Introduction La question des rapports que doit entretenir l'art avec la vérité a souvent fait l'objet d'un débat critique. La...
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Introduction
La question des rapports que doit entretenir l'art avec la vérité a souvent fait l'objet d'un
débat critique.
La recherche de la beauté semble en effet parfois incompatible avec la
représentation de la réalité.
L'apparition de courants ou d'écoles tels que le Réalisme ou le Naturalisme a rendu les
romanciers français du XIXe siècle particulièrement sensibles à cette apparente
contradiction ; ainsi l'un d'entre eux, Stendhal, nous livre-t-il son opinion sous la forme
d'un aphorisme : « Toute oeuvre d'art est un beau mensonge.
»
En quoi ces propos permettent-ils d'éclairer les mécanismes de toute création artistique ?
Quelle est cette exigence de vérité dont bien des formes d'art témoignent ? L'oeuvre
n'est-elle pas toujours représentation du monde, et la création recréation ?
Première partie: l'art est un mensonge, mais un mensonge qui vise le beau
L'art et la littérature sont des activités qui font très largement appel à l'imagination.
A ce
titre, une statue, un roman, ne sont que la mise en forme, la matérialisation d'éléments
qui n'ont avec la vérité qu'un rapport de ressemblance, ce qui est bien le propre du
mensonge.
Ne dit-on pas, d'ailleurs, de quelqu'un qui affabule qu'il se fait «des idées»,
que ses propos sont «des romans», qu'il fait du «cinéma»?
La mythologie qui nourrit la littérature antique choisit délibérément le mensonge, c'est-àdire l'invention d'un monde en marge de la réalité.
Certes, les cyclopes que rencontre le
héros de L'Odyssée sont des bergers comme il en existe dans le monde grec, mais leur
gigantisme, leur oeil unique, leur cruauté sont les fruits de l'imagination d'Homère qui
nous ment et fait mentir Ulysse, son héros-narrateur.
La réalité, c'est-à-dire l'espace
géographique et politique de la Méditerranée antique, est réduite à n'être qu'un décor, un
élément de vraisemblance authentifiant une suite d'aventures imaginaires.
Aujourd'hui, des genres tels que la science-fiction ou l'heroic-fantasy, n'ont, comme leur
nom l'indique, que des liens lointains avec toute vérité historique.
On peut même aller
jusqu'à dire qu'ils participent d'une véritable volonté de fuir le réel, qu'ils témoignent
d'un goût, d'un besoin de ce qu'on a appelé la littérature d'évasion.
Or, de quoi s'évadet-on, sinon de la réalité ? La Planète des singes de Pierre Boule ou les Chroniques
martiennes de Ray Bradbury se posent dès leur titre comme des mensonges.
Dans leur
version cinématographique, le recours à des effets spéciaux en est bien la preuve.
On pourrait multiplier les exemples, montrer comment, au moins à partir du Cubisme et
surtout du Surréalisme, la représentation de la réalité n'est plus la préoccupation
majeure de la peinture.
Mais il nous semble plus intéressant de nous pencher sur une
forme d'expression dont, par nature, la vérité n'a jamais été le but : la poésie.
Dans ses Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar rappelle que : « Faire de la poésie,
c'est mentir, mais bien.
» Cette idée nous ramène à l'aphorisme de Stendhal en cela
qu'elle subordonne le mensonge à l'esthétique.
Mentir mais bien, c'est-à-dire sans qu'on
s'en aperçoive, ou plutôt sans que le mensonge soit autre chose qu'un moyen de
fabriquer de la beauté.
Ainsi la Béatrice de Dante, la Laure de Pétrarque ou l'Hélène de
Ronsard sont-elles davantage des représentations d'un idéal de beauté, de pureté, voire
de fidélité, que les prénoms de femmes réelles avec lesquelles ces poètes ont vécu de
vraies histoires d'amour.
Dans « L'invitation au voyage », Baudelaire compose un paysage imaginaire, mélange
d'Orient et de Hollande, tout aussi fictif que les « vastes portiques » en bords de mer de
« La vie antérieure », qui doivent probablement beaucoup aux architectures marines, et
tout autant irréalistes, d'un peintre comme Claude Gellée, dit le Lorrain.
«Je croyais à tous les enchantements...
Je notais l'inexprimable.
Je fixais des vertiges»,
écrit Rimbaud dans Une saison en enfer.
Pour lui, la poésie est avant tout l'expérience
d'une mythologie personnelle, la superposition d'un « mensonge » personnel à la réalité
extérieure : « Je voyais très franchement une mosquée à la place d'une usine...
»
Nous reviendrons sur cette idée d'une vérité nouvelle, transformée, recréée.
Il nous faut
d'abord tenter de comprendre comment et pourquoi l'exigence de vérité reste néanmoins
une valeur essentielle de la création artistique.
Deuxième partie : le réalisme : une exigence de vérité
Le roman français du dix-neuvième siècle, rappelions-nous dans l'introduction, est
traversé par un débat de fond qui tourne autour de la question du réalisme.
Cette
réaction à l'idéalisme et à la fantasmagorie romantiques commence avec Balzac, dont La
Comédie humaine est une peinture de la société de son temps.
Du réalisme de Flaubert
au naturalisme de Zola, rares sont les romanciers qui échappent à cette véritable
révolution intellectuelle.
Pour eux, comme pour Stendhal d'ailleurs qui ne semble pas à
une contradiction près, « un roman est un miroir promené le long du chemin ».
On sait les critiques, voire les procès, comme celui intenté à Flaubert en 1856 après la
publication de Madame Bovary, qu'une pareille attitude vaudra à ses initiateurs ; le mot
même de réalisme, d'ailleurs, apparaît d'abord sous la plume de ses détracteurs.
Mais
rien n'y fera: cette exigence de vérité s'enracinera, parce qu'elle se fonde, sans doute,
sur ce qui est en train de devenir la base du monde moderne, à savoir la science.
De leur
propre aveu, l'exigence de vérité d'un Balzac ou d'un Zola est d'ordre scientifique et peu
leur chaut si la morale se trouve blessée par la représentation de la....
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