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[Introduction] Jean Cocteau partage l'intérêt pour les mythes grecs avec d'autres écrivains de son temps, tels que Claudel, André Suarès,...

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« [Introduction] Jean Cocteau partage l'intérêt pour les mythes grecs avec d'autres écrivains de son temps, tels que Claudel, André Suarès, Gide et Giraudoux.

Après Œdipe-Roi, il s'inspire à nouveau de l'histoire d'Œdipe pour écrire La Machine infernale.

S'interrogeant sur les objectifs des dramaturges qui exploitent les mythes antiques, le critique Pierre-Henri Simon avance l'hypothèse suivante : l'auteur moderne cherche à « y trouver, pour l'intelligence de l'homme du XXe siècle, un prétexte de réflexion et un jeu de symboles, en l'amusant d'ailleurs par la virtuosité de la transposition».

Il est indéniable que Cocteau veut faire réfléchir, qu'il use de symboles et qu'il montre de la virtuosité dans la transposition ; mais peut-on affirmer qu'il amuse le spectateur ? [I.

Une réflexion sur de grandes questions] Dans La Machine infernale, Cocteau revisité le mythe d'Œdipe, héros soumis à la fatalité, pour susciter une réflexion sur le destin, sur le désir de connaître l'avenir et sur la mort. [1.

Le destin] Le thème de réflexion le plus important est d'ordre métaphysique.

C'est lui qui donne son titre à la pièce et ce titre est clairement expliqué dès le prologue par la Voix invitant le spectateur à regarder « une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel ».

Le destin d'Œdipe, selon un oracle, est de tuer son père et d'épouser sa mère : en dépit de tous ses efforts pour faire mentir l'oracle, il finira, malgré lui, par le réaliser.

La pièce pose donc le problème du libre-arbitre et de la fatalité.

Mais celle-ci n'est plus externe comme dans le mythe et la tragédie antiques où elle était incarnée par les dieux ; elle est interne comme chez Racine : Œdipe accomplit le destin prédit, parce qu'il est poussé par le démon de l'aventure, l'orgueil et le désir de gloire.

Le déterminisme est d'ordre psychologique. Comme c'est Cocteau lui-même qui était la Voix lors de la première représentation en 1934, il donnait encore plus de poids à ce message. [2.

La connaissance de l'avenir] La question de la fatalité est inséparable, chez Œdipe, de la volonté de connaître l'avenir. Laïos et Jocaste d'abord, plus tard Œdipe, consultent l'oracle, puis mettent tout en œuvre pour le déjouer s'il est funeste, mais en vain.

Comme l'avait déjà remarqué Corneille dans son Discours sur le poème dramatique (1660), la représentation du mythe d'Œdipe « purgera la curiosité de savoir l'avenir, et nous empêchera d'avoir recours à des prédictions, qui ne servent à l'ordinaire qu'à nous faire choir dans le malheur qu'on nous prédit par les soins mêmes que nous prenons de l'éviter ». [3.

La mort] Dans cette pièce dont le héros est un parricide, qui commence par l'apparition d'un fantôme et se termine par un suicide, les questions relatives à la mort revêtent une importance capitale.

La mort supprime les différences et, comme l'envisage le jeune soldat, elle abolit sans doute les hiérarchies humaines et le temps : « C'est possible [.'..]» que chez les fantômes, il n'y ait plus de rois, et qu'on puisse confondre un siècle et une minute ».

Ses pressentiments sont corroborés par Jocaste morte : « Les choses qui paraissent abominables aux humains, si tu savais », confie-t-elle à Œdipe, « de l'endroit où j'habite, si tu savais comme elles ont peu d'importance ».

La question de la mort entraîne, corrélativement, une réflexion sur le sens de la vie.

Ainsi, lors de sa confrontation avec le Sphinx, Œdipe oppose sa soif d'aventure et son appétit de gloire au rêve d'amour du monstre, pour qui l'essentiel est d'« Aimer.

Être aimé de qui on aime ». [4.

Des questions diverses] Enfin Cocteau aborde, au fil de la pièce, des questions aussi diverses que la politique (« Il faudrait un homme de poigne, un dictateur ! », affirme la matrone), les rapports entre le pouvoir spirituel (représenté par Tirésias) et temporel (représenté successivement par Jocaste, Œdipe et Créon), le mariage entre un jeune homme et une femme plus âgée que lui, les relations entre parents et enfants et très précisément ce que Freud appellera le complexe d'Œdipe (les petits garçons disent tous : « Je veux devenir un homme pour me marier avec maman »), les liens entre les vivants et les morts.

Il y glisse même des points de vue très personnels, comme par exemple son horreur de la hiérarchie : « Tout ce qui se classe empeste la mort », fait-il dire à Œdipe pour l'opposer à Tirésias, défenseur du code, du protocole. [II.

Un jeu de symboles] L'action dramatique et la réflexion sur le destin sont renforcées par tout un jeu de symboles, à partir des accessoires, du décor, du langage et des traits physiques. [1.

Le symbolisme des accessoires] Dans un art de la représentation comme le théâtre, les objets sont communément les signes concrets d'une notion abstraite : chez Molière, la cassette d'Harpagon symbolise l'avarice, le sac de Scapin la fourberie, la statue du Commandeur le châtiment.

Dans La Machine infernale, Cocteau confère à deux accessoires une puissante valeur symbolique : l'écharpe et la broche de Jocaste sont présentés comme des objets qui la « détestent » avant de devenir des instruments de supplice.

Jocaste s'étranglera avec son écharpe et Œdipe se crèvera les yeux avec la broche de Jocaste.

Or, dès le premier acte, Cocteau a pris soin d'attirer l'attention sur la longue écharpe de la reine : « Tout le jour cette écharpe m'étrangle.

[...] Elle me tuera », se plaint-elle ; un peu plus tard, le jeune soldat marche par inadvertance sur l'écharpe : « Votre pied sur le bout de l'écharpe.

Vous avez failli étrangler la reine », lui dit Tirésias.

Dans la bouche du devin, de telles paroles ont évidemment une valeur prophétique. [2.

Le symbolisme des décors] De même, les décors ont une fonction éminemment symbolique, notamment la chambre nuptiale à l'acte III.

Une didascalie nous apprend qu'elle est « rouge comme une petite boucherie ».

Cette couleur et cette comparaison suggèrent des noces de sang.

Malgré les dix-sept ans qui séparent le mariage de l'épilogue tragique, le dénouement sera sanglant : « Il y a du sang partout », gémit la petite Antigone qui a assisté à l'automutilation de son père.

Quant au berceau, à gauche du lit, il préfigure moins les enfants à naître qu'il ne rappelle celui dont le souvenir torture la mémoire de Jocaste : « Veux-tu que j'ôte le berceau ? Depuis la mort de l'enfant, il me le fallait près de moi, je ne pouvais pas dormir...

J'étais trop seule...

» Parmi les autres éléments du décor ayant une valeur emblématique, notons encore l'escalier : « Je ne me doutais pas qu'il y avait ces maudites marches », dit Jocaste, qui les compte à l'acte I car elle craint de se casser une jambe.

Mais contrairement aux objets énumérés plus haut, l'escalier va prendre, à la fin de la pièce, une signification diamétralement opposée : Œdipe aveugle descend de la chambre de Jocaste, guidé par Antigone et Jocaste, qui comptent les marches ensemble. À la solitude s'oppose le trio familial, soudé par le malheur ; à la malédiction, la catharsis : Œdipe est purifié par le châtiment qu'il s'est infligé, Jocaste par la mort et Antigone, qui apparaît comme la réincarnation de Jocaste, a encore la pureté de l'enfance. [3.

Le symbolisme du langage et du physique] Par leurs paroles, les personnages trahissent leurs obsessions.

A l'acte III, durant « la nuit de noces », Œdipe appelle Jocaste « ma petite mère chérie » et Jocaste appelle Œdipe « mon fils ».

D'ailleurs, tout au long de la pièce, Jocaste apparaît comme une mère inconsolable : elle s'attendrit à la vue du jeune soldat, qui a l'âge qu'aurait eu son enfant s'il avait vécu,.... »

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