Indonésie 1988-1989 Nouvelle chasse aux sorcières A la tête de l'État depuis vingt ans, le général Suharto a laissé entendre...
Extrait du document
«
Indonésie 1988-1989
Nouvelle chasse aux sorcières
A la tête de l'État depuis vingt ans, le général Suharto a laissé entendre que
son cinquième mandat présidentiel (mars 1988-1993) serait le dernier.
La
perspective de sa succession a donné un accès de fièvre aux milieux dirigeants.
Peut-être était-ce le but recherché par cet habile politique qui ne veut pas
désigner de dauphin, dose savamment les nominations et n'avait jusqu'alors
laissé se révéler les ambitions que pour mieux les réduire.
Sans doute
n'accepterait-il de quitter le pouvoir qu'avec l'assurance de ne pas subir le
sort d'un Ferdinand Marcos aux Philippines.
Stabilité politique, mais à quel prix?
Sans remettre en cause le rôle prépondérant de l'armée, deux clans s'affrontent.
Celui des forces armées dont l'homme fort reste le général Benny Murdani,
ministre de la Défense, a déclenché une campagne contre le nouveau
vice-président de la République, le général Sudharmono qui a poursuivi, dans
l'ombre de Suharto, une carrière purement bureaucratique et qui s'appuie sur le
Golkar, le parti gouvernemental qu'il a dirigé de 1983 à 1988.
En garderait-il
la présidence après le congrès d'octobre 1988? Tel était l'enjeu.
Accusé de
sympathies pro-communistes dans les années quarante, pendant la lutte pour
l'indépendance (véritable anathème pour ce régime qui a mis le marxisme hors la
loi, et où le communisme est toujours le "danger latent"), il a dû se disculper
publiquement.
Mais en octobre, c'est un général plus "neutre", Wahono, qui a
pris la direction du Golkar au sein duquel l'armée a toutefois renforcé son
influence.
De son côté, Sudharmono a réussi à y conserver un rôle important.
Rien n'est joué.
D'abord d'objectif limité, la nouvelle chasse aux sorcières a pris une ampleur
imprévue.
Faute d'un entourage suffisamment "propre", des dirigeants du Golkar
ont dû se retirer.
Les ministères filtrent leur personnel.
La presse a été
invitée à la vigilance.
Les anciens prisonniers politiques, libérés en 1979
après quelque quinze ans d'internement, ont de nouveau été inquiétés.
Le plus
célèbre d'entre eux, le romancier Pramudyo Ananta Toer, distingué en avril par
le Pen Club, a vu sa dernière oeuvre interdite.
Par ailleurs, un livre sur le
coup d'État de 1965, Qui sème le vent récolte la tempête, dont l'auteur,
militaire, accusait de communisme l'ancien président Sukarno renversé en 1965,
est venu alimenter la polémique sur les critères de "propreté" idéologique:
l'indépendance nationale aurait-elle été proclamée par un communiste! A cette
occasion un sondage a montré la popularité persistante de l'ancien président et
des divergences se sont manifestées parmi les ministres.
De son côté, Suharto,
dans une autobiographie dont la publication a été curieusement retardée, s'est
défendu une nouvelle fois d'avoir pris le pouvoir par un coup de force.
Le rôle futur de l'armée
Derrière tout cela se pose la question du rôle que jouera l'armée lorsque les
généraux qui légitiment leur pouvoir par la part qu'ils ont prise à la lutte
pour l'indépendance, seront à la retraite.
Malgré quelques voix dissidentes, il
ne fait aucun doute que l'armée conservera le pouvoir au nom de sa "double
fonction" (militaire et politique) réaffirmée dans une nouvelle loi militaire
adoptée non sans discussions en février 1988.
La suppression (septembre 1988) du
Kopkamtib, le puissant organisme de sécurité créé en 1965 pour assurer
l'élimination des communistes et maintes fois dénoncé par les opposants
démocrates, ne doit pas faire illusion: il a été aussitôt remplacé par un
équivalent dont seul le nom est plus "civil".
Le 7 février 1989, l'armée a donné
un nouvel exemple de sa détermination à réprimer toute contestation: elle a rasé
un village de Sumatra sud, faisant officiellement 27 morts (en réalité sans
doute une centaine).
Les autorités ont invoqué l'extrémisme musulman, puis
communiste, dans cette région où de nombreux "migrants" javanais ont été
"implantés".
Il s'agirait en fait d'un conflit foncier, des occupants refusant
d'être chassés de leurs terres au profit du reboisement ou de certains intérêts
financiers de Jakarta.
Les cas d'évictions forcées se multiplient, en
particulier à Java (comme pour le barrage de Kedungombo), suscitant des
résistances vite dénoncées comme subversives, mais soutenues par un activisme
renaissant (avril-mai 1989), malgré l'interdiction qui le frappe depuis 1978.
Autre pôle d'opposition, les milieux musulmans ont eu plusieurs nouveaux griefs
contre le régime: le maintien d'un système de loterie sportive malgré leurs
protestations (ils avaient obtenu l'interdiction des jeux de hasard), puis la
découverte, en novembre, de graisse de porc dans certains produits alimentaires
a déclenché leur....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓