Introduction : Dans sa lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871, Rimbaud écrit : « Je dis qu’il faut...
Extrait du document
«
Introduction :
Dans sa lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871, Rimbaud écrit : « Je dis qu’il faut être
voyant, se faire voyant.
Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné
dérèglement de tous les sens.
[…] Donc le poète est vraiment voleur de feu.» Rapprochant
le poète de Prométhée, il en fait une figure prophétique sinon mythique.
Rimbaud affirme
également dans un lettre à Georges Izambard : « Je me suis reconnu poète.
Ce n’est pas
du tout ma faute.
» Il s’agit alors de se demander si être poète résulte d’un état auquel
l’homme s’abandonnerait ou plutôt d’un art au sens étymologique du terme, c‘est à dire
d’un savoir faire.
I « C’est chose légère que le poète.
» : La figure du poète inspiré
L’idée que le poète est un être inspiré a longtemps subsisté.
Le poète était alors considéré
comme un instrument des dieux, ou d’une force surhumaine.
L’étymologie du verbe
inspirer est à ce titre révélateur : in-spirare : « souffler dans ».
1)
le poète comme intermédiaire entre dieu et les hommes
Pour Platon, l’excellence poétique ne résulte pas d’un art (technè), mais d’un don divin
(theia moira).
Ainsi, dans Ion, Socrate défend l’idée d’un poète possédé par la Muse, qui
ne serait que l’un des anneaux d’une chaîne qui relierait les hommes aux dieux avec pour
intermédiaire le poète mais aussi les rhapsodes ou les acteurs.
« Il (le poète) n’est pas en
état de composer avant de se sentir inspiré par le dieu, d’avoir perdu la raison et d’être
dépossédé par l’intelligence qui est en lui.
»
2)
la théorie des fureurs
Au XVIème siècle, cette conception du poète inspiré est toujours omniprésente, notamment
avec le mouvement néoplatonicien.
On considère alors la création comme nécessitant un
état de transe, de délire, un accès de fureur.
Ronsard parle quant à lui d’un « ravissement
de l’âme », le verbe ravir étant ici à entendre dans le sens d’enlèvement.
Selon lui, la
fureur, même si elle provient de l’amour ou du vin est à souhaiter pour le poète.
En effet,
il s’agit de s’éloigner de la prison du corps et d’élever son âme.
« Mais quand du tout cette
ardeur se retire, […] Je ne suis rien qu’un corps mort et perclus.
»
3)
l’exaltation du moi
Chez les romantiques, l’inspiration prévaut de nouveau aux dépends de l’idée de travail.
C’est dans l’exaltation du moi et l’épanchement lyrique que le poète romantique conçoit
l’inspiration poétique.
Ainsi Lamartine mais aussi Musset s’adressent-ils à la muse.
Lamartine compare même le cœur du poète à une lyre dans sa préface des méditations
poétiques.
Quant à Musset, il affirme que « les chants désespérés sont les chants les plus
beaux » établissant un lien entre le ressenti du poète et la beauté esthétique du poème.
Pour Musset, le jeune dandy, la poésie est œuvre de sensibilité.
Edmond d’Alton shée le
décrit dans ses mémoires : « dessinant une caricature, composant un sonnet, écoutant la
musique avec délices, jouant des charades improvisées, ayant horreur (…) de la politique
et des sujets sérieux.
» Ce n’est donc pas l’image du poète remaniant sans cesse ses vers
jusqu’à la perfection.
La poésie peut donc naître, sinon d’une inspiration divine, du moins d’une sensibilité
exacerbée.
Cependant de nombreux poètes se sont opposés à cette conception d’une
poésie « facile » qui ferait du poète un simple instrument d’une quelconque muse.
II « L’Art poétique »
Le vieil adage latin nascuntur poetae, fiunt oratores : « on naît poète, on devient orateur »
ne semble pas rendre compte de la condition de poète.
1)
cent fois sur le métier remettez votre ouvrage
En 1674, dans son Art Poétique, Boileau défend l’idée d’un véritable travail du poète,
prônant de polir et de repolir sans cesse le poème, conseillant même : « ajoutez
quelquefois, et souvent effacez ».
Le travail de Ponge qui choisit de présenter ses brouillons
au lecteur dans la Fabrique du pré par exemple, montrant ainsi l’écriture en train de
s’écrire, participe de la même volonté de mettre en évidence le travail du poète.
2)
La muse c’est l’auteur
En fait si l’on conçoit l’auteur du poème comme nécessairement inspiré, c’est qu’à la lecture
du poème on reconstitue « comme cause de ce discours, un auteur tel qu’il lui soit possible....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓