berceau de la
Révolution verte, est un État trop important pour l'économie de l'Inde, mais
aussi pour son système de défense, en raison de la proximité du Pakistan et du
Cachemire, pour que New Delhi encourage la moindre velléité autonomiste...
La débâcle du Congrès
Dans l'Inde dravidienne, l'Inde du Sud non aryenne, les mouvements régionalistes
ont également volé de succès en succès.
Après le Tamil Nadu, l'État de Madras
perdu en 1967 par le parti d'Indira Gandhi, c'est le tour en janvier 1983 du
Karnataka et de l'Andhra Pradesh.
La défaite d'Indira dans cet État contrôlé
depuis l'indépendance par son parti a eu un retentissement national tel qu'elle
a alimenté des rumeurs d'élections anticipées.
Imaginez la fille de Nehru, qui
pourtant n'avait pas ménagé sa peine, traversant l'Andhra dans tous les sens
avec son fils, battue à un scrutin régional par un acteur de cinéma! N.T.
Rama
Rao, novice en politique mais sacralisé par tous les rôles de divinités incarnés
dans 300 films à succès (parlés en telugu, la langue de l'État), a en effet
écrasé le Parti du Congrès.
Son programme, des plus flous, était fondé sur des
slogans régionalistes revendiquant une dignité nouvelle pour ses compatriotes
négligés par les politiciens anglicistes de New Delhi.
Dans le Karnataka, le
Congrès a également subi une défaite, d'une moindre ampleur cependant.
Un
troisième État, le Tripura, est resté en janvier aux mains de l'opposition
communiste au pouvoir depuis 1978.
Au Bengale occidental (où se trouve
Calcutta), les communistes ont aussi remporté, en mai 1982, une nouvelle
victoire sur le Congrès.
Seul le succès des partisans d'Indira à New Delhi en
février 1983 a interrompu cette série de revers, qui ont conduit la presse et
les politiciens indiens à mettre en doute la "légitimité" du Premier ministre.
Une histoire de famille
Face à cette manifeste usure du pouvoir, on a cru qu'Indira allait réagir avec
vigueur.
En février 1983, elle a démissionné tout son gouvernement et plusieurs
dirigeants du Congrès...
pour, à quelques exceptions près, reprendre les mêmes
et nommer son fils Rajiv, secrétaire national du Parti du Congrès.
Une fois de
plus, la montagne accouchait d'une souris.
Le Congrès, qui fut une
exceptionnelle machine à engranger des voix et qui n'a pas connu d'élections
depuis 1969, avait pourtant bien besoin d'un appel d'air.
Mais Indira, dans son
dialogue avec l'Inde, paraît n'avoir que faire des partis et autres médiateurs
de son pouvoir.
Ce mépris, y compris pour le Parlement, a suscité des
spéculations: la fille de Nehru voudrait transformer la démocratie indienne
"tendance Westminster" en un régime présidentiel "tendance française".
La
désignation de Zail Singh, le candidat qu'elle a imposé à la présidence de la
République (poste....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓