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[Introduction] Du bilan d'une vie à l'élucidation du moi, du règlement de comptes au désir de ressusciter le passé, les...

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« [Introduction] Du bilan d'une vie à l'élucidation du moi, du règlement de comptes au désir de ressusciter le passé, les raisons qui poussent un écrivain à entreprendre son autobiographie ne manquent pas.

Le plus souvent d'ailleurs elles s'entremêlent, comme l'écrit un critique contemporain à propos des Confessions : « Les Confessions n'ont pas seulement pour fonction d'être une justification et un témoignage : pour un Rousseau meurtri, elles sont [...] une consolation, une chanson qui berce la misère humaine.

» Si les raisons avouées de Rousseau sont effectivement la volonté de se justifier et d'apporter sur sa vie un témoignage sincère et si sa raison profonde est le désir d'une consolation, ces trois points appellent néanmoins quelques nuances et réserves. [I.

Une justification et un témoignage] [1.

Une justification] Rousseau a proclamé haut et fort que ses Confessions sont avant tout une réponse à un acte d'accusation.

Que de fois ne fait-il pas allusion à ses ennemis, qualifiés d'« implacables » dans l'Avertissement du manuscrit de Genève, et aux malheurs qui, par leur faute, accablent la fin de sa vie! Ses détracteurs, notamment Voltaire dans son pamphlet, Le Sentiment des citoyens, l'ayant « défiguré » en le peignant comme un méchant, Jean-Jacques veut absolument convaincre ses contemporains et plus encore la postérité qu'il avait le cœur pur et que sa vie n'était qu'innocence et vertu.

C'est pourquoi, avec une sincérité qu'il ne conçoit que totale, il va dévoiler ses actes et ses pensées, dérouler le récit exact de sa vie, dire « le bien et le mal avec la même franchise ».

Il confessera ses « crimes », tels le vol du ruban et l'accusation qu'il porta contre la servante Marion ou l'abandon de M.

Le Maître, son professeur de musique.

Ainsi le livre IV s'achève sur une protestation de sincérité identique à celle sur laquelle s'ouvrait le préambule : « en lui (au lecteur) détaillant avec simplicité tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai pensé, tout ce que j'ai senti, je ne puis l'induire en erreur ». [2.

Un témoignage] Pour Rousseau, la meilleure des justifications est en effet ce témoignage sur sa propre vie que l'autobiographie va dérouler de sa naissance jusqu'au moment où il écrit cet ouvrage (1765).

Ce récit de première main permet au lecteur de connaître les expériences de Jean-Jacques, ses sentiments et son caractère.

Comment le lecteur n'éprouverait-il pas de sympathie pour un jeune homme aux goûts simples, et ne reporterait-il pas sur l'adulte une sympathie d'autant plus méritée qu'elle s'adresse à un homme malheureux, persécuté, odieusement calomnié ? Une âme généreuse et tendre qui s'enflamme à la vue de l'arbitraire, un cœur fier, incapable de se plier à un joug et dans lequel l'expérience précoce de l'injustice a laissé une empreinte ineffaçable, voilà le portrait que Rousseau donne de lui-même.

Chaque fois que le témoignage personnel s'enrichit d'un témoignage sur l'époque, Jean-Jacques tient à marquer ses distances et, le plus souvent, son opposition radicale avec la société de son temps : aux soupers fins il préfère de loin un modeste repas rustique composé de laitage et de pain bis, au libertinage une tendre amitié amoureuse, aux calculs de l'ambition une occupation modeste comme la copie de la musique. L'éducation d'un orphelin autodidacte, la formation d'une personnalité exceptionnelle (« Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus », affirme orgueilleusement le Préambule), les élans et les désillusions d'un jeune homme naïf : telles sont les pièces destinées par Rousseau à ses accusateurs.

Mais en se penchant sur son passé, il retrouve les joies et les plaisirs de sa jeunesse : voilà ce qui constitue « cette chanson qui berce la misère humaine » évoquée par notre critique. [II.

Une consolation] Par l'évocation du passé, Jean-Jacques se console des chagrins et des soucis du présent, comme en témoigne ce soupir mélancolique : « Que j'aime à tomber de temps en temps sur les moments agréables de ma jeunesse ! Ils m'étaient si doux ; ils ont été si courts, si rares, et je les ai goûtés à si bon marché ! Ah ! leur seul souvenir rend à mon cœur une volupté pure dont j'ai besoin pour ranimer mon courage et soutenir les ennuis du reste de mes ans » (L.

IV).

Bien plus, par sa démarche, il permet à tous ceux qui endurent des souffrances analogues de se reconnaître en lui.

Tel est le sens, très général, que prend la fin de la phrase de notre critique, « une chanson qui berce la misère humaine » : l'autobiographie panse les plaies de ceux qui sont blessés par la vie, elle a une valeur thérapeutique et pour l'auteur et pour le lecteur.

Mais pourquoi JeanJacques éprouve-t-il le besoin d'être consolé ? [1.

Le besoin d'être consolé] Rousseau est un homme vulnérable en raison d'une sensibilité très vive, alliée à une grande timidité.

Il souffre avec une singulière acuité de ce qui laisserait d'autres totalement indifférents.

Taciturne, introverti, mal à l'aise en société, Jean-Jacques n'a pas tendance à soulager son cœur en se confiant à un ami ou à un proche.

Il n'a jamais révélé à qui que ce soit le vol du ruban, pas même à Madame de Warens, avant de le confesser publiquement dans son livre.

C'est une des raisons pour lesquelles cette peccadille a pris les proportions d'un crime.

De plus, Rousseau tend à se croire le jouet de la fatalité : il a perdu sa mère à sa naissance, ce qui provoque un sentiment diffus de culpabilité ; trouvant un jour les portes de Genève fermées, il est exclu de sa ville natale ; il est rebuté par son maître Abel Ducommun ; après sa conversion il ne trouve que des emplois de laquais ; il mène pendant plusieurs années une existence errante entre la Suisse, la Savoie, l'Italie et Paris.

Voilà pourquoi, lorsqu'il « décline vers la vieillesse », il a besoin de se souvenir de tous « ces plaisirs si purs, si vrais » (L.

IV) goûtés jadis. [2.

La nature de cette consolation] L'âme blessée de Jean-Jacques se console en s'épanchant.

Confier au papier les émois de son adolescence, ses enthousiasmes et ses erreurs, c'est les revivre avec attendrissement ou ironie, mais toujours avec plaisir.

« Je suis fâché de faire.... »

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