Introduction - Comment décrire la relation privilégiée que nous entretenons avec les livres? De nombreux auteurs ou lecteurs s'y sont...
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Introduction
- Comment décrire la relation privilégiée que nous entretenons avec les livres? De
nombreux auteurs ou lecteurs s'y sont essayés, en racontant, comme Montaigne dans
ses Essais ou J.-J.
Rousseau au début des Confessions, leurs premières lectures.
- Un écrivain du XXe siècle, Claude Roy, propose une métaphore qui transforme les
ouvrages en des êtres humains : « Les livres sont pour moi plutôt des amis que des
serviteurs ou des maîtres.
» Aux rapports de force sociaux, Claude Roy préfère donc des
liens affectifs et noués dans l'égalité.
Mais comment sa formule s'applique-t-elle aux
livres ?
- D'où les axes de réflexion suivants :
I.
Les livres ne doivent être ni des serviteurs ni des maîtres
II.
Les livres doivent être des amis
I.
Ni serviteurs, ni maîtres
A.
Les livres ne doivent pas être des serviteurs
L'image de Claude Roy suggère que les livres se contentent de rendre des services,
payés par le lecteur qui prend le statut de maître.
Si le prix du livre, acheté en librairie,
correspond à la métaphore, la relation de service est moins évidente.
Elle correspond
cependant à certaines situations.
1.
Les livres, serviteurs d'un individu
- Lorsque nous achetons un livre pour passer simplement le temps, pour nous distraire,
sans en attendre rien d'autre que ce service, nous le considérons un peu comme un
serviteur.
Ex.
: les « romans » de gare, littérature facile destinée à faire oublier la longueur du
trajet, constituent des récits d'amour, d'aventures ou des romans policiers banals,
comme la collection Harlequin ou SAS, prêts à être oubliés ou jetés après consommation.
Les livres qui donnent des renseignements, qu'il s'agisse de manuels scolaires ou de
guides touristiques, d'ouvrages de vulgarisation scientifique, nous rendent un service,
rien de plus.
2.
Les livres, serviteurs des goûts du public
- Plus subtilement, on peut placer dans cette catégorie les livres qui flattent les goûts du
public ou d'un public, et ne leur apportent rien d'autre que ce qu'ils attendent.
Ex.
: dans Les Faux-Monnayeurs, André Gide présente un écrivain, le comte de
Passavant, qui écrit ses ouvrages pour plaire à la jeunesse.
Il se contente de suivre la
mode.
« Pour Passavant, l'œuvre d'art n'est pas tant un but qu'un moyen.
Les
convictions artistiques dont il fait montre, ne s'affirment si véhémentes que parce
qu'elles ne sont pas profondes ; nulle secrète exigence de tempérament ne les
commande ; elles répondent à la dictée de l'époque ; leur mot d'ordre est : opportunité »
(chapitre VIII).
- Au contraire, pour A.
Gide, le véritable écrivain, incarné par son personnage Edouard,
doit inquiéter ses lecteurs, les faire évoluer, leur apprendre réellement quelque chose de
nouveau sur eux-mêmes.
Ces vertus ne sont pas de celles qu'on attend d'un serviteur...
Or la ligne de partage entre ces deux types de livres est claire dans notre société, où
toute une littérature de consommation produit des best-sellers destinés à satisfaire les
besoins temporaires du grand nombre.
B.
Les livres ne doivent pas être des maîtres
Les livres deviennent des maîtres lorsque le lecteur s'incline devant leur autorité, sans se
permettre de réflexion critique.
Ce phénomène est très courant.
1.
Le livre, instrument de domination politique
Certains régimes politiques utilisent la lecture pour imposer un culte de la personnalité et
une organisation sociale.
Ex.
: le Petit livre rouge du président Mao Ze-Dong, qui proposait aux Chinois l'essentiel
de ce qu'ils devaient croire et faire.
Dans ces régimes, les écrivains opposants subissent la censure ou l'exil.
Parfois même,
tout ce qui dans la littérature pourrait compromettre la suprématie du système totalitaire
est condamné et supprimé des librairies.
Ex.
: durant l'hitlérisme, le conte du Chat botté fut considéré comme subversif, parce
qu'il montre un chat, serviteur d'un homme, mais plus malin que son maître.
Dans un tel contexte, les livres sont les serviteurs du pouvoir, et les maîtres du peuple.
2.
Le livre, instrument de domination intellectuelle
On retrouve ce processus dans le domaine de la religion, de la science, de toute la vie
intellectuelle, chaque fois que des « maîtres à penser » s'arrogent une autorité spirituelle
par leurs ouvrages, et que le public se laisse aller à la facilité d'admirer sans réfléchir.
Ex.
: Rabelais dans Gargantua s'est moqué du système sco-laire du Moyen Age, la
scolastique, qui obligeait les élèves à apprendre par cœur des ouvrages latins et à
vénérer par-dessus tout Aristote.
Ex.
: Boris Vian raille dans L'Écume des jours l'engouement de la jeunesse pour JeanPaul Sartre, plaisamment désigné sous le nom de Jean-Sol Partre.
L'un de ses
personnages se ruine pour acheter tous les ouvrages de cet auteur, et néglige sa
compagne.
Ex.
: le Candide de Voltaire vénère son maître Pangloss, qui incarne le philosophe
Leibniz, au point de justifier mécaniquement la véracité de son « optimisme »
philosophique (« tout est bien dans le meilleur des mondes») même lorsque la triste
réalité des tremblements de terre ou des injustices humaines contredit cet
enseignement.
- Montaigne refusait aussi ce culte malsain en affirmant dans L'Apologie de Raymond
Sebond à propos des savants : « Moi, je les aime bien, je ne les adore pas.
»
Transition : comme Montaigne, Claude Roy propose une relation d'amitié avec les livres,
et non de rapport de forces.
II.
Les livres doivent être des amis
A.
Une égalité parfaite
1.
Un libre choix
Lorsque le lecteur exclut les relations de maître et de serviteur, il peut trouver dans le
livre un ami, librement choisi, comme dans la vie, selon des affinités communes.
Comment expliquer autrement la magie provoquée par la rencontre avec certains
ouvrages, et les sentiments d'attachement très forts qui lient à des personnages ? De
nombreux écrivains ont repris la métaphore de l'amitié ou de l'amour pour exprimer cette
expérience.
Ex.
: Julien Gracq présente sa rencontre avec Stendhal comme un coup de foudre.
«Le
Rouge et le Noir a été en littérature mon premier amour, sauvage, ébloui, exclusif et tel
que je ne....
»
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