Indonésie 1998-1999 La victoire de Megawati Après une année de tempête politique et de désastre économique, l'Indonésie a semblé connaître...
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Indonésie 1998-1999
La victoire de Megawati
Après une année de tempête politique et de désastre économique, l'Indonésie a
semblé connaître une accalmie en 1999 et entrer peu à peu en démocratie.
La
chute du président Suharto, le 21 mai 1998, après trente-deux ans de pouvoir
autoritaire, a été suivie d'une série de réformes politiques importantes.
La
liberté de la presse apparaissait désormais "acquise", plus de 1 000 nouveaux
titres ayant fait leur apparition depuis la fin de la dictature.
Le
multipartisme a été légalisé dès le mois de juin et, en novembre 1998,
l'Assemblée votait une série de textes organisant la tenue d'élections libres,
qui ont eu lieu le 7 juin 1999.
Ces dernières visaient à pourvoir 462 sièges à
la chambre basse (DPR), 68 sièges restant réservés par décret aux forces armées;
elles ont consacré la victoire du nationalisme intransigeant du Parti
démocratique indonésien - Combat (PDI-P) de Megawati Sukarnoputri.
En termes économiques, la roupie s'est stabilisée au taux de 8 000 pour 1 dollar
(premier semestre 1999) et l'inflation aura été de 61 % en 1998 durant la même
période.
Le rythme des licenciements a fortement diminué, et l'on notait même
une légère reprise de l'embauche dans le secteur des services, après une "série
noire" de banqueroutes.
Pourtant, les tensions sociales restaient fortes et
l'unité nationale se trouvait mise en péril par la renaissance de mouvements
séparatistes.
Une libéralisation politique limitée
Dès son accession à la Présidence, le 22 mai 1998, Bacharuddin Jusuf Habibie,
dauphin désigné du président Suharto, s'est trouvé contraint, pour désamorcer la
colère populaire, de rétablir certaines libertés publiques, comme le droit
d'association et d'expression.
Souhaitant engager le pays sur la voie d'une
réforme ("Reformasi") de grande ampleur, le nouveau chef de l'État a ainsi mis
fin au tripartisme de l'Ordre nouveau (en effet, depuis 1974, seuls trois partis
étaient autorisés à concourir lors des élections quinquennales: le PDI, le Parti
uni du développement - PPP - et le Golkar), et annoncé la tenue d'élections
libres.
Durant l'été 1998, des dizaines de partis politiques ont vu le jour.
Amien Raïs, critique virulent de Suharto et intellectuel islamique réformiste
dirigeant l'association Muhammadjiyah (laquelle affirme compter 26 millions de
membres), a créé le Parti du mandat national (PAN).
Il comptait rassembler les
suffrages des citadins des classes moyennes, mais son relatif échec électoral
(moins de 10 %) a laissé à penser que les nouveaux partis islamiques s'étaient
frayé un chemin dans les réseaux de l'islam réformiste.
Abdurrahman Wahid, le
leader de l'association conservatrice Nahdlatul Ulama (Renaissance des oulémas),
a fondé le Parti de l'éveil national (PKB), tablant sur le soutien des écoles
coraniques rurales pour rallier la petite paysannerie.
Megawati Sukarnoputri a
également profité de cette ouverture politique pour tirer avantage de la stature
mythologique que lui confère sa filiation avec Sukarno, premier président de la
République d'Indonésie et leader du mouvement nationaliste durant la période
coloniale.
Elle a tenu un discours nationaliste de plus en plus orthodoxe à
l'approche du scrutin, se déclarant notamment opposée à l'indépendance de Timor
oriental (ancienne colonie portugaise annexée par la force en 1975) et
condamnant sans appel la guérilla séparatiste d'Aceh (nord-est de Sumatra).
Les anciens partis légaux ont, également, réussi à intégrer le nouveau jeu
politique.
Le Golkar, parti du pouvoir sortant, s'est doté en juillet 1998 d'une
nouvelle direction: Akbar Tanjung, son secrétaire général, et Marzuki Darusman,
le président de la Commission nationale des droits de l'homme, lui ont redonné
une certaine crédibilité en jouant sur le désir de stabilité des classes
moyennes après les émeutes du printemps 1998.
Certaines petites formations,
comme le Parti de la souveraineté populaire ou le Parti de la République soupçonnés d'avoir été financés par les alliés de Suharto et d'avoir détourné
les fonds d'un programme de lutte contre la pauvreté -, occupaient le même
terrain, refusant au nom de la paix civile que soient jugés les anciens
dignitaires du régime Suharto.
Enfin, le Parti uni du développement (PPP ou P3,
ex-parti musulman officiel) a fait campagne sur le thème de la fidélité à
l'islam et regagné le soutien de la communauté santri, la bourgeoisie dévote.
Selon les premières estimations, le PDI-P aurait remporté 34 % des suffrages, le
Golkar 22 %, le PKB 12 %, le PPP 10 % et le PAN 7,8 %.
La naissance d'une pléthore de partis islamiques n'aura pas conduit à enflammer
les identités religieuses, dans un archipel où 90 % de la population se réclame
de l'islam mais où la manière dont celui-ci est vécu diffère fortement d'une
région à une autre.
Le succès du PDI-P de Megawati démontre, au contraire, que
les clivages déterminants dans la formation des préférences politiques sont
variés: chaque parti a réussi à se constituer une base électorale sur des
critères de classe sociale et, par ailleurs, les effets de charisme ont
certainement conduit à voter pour un candidat plus que pour une ligne
idéologique.
La composition sociale de l'élite politique a certes changé, mais pas dans un
sens égalitariste: une nouvelle catégorie de notables, issue de la petite
bourgeoisie provinciale, tend à remplacer les barons de l'Ordre nouveau.
Même si
les discours populistes ont fait florès, le sort du "petit peuple" n'a pas fait
l'objet d'une grande considération.
Une situation économique et sociale explosive
Alors que la récession a atteint - 13,7 % en 1998, le FMI prévoyait un taux de 4 % pour 1999.
Pour autant, la situation économique était encore loin d'inciter
à l'optimisme.
La crise s'est traduite par des millions de licenciements dans
les secteurs secondaire et....
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