[Introduction] Le Rivage des Syrtes est un roman d'amour et de guerre situé dans une contrée imaginaire et dont le...
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[Introduction]
Le Rivage des Syrtes est un roman d'amour et de guerre situé dans une contrée
imaginaire et dont le héros, Aldo, fait le récit rétrospectif de sa propre histoire.
Envoyé
comme observateur auprès de la garnison militaire qui surveille le rivage des Syrtes, il
finira par succomber à la fascination du lieu.
Mais il sera aussi secrètement manipulé par
une jeune fille énigmatique, Vanessa Aldobrandi.
Dans le passage qui relate leur
première rencontre, très fugitive, le narrateur met l'accent sur le choc de la surprise, il
esquisse un portrait de la jeune fille et il tente d'analyser les sentiments divers qui
l'agitent.
[I.
Une rencontre]
En elle-même, la rencontre d'un jeune homme et d'une jeune fille est un événement
banal, mais Julien Gracq a organisé son récit de façon à en souligner les caractères
inhabituels : l'effet de la surprise, la position respective des deux personnages et le
silence.
[1.
Le choc de la surprise]
L'extrait commence ex abrupto par le récit du choc provoqué par l'apparition d'une jeune
fille dans un jardin que le narrateur croyait solitaire, pour l'avoir connu comme tel
jusque-là.
Cette surprise est exprimée d'abord par l'insertion du passé simple « m'arrêta
» entre deux imparfaits dont le deuxième marque une habitude, d'ailleurs soulignée par
le mot « habitude », puis par l'expression des sentiments de dépit et d'embarras.
[2.
La position respective des personnages]
Arrêté dans son mouvement de descente, la narrateur ne va pas à la rencontre de la
jeune fille entrevue.
Il ruse et l'observe à la dérobée.
Plusieurs indications de lieu
permettent au lecteur de se représenter la position dominante du narrateur : « de ma
position légèrement surplombante » confirme la précision donnée par la première phrase
: le narrateur épie la jeune fille, accoudée à une balustrade un peu plus bas dans le
jardin.
Cette position justifie toute la narration qui suit : le jeune homme observe, mais
la jeune fille se sait observée, ce qu'elle prouve par son brusque départ : l'adverbe «
soudain » et le complément de manière « tout d'une pièce » expriment deux fois l'idée
de rapidité, dans le temps et dans le mouvement, et surtout par son sourire.
Il est
malicieux parce qu'elle veut faire comprendre au narrateur qu'elle n'a pas été dupe de
son manège.
[3.
Le silence]
S'épiant mutuellement, l'observateur et l'observée gardent le silence.
Dans cette
rencontre muette, un sourire et l'échange des regards qu'il sous-entend sont les seuls
signes par lesquels se communiquent les sentiments.
Les gestes et les attitudes, « le
pied suspendu » et le souffle retenu du jeune homme, « le dos tourné », le « visage à
demi dérobé » de la jeune fille, sont bien plus importants que les paroles.
[II.
Le portrait de la jeune fille]
[1.
La découverte progressive de la jeune fille]
Tout portrait permet au narrateur de marquer une pause dans le récit.
Clairement
délimité ici par l'usage exclusif de l'imparfait, alors que la narration se distinguait par
l'alternance de l'imparfait et du passé simple, le portrait de la jeune fille n'est pas
statique.
Julien Gracq lui imprime un mouvement en faisant participer son lecteur à la
découverte progressive de la jeune fille par le narrateur.
D'abord aperçue de loin et de
haut, l'apparition semblait être celle d'une femme, mot sur lequel se terminait le premier
paragraphe.
Le narrateur n'en distingue pas les traits, elle se réduit pour lui à une
silhouette, mais il remarque sa jeunesse : « une jeune fille ou une très jeune femme »
et, seulement après, son profil : il s'est donc rapproché.
Mais ce profil reste très flou.
[2.
Les éléments du portrait]
Bien que le romancier ne donne aucune des précisions que l'on pourrait attendre d'un
portrait classique (la couleur des yeux, la forme du nez, le teint...), il est néanmoins
possible de repérer quelques indices dans la deuxième moitié du texte.
Si la position de
la jeune fille, « le dos tourné aux bruits de la ville », suppose sinon la concentration
intérieure, du moins l'attention portée exclusivement au jardin et à la nature, son trait
dominant est son attitude hiératique, suggérée par « silhouette dominatrice » et « d'une
fixité de statue ».
Par son immobilité volontaire elle ressemble à une statue.
Le seul
détail donné par le narrateur renforce le sentiment de distance entre la jeune fille et le
commun des mortels : son « profil perdu se détachait sur la coulée de fleurs ».
C'est
donc des connotations (de beauté et de fragilité dans « fleurs »), des répétitions (« sur la
coulée de fleurs », « dont les champs de fleurs ») et des comparaisons (avec « un champ
de neige ») que le lecteur tirera les impressions de grâce et de pureté.
Enfin, la beauté, qui pourrait faire l'objet d'une description minutieuse, n'est signalée
qu'en passant, préparée cependant par « contour tendre et comme aérien », qui évoque
d'ailleurs autant la jeunesse que la beauté.
Le narrateur n'y est pas sensible parce que la
présence de la jeune fille éveille en lui un sentiment beaucoup plus intense, la «
conviction que la reine du jardin venait de prendre possession de son domaine solitaire ».
Ce thème de la royauté de la femme est chez Julien Gracq un héritage du surréalisme.
Muse, inspiratrice, médiatrice, la femme avait été placée par les surréalistes au rang
d'une déesse : elle est la beauté, elle donne l'amour, elle révèle le monde, elle apporte
au poète la lumière et la connaissance de lui-même.
[III.
Les sentiments....
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