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[Introduction] Comme d'autres romantiques, Victor Hugo s'était fait une haute idée de la place du poète dans la cité des...

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« [Introduction] Comme d'autres romantiques, Victor Hugo s'était fait une haute idée de la place du poète dans la cité des hommes.

Il l'avait défini comme « l'homme des utopies », « le rêveur sacré », le guide des peuples, dans une pièce des Rayons et les Ombres, intitulée «Fonction du poète».

Plus tard, durant l'exil, voyant de loin la France gémir sous le joug d'un tyran, il va fustiger Napoléon III et annoncer des lendemains lumineux, communiquer aux hommes les desseins de la Providence et réveiller dans le peuple le sentiment de la liberté.

Il s'assigne ainsi une triple fonction dans Les Châtiments : poète satirique, prophète et médiateur. [I.

Le poète satirique] L'objectif des Châtiments est de dénoncer le crime du 2 décembre 1851 et d'en punir les responsables par « la parole qui tue ».

À cet effet, le poète manie le fouet de la satire avec d'autant plus de vigueur qu'il a vu lui-même le sang couler. [1.

Le belluaire] La Muse Indignation, invoquée au début du recueil, inspire au poète une profusion de termes féroces et de métaphores injurieuses à l'adresse de Napoléon III : « assassin », « chourineur », « pirate empereur », « voleur », « traître », « ogre galonné » et « nain », « bâtard » et « histrion ».

Il les emprunte aux domaines les plus divers : l'histoire (Néron, Mandrin et Cartouche), le théâtre (Robert Macaire), le monde des bêtes : « chacal à sang froid », « pourceau dans le cloaque et loup dans le charnier ».

Pas plus que ce « Prince qu'aucun de ceux qui lui donnent leur voix Ne voudrait rencontrer le soir au coin d'un bois », il n'épargne les acolytes du « bandit » : Troplong, Baroche, Maupas, Mgr Sibour, le journaliste Louis Veuillot...

Il les traite de « coquins », de « ruffians », de « sophistes » et de « soudards ».

Dans l'un des poèmes les plus réussis de cette veine satirique, « On loge à la nuit » (IV, 13), Victor Hugo tisse tout un réseau d'allégories pour montrer, à « l'auberge Louvre », Troplong en tournebroche faisant rôtir le bœuf Peuple afin de régaler « Tom-Pouce Attila », tandis que Baroche vient lécher les bottes du maître.

Comme le montre ce dernier exemple, la satire est souvent relayée par d'autres registres : le grotesque, l'épique, l'ironie surtout.

Ainsi les sept livres du recueil ont pour titres les slogans assénés par le nouveau régime pour asseoir son pouvoir, mais qui sont autant d'antiphrases : « La société est sauvée », « L'ordre est rétabli », « La religion est glorifiée ». [2.

Le témoin] La colère de Victor Hugo contre Napoléon s'appuie sur le chagrin et la pitié pour ses victimes.

Exilé volontaire dans les îles Anglo-Normandes, il compatit aux souffrances des proscrits, des martyrs des pontons, des condamnés au bagne, des déportés, telle Pauline Roland, la militante socialiste, qui contracta en Algérie une fièvre mortelle.

En décembre 1851, il avait participé à la toilette funèbre de cet enfant de sept ans tué rue Tiquetonne, qu'il évoque dans « Souvenir de la nuit du quatre » et avait souffert de son impuissance face à la douleur de la grand-mère ; il avait vu les morts du cimetière Montmartre, « ensevelis la tête hors de terre », qu'il décrit dans « Nox ».

Il était descendu dans « l'enfer morne » des caves de Lille où des hommes et des femmes ravalés au rang de bêtes par la misère n'avaient parfois que des trous creusés dans la terre pour y coucher leurs enfants : « J'ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière Râler l'aïeul flétri.

» Toutes ces « choses vues » et vécues donnent aux Châtiments un incomparable accent de sincérité, et si Victor Hugo souffre tant de voir bafoué le glorieux héritage de la Révolution et de l'Empire, c'est parce qu'il compte des combattants de la liberté parmi ses ascendants : « C'est pour toi que mon père et mes oncles vaillants Ont répandu leur sang dans les guerres épiques.

» Ainsi la satire n'est jamais plus mordante que lorsqu'elle transforme le règne de Napoléon III en une épopée à rebours : Napoléon le Petit au lieu du vainqueur d'Arcole, la chouette au lieu de l'aigle, l'égout au lieu du soleil des Pyramides.

Mais Victor Hugo, génie des contrastes, a une vision antithétique du monde.

Il sait que l'aube succède toujours à la nuit. [II.

Le visionnaire] L'architecture même du recueil, qui s'ouvre sur « Nox » et se termine sur « Lux », trace un itinéraire qui mène des ténèbres à la lumière, de l'oppression à la liberté, de l'obscurantisme au progrès.

Le penseur sait que les lendemains seront moins sombres et le prophète gonfle sa voix pour l'annoncer. Seul sur son rocher, le poète contemple la mer, absorbé dans sa méditation.

Victor Hugo aime à se peindre comme le « proscrit pensif ».

Il est persuadé que la pensée n'est pas la chose du monde la mieux partagée, car beaucoup d'hommes se contentent d'une vie purement végétative : « Inutiles, épars, ils traînent ici-bas Le sombre accablement d'être en ne pensant pas ». La pensée est aussi un trésor qu'il faut défendre contre le pouvoir qui, soupçonnant le penseur de manœuvres subversives, n'hésiterait pas à rallumer les bûchers pour des autodafés de livres aussi sulfureux que Les Châtiments.

Pour un régime autoritaire, « Qu'est-ce que la pensée ? Une chienne échappée. Mettons Jean-Jacques au bagne et Voltaire au chenil ». Le poète contemple donc son temps et juge avec la même sévérité son « époque callipyge », le tyran et ses courtisans, l'inertie du peuple et sa lâcheté face aux épreuves des martyrs de la liberté.

S'il exprime avec force son mépris et sa colère, il dit aussi sa foi en un avenir plus riant, car il est persuadé que le salut du peuple viendra des penseurs.

Déjà, d'après la belle allégorie de la caravane humaine, reprise de Lamartine,.... »

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