Inde 1987-1988 La pente dangereuse L'Inde bouscule toutes les certitudes. Le grand pays du Sud qui, il y a peu,...
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Inde 1987-1988
La pente dangereuse
L'Inde bouscule toutes les certitudes.
Le grand pays du Sud qui, il y a peu, se
distinguait par une situation économique relativement saine est de plus en plus
déconcertant.
L'année des festivals - le festival de l'Inde en URSS puis sa
réciproque en Inde, mois du Japon en décembre 1987, l'année de la France en Inde
en 1988 - aura également été celle des lendemains qui déchantent au plan
économique et celle des coups de théâtre en politique.
Le bilan est alors
d'autant plus difficile à dresser que cette évolution en dents de scie suffit,
par elle-même, à placer l'Inde sur une pente dangereuse.
Le principal drame économique tient à la sécheresse qui, en 1987, a sévi dans
toute l'Asie.
En politique étrangère, le pays a vu son prestige et sa puissance
rehaussés - et l'attention sur ses problèmes internes détournée - par l'aventure
militaire engagée par le gouvernement contre les Tamouls de Sri Lanka qu'il
avait aidés auparavant.
En politique intérieure, un contraste sensible s'est
dessiné entre une année 1987 caractérisée par l'effritement manifeste de la
popularité du Premier ministre et un début 1988 qui a permis à Rajiv Gandhi
d'effectuer un rétablissement imprévu grâce à quelques victoires électorales
spectaculaires.
Au printemps 1988, de nombreux signes - amplifiés par les médias - indiquaient
une aggravation de la crise de mutation dans laquelle l'Inde est engagée et
laissaient peser des doutes sur le sort de Rajiv Gandhi aux élections de 1989.
Et pourtant ce pays, aux prises avec les pires difficultés, dont l'armée était
engagée dans diverses opérations de maintien de l'ordre interne et à Sri Lanka,
en alerte aux frontières, a mis en orbite son propre satellite d'exploration à
distance à partir du territoire soviétique (mars 1988) et a réussi, en février
1988, son premier lancement d'un missile terre-terre.
Fait significatif, ce
dernier a été lancé d'un État, l'Andhra Pradesh, qui, comme le Bihar, connaît
une recrudescence du mouvement révolutionnaire naxalite (responsable de prises
d'otages de fonctionnaires en décembre 1987).
L'Inde a aussi été l'un des
principaux promoteurs de la déclaration de Stockholm sur le désarmement (janvier
1988).
A l'intérieur, la tradition hindoue s'est réaffirmée de manière militante ;
l'année 1987 a connu de nombreux troubles intercommunautaires et intercastes et
même un cas de sati (immolation de la veuve sur le bûcher du mari) qui
nécessita, en janvier 1988, après des mois de controverses, le vote d'une
nouvelle loi réprimant cette pratique.
Mais ce pays s'est maintes fois relevé
alors qu'il était au plus bas.
On peut donc espérer qu'il aura raison de la
grave situation économique qui pointe à l'horizon.
La prospérité tarie?
Le principal sujet de fierté du gouvernement est d'être parvenu à maintenir
l'augmentation annuelle officielle de la production industrielle à 8% alors que
se manifestait la pire sécheresse du siècle.
En revanche, le déficit en céréales
de la production agricole de l'été 1987 n'a pas été entièrement compensé par une
excellente récolte d'hiver et, au printemps 1988, la sécheresse sévissait
toujours dans de nombreuses régions.
En outre, il manquerait de 140 à 160
milliards de roupies, au moins, pour achever de financer le VIIe plan.
Le
service de la dette extérieure, en augmentation, risquant d'atteindre 25% en
1988-1989, aucune aide ne pourra combler le déficit sans danger pour les
équilibres économiques.
L'endettement intérieur a lui aussi atteint un niveau jugé dangereux.
Or
l'inflation, officiellement de 9,3%, devrait croître non seulement en raison de
la pénurie de denrées alimentaires et des stockages spéculatifs mais aussi à
cause du déficit budgétaire de 75 millions de roupies prévu pour l'année fiscale
1988-1989.
On note par ailleurs un ralentissement de l'investissement ; les avantages
fiscaux prévus au budget en faveur de la création d'entreprises ne semblent pas
devoir l'arrêter car, en même temps, les impôts spéciaux "sécheresse" instaurés
en 1987 (10% d'impôt supplémentaire sur la fortune et 5% de plus sur le revenu)
ont été reconduits pour un an.
En outre, des mesures en faveur des agriculteurs
et une augmentation de 15% des dépenses militaires devront être financées par
des impôts directs déjà lourds.
Seuls des facteurs propres à restaurer la confiance semblaient pouvoir modifier
ce tableau d'ensemble.
Mais jusqu'en 1988, la majorité a seulement prouvé
qu'elle restait mieux placée que toute autre combinaison politique pour
gouverner l'Inde ; le bandh (grève générale) du 15 mars 1988 qui semble avoir
été un franc succès pour l'opposition a montré les limites de la popularité du
parti gouvernemental.
Rajiv à qui perd gagne
Outre l'accession du territoire de Goa au rang d'État de l'Union, l'année 1987 a
été marquée par des événements spectaculaires: controverse entre le président et
le Premier ministre qui a failli dégénérer en crise de régime, scandales
débouchant sur une mise en cause sans précédent du Premier ministre lui-même,
échec électoral retentissant du Congrès-I (parti de la majorité) et
intensification des violences particularistes au Pendjab et dans la région de
Darjeeling.
En revanche, l'année 1988 a été inaugurée par des succès électoraux inattendus
du Congrès-I et par une nouvelle controverse constitutionnelle qui a mis cette
fois sur la sellette le vice-président de l'Union.
Celui-ci, empêché de remplir
librement ses fonctions de président du Rajya Sabha par les protestations des
parlementaires membres du Congrès-I lors d'une séance houleuse, alla, en
février, jusqu'à offrir sa démission.
Vite réglée, cette affaire a eu moins de
retentissement que celle de l'année précédente, qui avait laissé croire à un
possible (bien qu'inconstitutionnel) renvoi du Premier ministre par le président
Zail Singh.
Sur fond de scandales, le différend avait alors atteint de telles
proportions que seule l'élection triomphale de Ramaswami Venkataraman à la
présidence de l'Union, le 23 juillet, avait pu y mettre fin.
Tous les espoirs
des critiques du gouvernement reposaient en effet sur une éventuelle division de
la majorité.
Les principales "affaires" qui ont défrayé la chronique ont donné la vedette à
l'ancien ministre des Finances, Vishwanath Pratap Singh, passé ensuite à la
Défense, qui, à ces deux postes, chercha à lutter contre la corruption.
La
première - relative à des infractions au contrôle des changes qu'il avait
dévoilées - commençait déjà à se retourner contre lui (en raison du rôle joué
dans l'enquête du ministère des Finances par une agence américaine, Fairfax,
dirigée par un ancien de la CIA) quand éclata la seconde.
Celle-ci portait sur
des "pots-de-vin" versés à un agent indien lors de la signature d'un important
contrat d'armement avec la firme suédoise Bofors, mettant en cause l'entourage
immédiat du Premier ministre.
Ayant institué une commission d'enquête chargée de
faire la lumière sur cette affaire, V.P.
Singh fut acculé à la démission en
avril 1987 par les attaques de parlementaires congressistes apparemment désireux
de plaire au Premier ministre.
Soutenu par quelques dirigeants du Congrès-I,
tous anciens ministres, il poursuivit néanmoins sa campagne contre la
corruption.
A la mi-juillet 1987, alors que la majorité - qui venait de recevoir
un camouflet aux élections de l'Haryana - était harcelée par l'opposition,
l'acteur Amitabh Bachhan, ami personnel de Rajiv Gandhi, démissionna de son
siège de député.
Le lendemain, ce fut le tour d'Arun Singh, secrétaire d'État à
la Défense, homme respecté mais....
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