[Introduction] Le premier roman du cycle des Rougon-Macquart avait raconté les répercussions du coup d'État du 2 décembre dans une...
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[Introduction]
Le premier roman du cycle des Rougon-Macquart avait raconté les répercussions du
coup d'État du 2 décembre dans une petite ville du Midi.
Dans le deuxième, La Curée, Zola
transporte la scène à Paris, y peint la frénésie des affaires et y campe le portrait d'un
arriviste, Aristide Rougon.
Doué de « ce flair des oiseaux de proie qui sentent de loin les
champs de bataille », il prend le nom de Saccard et le voilà « brasseur de millions » et
propriétaire d'un magnifique hôtel particulier.
Notre extrait se situe au milieu du roman,
qui coïncide avec l'apogée de Saccard.
Zola s'y montre à la fois peintre fidèle des plaisirs
d'une société et satiriste.
[I.
La peinture des plaisirs d'une société] [1.
Le cadre]
La description a pour cadre Paris, à une époque où la capitale vit l'une de ses mutations
les plus radicales.
Zola ne dépeint pas ici, comme dans un roman postérieur, Au Bonheur
des dames, les grands travaux d'urbanisme entrepris par le préfet Haussmann, à la fois
par la nécessité d'adapter Paris à ses fonctions de capitale moderne, par souci de prestige
et par la volonté stratégique de détruire les quartiers populaires aux ruelles si étroites
qu'on y élevait des barricades en un tournemain.
Il se contente de deux allusions, « les
quartiers écroulés » d'une part, P« hôtel du parc Monceau » de l'autre.
La première rappelle
qu'une métropole n'étant pas extensible à l'infini, il faut détruire pour pouvoir rebâtir ; la
seconde évoque le nouveau quartier élégant qui venait de s'ouvrir aux grandes fortunes
entre l'Opéra et la place de l'Étoile, autour du parc Monceau.
Comme Balzac, opposant le
faubourg Saint-Germain, fief de l'aristocratie de l'Ancien Régime, à la Chaussée d'Antin où
habitent les nouveaux riches tels que le banquier Nucingen, Zola installe Saccard dans un
hôtel tout neuf des beaux quartiers, qu'il « venait de faire bâtir ».
[2.
La peinture d'une époque]
Cette description permet aussi de se faire une idée précise de l'atmosphère de fête, si
caractéristique du Second Empire.
Zola ne brosse pas ici une large fresque, il lui suffit
d'énumérer les objets emblématiques d'une société.
La mention des violons, par exemple,
évoque les bals du Second Empire, le tourbillon des valses, la musique légère.
Les jets
d'eau des jardins reflètent le goût du pittoresque, de l'eau en mouvement : on aime une
nature animée par des cascades et des successions de bassins avec leurs jets d'eau.
Les «
miettes tombées de table » rappellent les somptueux banquets : ainsi plus de trois cents
bouteilles de Champagne seront consommées lors du bal masqué donné par Saccard.
Zola
égrène enfin les traces laissées ici et là par des femmes attentives à leur parure et dont
l'unique préoccupation est de plaire : la lingerie féminine et ses « nœuds de dentelle »,
l'échafaudage savant des coiffures avec leurs postiches (« chevelures oubliées dans les
fiacres ») et surtout les « billets de banque glissés des corsages », tout dénote la
courtisane.
C'est une société frivole et jouisseuse que Zola dessine ici.
[3.
« L'or et la chair »]
Ce sont en effet les plaisirs de la chair et l'attrait de l'or qui commandent tous les actes.
Dans cette société, durant le jour, les hommes spéculent, achètent des terrains, brassent
des millions, construisent des hôtels particuliers, des immeubles de rapport et surtout leur
propre fortune.
Mais la nuit l'on s'adonne aux plaisirs de la chair.
Les deux champs lexicaux
qui animent cet extrait, l'argent et le sexe, sont si riches que Zola ne laisse aucune place
à d'autres mobiles des actions humaines dans cette société.
Outre la variété des termes
dénotant le goût effréné de l'argent (« or », « millions », « milliard ») et du sexe (« brutalité
du désir », « contentement immédiat de l'instinct », « grand râle d'amour »), il faut noter
les procédés d'insistance - la triple répétition de « fortune », la double répétition de «
amour », l'emploi de mots de la même famille (« or » et « doré », « bras » et « embrassade
») - et de généralisation : la préférence donnée systématiquement au pluriel qui estompe
les individualités (« les appétits », « les divans », « les fiacres », les « fenêtres »), la partie
plutôt que le tout (les femmes sont réduites à des corsages, des chevelures, des dentelles,
sans qu'on montre leur visage).
Zola indique ainsi que la même fièvre s'empare de tous
les aventuriers de Paris.
Cette omniprésence de la chair et de l'or est condensée, à la fin de l'extrait, dans le
coffre-fort : le meuble qui contient ^argent et les objets de valeur est décrit comme le lieu
de la volupté, « une alcôve de fer ».
Zola file la métaphore de l'alcôve en renforçant le
parallèle par des précisions sur l'emplacement (« enfoncé dans le mur ») et les dimensions
(« grande à y coucher les amours d'un milliard ») et en prenant soin d'utiliser dans les
deux cas une expression qui s'applique aussi bien à un lit qu'à un coffre-fort.
Par cette
trouvaille il unit indissolublement l'or et le plaisir.
[II.
La satire d'une société]
Observateur attentif de son époque, Zola s'érige aussi en juge et même en satiriste,
mais il se montre surtout un visionnaire.
[1.
Zola observateur]
La vue de la profusion de richesses matérielles déployées sous le Second Empire inspire
à Zola des parallèles éclairants.
En associant par un zeugma au « bruit des quartiers
écroulés » celui des « fortunes bâties en six mois », il n'unit pas seulement le concret et
l'abstrait, ou la démolition et la construction, il invite à penser que les fortunes comme les
immeubles sont susceptibles de s'écrouler aussi rapidement qu'elles ont été édifiées.
L'image récurrente du feu au début du texte symbolise bien le caractère fulgurant, mais
éphémère de cet enrichissement : « brûlait....
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