INTRODUCTION II est difficile de prétendre que notre bonheur dépend entièrement de nous. Les circonstances nous donnent notre lot. Mais...
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INTRODUCTION
II est difficile de prétendre que notre bonheur dépend entièrement de nous.
Les
circonstances nous donnent notre lot.
Mais il nous appartient de le saisir ou non, de faire
fructifier nos chances ou de les laisser se perdre.
C'est là que le moraliste a son mot à
dire.
Selon Fromentin, « le bonheur réside dans l'égalité des désirs et des forces ».
Il ne
propose pas là une formule magique, mais plutôt une sorte de formule scientifique :
appliquons à la multiplicité des cas un même rapport mathématique, et nous serons
également garantis contre deux malheurs, qui sont l'excès des désirs et le manque de
désirs.
Peut-être en effet le problème du bonheur, tel qu'il est posé dans la conscience commune
et illustré dans les oeuvres littéraires, se ramène-t-il à cette alternative.
Assurons-nousen sur quelques exemples.
Il restera alors à voir si l'élégante solution proposée ici en
théorie gardera dans la pratique sa simplicité et sa vigueur.
I.
LE BONHEUR SUPPOSE UNE LIMITATION DES DÉSIRS
Une des plus sûres recettes du bonheur serait sans doute de s'appliquer à limiter ses
désirs.
Car désirer au-delà de ce que l'on peut atteindre, c'est se vouer à la déception, au
dégoût de soi et des autres, à la condition humiliée et amère du « raté ».
Le personnage de Lorenzo dans le Lorenzaccio de Musset, Rubempré le héros des
Illusions perdues de Balzac, pour avoir trop présumé de leurs forces, sombrent dans le
désespoir.
Arthur Rimbaud, après sa tentative pour « changer la vie », retombe dans ce
qu'il appelle son Enfer.
Sur le mode comique, Picrochole, don Quichotte, Alceste, M.
Jourdain sont aussi les victimes de leur « démesure ».
Voilà pourquoi, après les
Épicuriens et les Stoïciens, les écrivains français de formation humaniste invitent à se
garder de former d'ambitieux projets qui seraient la source de déceptions inévitables.
Les
Odes de Ronsard, inspirées d'Horace, les Essais de Montaigne et notamment le chapitre
intitulé « De ménager sa volonté », les Épitres de Boileau, certaines fables de La
Fontaine comme Les Souhaits, La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf
s'accordent sur ce point.
Suivons donc le secret de sagesse que Voltaire fait figurer à la
dernière ligne de Candide et contentons-nous de « cultiver notre jardin ».
II.
LE BONHEUR SUPPOSE UNE CERTAINE VIVACITÉ DE DÉSIRS
Est-ce à dire que pour atteindre le parfait bonheur il faudrait s'interdire tout désir ?
S'agirait-il de prendre pour modèles ces hiboux que Baudelaire nous montre figés dans
leur immobilité et devons-nous admettre sans réserves que
« L'homme ivre d'une ombre qui passe Porte toujours le châtiment D'avoir voulu changer
de place»?
Il ne le semble pas.
Car le bonheur suppose une certaine vivacité de désirs et l'homme
blasé est, à tout prendre, un personnage aussi désolant que le « raté ».
Dans Candide, le
seigneur Pococurante, en dépit de ses richesses, de sa culture, de sa hardiesse d'esprit,
n'éprouve aucune joie parce qu'il est « dégoûté de tout ce qu'il possède » et ne voit rien
d'autre à désirer.
On sait assez la place que tient, à ce titre, l'ennui de vivre dans la
littérature contemporaine.
Il s'exprime dans la Nausée de Jean-Paul Sartre comme dans
l'Étranger d'Albert Camus.
Il emplit tout le théâtre de Samuel Beckett.
Déjà La Fontaine
dans le Philosophe scythe nous....
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