Indonésie 1993-1994 Les limites de l'"ouverture" Après la reconduite du général Suharto (âgé de soixante-treize ans et à la tête...
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Indonésie 1993-1994
Les limites de l'"ouverture"
Après la reconduite du général Suharto (âgé de soixante-treize ans et à la tête
de l'État depuis 1968), le 10 mars 1993, la succession présidentielle a continué
de dominer une vie politique stimulée par le maintien de l'"ouverture",
particulièrement sensible dans le domaine de la presse, mais dont les limites
restaient évidentes.
Le ministre de la Recherche, Bacharuddin Jusuf Habibie,
favori du président Suharto et "bête noire" de l'armée, a pris l'initiative d'un
rapprochement avec les "dissidents", généraux à la retraite et anciens
ministres, qui, en 1980, avaient signé la "pétition des cinquante" contre le
chef de l'État.
Le point d'orgue a été l'entrevue entre le général Nasution
(soixante-quinze ans), "père de l'armée" et Suharto le 24 juillet 1993.
Pris à
contre-pied, les dirigeants militaires ont sacrifié à la "démocratisation" en
rendant visite, le 13 juillet, à Nasution qui a enfin été autorisé à aller se
faire soigner - aux frais de l'armée - à l'étranger.
Si la démarche de soixante
écrivains, le 21 août 1993, auprès du ministre de la Culture en faveur de
Pramudya Ananta Toer dont les romans sont demeurés interdits, est restée vaine,
plusieurs personnalités musulmanes, emprisonnées en 1985 après une série
d'attentats, ont été libérées sous condition en août et septembre.
Le 17 août,
Suharto soulignait que la prospérité allégeant les impératifs de sécurité,
frictions et controverses devenaient inévitables; une commission nationale des
droits de l'homme était créée un mois plus tard.
Suharto, l'armée et la contestation
La compétition entre le président et l'armée a été marquée dans les principaux
partis.
Critiquant ouvertement la direction sortante (militaire) du Golkar,
l'organisation gouvernementale, lors de son cinquième congrès en octobre 1993,
Suharto a imposé comme nouveau président du parti son ministre de l'Information,
Harmoko, premier civil à ce poste.
"Habibie et Harmoko ne seront rien quand
Suharto ne sera plus là", a rapidement commenté un général.
Tutut et Bambang,
fille et fils du chef de l'État, se sont, quant à eux, vu octroyer des postes
importants au sein de la formation.
En revanche, Suharto a dû finir par accepter
que la fille de l'ancien président Sukarno (1945-1967), Megawati (quarante-six
ans), accède à la présidence du Parti démocratique indonésien (PDI) en décembre
1993.
Celle-ci devait son triomphe à la popularité de feu son père et au soutien
de l'armée...
La nomination du nouveau commandant des forces militaires, le 21 mai 1993, et la
restructuration de leurs services secrets en janvier 1994 ont marqué la volonté
du pouvoir de dissiper l'influence persistante de l'ancien homme fort de
l'armée, le général Murdani.
L'image et le rôle de cette institution ont été mis
en cause lors de deux "affaires".
Fin juillet, lors de l'attaque d'une secte
musulmane dissidente à Java-Ouest, huit personnes ont été tuées.
Deux mois plus
tard, l'armée a tiré sur des paysans de Madura qui manifestaient contre la
construction d'un barrage, tuant quatre d'entre eux.
La colère a grondé, des
sanctions ont été prises contre les officiers responsables, et des Musulmans ont
osé demander une enquête sur un autre massacre, celui de Tanjung Priok, perpétré
en 1984.
Retrouvant leur élan, les étudiants ont manifesté jusque devant le palais
présidentiel pour réclamer la suppression d'une loterie condamnée par l'islam
mais rapportant gros à une Fondation présidentielle aux comptes peu
transparents.
Très réticent, le gouvernement a fini par obtempérer le 25
novembre.
Les manifestations continuant, vingt et un étudiants ont été arrêtés
le 14 décembre 1993 pour "outrage au chef de l'État".
Suharto a condamné
durement ceux qui, "comme les communistes, exploitent la démocratie à leurs
propres fins".
Officiellement toujours à l'ordre du jour, la détente pâlissait
donc.
Un regain de criminalité au début de 1994, avec notamment le meurtre d'un
général dans la rue, a suscité une répression vigoureuse de la police et de
l'armée; plusieurs criminels ont été abattus.
Il y a eu officiellement 185 grèves en 1993 avec pour revendications
l'amélioration des salaires et des conditions de travail et la liberté
syndicale.
Saisi par deux organisations humanitaires, le gouvernement américain
a exercé des pressions pour que satisfaction soit obtenue, sous peine de priver
Jakarta d'avantages commerciaux liés au système des préférences généralisé et
rapportant 645 millions de dollars américains par an au pays.
Dans ce contexte,
l'assassinat, en mai 1993, d'une ouvrière de Java-Est, Marsinah, animatrice d'un
mouvement de grève, a suscité de vives réactions à travers tout le pays (presse,
étudiants, organisations non gouvernementales); quelques mois plus tard, il est
apparu que ses assassins avaient avoué sous la torture, peut-être pour couvrir
la responsabilité d'un militaire.
L'affaire a fait grand bruit.
N'était-ce pas
le test de sincérité de l'"ouverture" prônée par le régime?
Réagissant aux pressions américaines, le gouvernement a pris des mesures
favorables aux travailleurs: augmentation du salaire minimum journalier (qui
restait variable - l'équivalent de deux dollars à Jakarta - et peu respecté),
autorisation des négociations collectives dans l'entreprise; l'armée a, par
ailleurs, perdu le droit d'intervenir dans les conflits du travail et le
syndicat gouvernemental unique a été subdivisé en sections autonomes.
En
revanche, le syndicat indépendant Prospérité, créé en mai 1992, n'a pas été
autorisé et son congrès a été interdit.
Début avril 1994, il a organisé une
grève très suivie à....
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