INTRODUCTION En tête de son Traité de versification française, Quicherat donne cette définition : « La poésie est l'art d'écrire...
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INTRODUCTION
En tête de son Traité de versification française, Quicherat donne cette définition : « La
poésie est l'art d'écrire en vers.
» C'est là sans doute envisager le problème sous son
aspect le plus extérieur.
Le talent d'un poète ne se réduit pas à l'application stricte de
certaines règles relatives à l'assemblage des syllabes et à la répartition des accents
rythmiques.
Mais il doit, du moins, posséder la parfaite maîtrise de cette technique et se
révéler capable d'en utiliser toutes les ressources, pour exprimer dans sa plénitude le
message qu'il apporte.
C'est en ce sens que l'on a pu dire : « la qualité d'un poète réside
dans la puissance de suggestion qu'il donne aux sonorités, aux rythmes, aux images, en
accord étroit avec le sentiment ».
I.
VERSIFICATION N'EST PAS POÉSIE
Les platitudes Assurément il ne suffit pas de respecter les règles de la versification pour
mériter le nom de poète.
Le moule du vers peut, à l'occasion, se prêter à l'expression de
la phrase la plus banale et la plus incolore.
Ainsi en est-il, par exemple, de cet alexandrin
:
«Nabuchodonosor était roi d'Assyrie.»
Les disparates Le poète Tristan Derème s'est d'ailleurs complu à en donner lui-même la
plus plaisante des démonstrations : il utilise à dessein le vers majestueux de la tragédie
classique pour nous faire l'aveu du métier tout prosaïque qu'il exerce :
« Des contributions je suis le receveur.
»
La même dissonance se retrouve, mais non concertée cette fois, dans ces deux vers
d'une tragédie écrite par A.
Dumas :
«Ton diadème d'or contrariait mes voeux
Quand je voulais passer ma main dans tes cheveux.
»
Leur cadence majestueuse, associée à la recherche de l'expression, ne s'accorde guère, il
faut l'avouer, avec la familiarité du geste évoqué.
Là encore, en dépit de la forme
versifiée, il ne saurait être question de poésie.
Bien plus, quand la maîtrise de la technique s'étale dans un exercice de pure virtuosité,
c'est le versificateur qui entre seul en jeu.
Le couplet de Chantecler, où Rostand
accumule une cascade de sonorités qui suggère étonnamment le chant du coq, s'impose
comme un remarquable tour de force.
Mais il n'ajoute rien à la gloire du poète :
« Au lieu d'être coquets de vos cocoricos
Vous rêvez d'être, ô coqs, de drôles de cocos...
...
Et vous ne serez plus, vieux cocâtres qu'on casse
Que des coqs rococos pour ce coq plus cocasse.
»
II.
LA MAITRISE DE LA VERSIFICATION AU SERVICE DE LA POÉSIE
Les sonorités Sans doute une technique éprouvée est-elle indispensable à un poète.
Mais
dans ses réussites les plus parfaites elle se fait presque oublier, car sa puissance de
suggestion se trouve comme fondue dans la tonalité de l'ensemble.
C'est ainsi d'abord
que les sonorités du vers s'harmonisent étroitement avec la qualité du sentiment
exprimé.
Dans la prière doucement persuasive que Verlaine adresse à sa femme, elles se
font légères, limpides et comme chuchotées à l'oreille :
«Écoutez la chanson bien douce...
Elle est discrète, elle est légère.
Un frisson d'eau sur de la mousse »
Mais chez Victor....
»
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